PAGES D’HISTOIRE: LES VISITES DES CHEFS D’ÉTAT À MONTLUÇON, DE NAPOLÉON III (1864) À FRANÇOIS MITTERRAND (1984)

MISE À JOUR: 25 JANVIER 2024

Jean-Paul PERRIN

Contacts: allier-infos@sfr.fr

• En 120 ans, entre 1864 et 1984, Montluçon n’a vu passer que quatre  chefs de l’État  en visite officielle : Napoléon III (1864), le maréchal Pétain (1941), le général de Gaulle (1959) et François Mitterrand (1984). Si l’on excepte le cas de  Napoléon III, venu à la demande insistante   de la municipalité, toutes les autres visites s’inscrivent dans le cadre de voyages officiels en province, dont les deux derniers qui s’étendent   sur plusieurs jours.

 • À ces visites, qui  sont  toujours très courtes,  la plus brève étant celle du général de Gaulle (à peine 1 h 15), on cherche  à  associer les élus, les corps constitués, les “forces vives” mais aussi la population montluçonnaise. Décoration et  pavoisement de la ville sont de mise, ainsi que l’appel à la foule pour qu’elle vienne  acclamer le visiteur, tout  en donnant une image positive de la cité.

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• Pour chacune de ces visites, outre le contexte politique, économique et social dans lequel elles s’inscrivent, cet article propose de revenir sur  le programme minutieux qui a été établi, ainsi que sur les retombées que ces événements ont pu avoir sur le bassin montluçonnais, sans oublier les répercussions dans les médias, locaux ou nationaux. Une histoire qui débute le dimanche 7 août 1864, avec la venue de  Napoléon III, empereur des Français, et qui s’achève le 6 juillet 1984, avec la visite  de François Mitterrand, 4ème président élu sous la Vème République.

Enfin, dans le  prolongement de ces 4 visites, il a semblé utile d’ajouter  celle de François Hollande, en février 2017, à quelques semaines de la fin de son mandat présidentiel. Une  visite toutefois bien différente des précédentes: elle n’a donné lieu à aucune manifestation populaire, pas plus qu’à une  rencontre ou cérémonie officielle  avec les élus. En outre, elle s’est circonscrite à la proche périphérie montluçonnaise, sans incursion dans la cité des bords du Cher, avec le passage par deux sites industriels, le premier à Verneix, le second à Domérat.

– I –

1864

NAPOLÉON III

EMPEREUR DES FRANÇAIS

 (DIMANCHE 7 AOÛT 1864)

 

DES RACINES & DES AILES

 

1- LE CONTEXTE  DE LA VISITE

 • Napoléon III règne officiellement en tant qu’empereur des Français depuis 1852, un an après le coup d’état du 2 décembre 1851. Le Second Empire, après une première période que l’on a qualifiée “d’autoritaire” s’est peu à peu « libéralisé ”. Il connaît alors son apogée économique. Une croissance à laquelle la ville de Montluçon, alors en plein essor  industriel et démographique, n’échappe pas. En témoigne  la  forte extension du quartier ouvrier et industriel de la Ville-Gozet.

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▲  Montluçon,  vu depuis  les hauteurs des Guineberts, vers  1856 (lithographie polychrome de Ledoux) ▼
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Extrait de Montluçon au siècle de l’industrie (R. Bourgougnon, M. Desnoyers, éditions du Koala, 1986)

• La ville est dirigée depuis le 14 juillet 1860 par Jacques Alexandre Duchet (1819-1905) qui a créé dès 1842 la Verrerie, proche du canal de Berry et de la voie ferrée des houillères : “ Comme tous les industriels, il a le culte du travail (…). Comme tous les “bourgeois conquérants”, il pense que la prospérité matérielle doit s’appuyer sur la mainmise des municipalités. Il sera donc maire  (nommé) de Montluçon de 1860 à 1868 ” (1), tout comme le sont à la même époque, à Commentry,  Charles Nicolas Martenot (de 1862 à 1865) puis Stéphane Mony (de 1865 à 1870). Bonapartiste convaincu, Jacques Alexandre Duchet souhaite marquer son mandat par la venue de l’empereur à Montluçon.  La visite impériale aurait à ses yeux plusieurs avantages :

Montluco Tudot
Le Cher et la vieille ville, au milieu des années 1850 (lithographie extraite de l’Album historique d’Edmond Tudot, 1855)

• D’abord, elle permettrait de montrer l’essor industriel de Montluçon, avec un passage obligé par  le quartier de la Ville-Gozet et une  visite des usines : “Pourvu aujourd’hui d’un canal et de quatre lignes de chemin de fer, entouré de riches et nombreuses houillères, Montluçon est devenu en peu d’années un des centres industriels les plus actifs et les plus importants de la France. De grandes et nombreuses usines y existent déjà et il s’en établit chaque année de nouvelles », peut-on lire dans le journal L’Illustration qui consacrera plusieurs pages à cette visite dans son numéro du  3 septembre 1864”.

2 - VERRERIE ET CANAL
Le canal de Berry, la Verrerie et les fours à chaux

• Ensuite, ce serait aussi l’occasion d’inaugurer la gare de Montluçon  (Compagnie du chemin de fer d’Orléans) dont le  bâtiment des voyageurs a été achevé en février 1863, ainsi que  l’avenue qui y conduit, permettant la liaison avec le boulevard dit “du collège”. Si l’idée de l’aménagement de cette avenue n’est pas imputable à Jacques Alexandre Duchet,  puisque des travaux avaient été envisagés dès 1857, ainsi qu’en atteste une délibération municipale, il est de ceux qui ont le plus poussé à sa réalisation. Pour ce faire, il lui a fallu vaincre les appréhensions de son conseil, que ce soit pour le coût des travaux ou pour les obstacles techniques à surmonter, le moindre n’étant pas les travaux considérables  de remblais à effectuer. Les terrains étant inondables, il  aura notamment fallu transporter et accumuler  plus de  50 000 m3 de laitier provenant des Hauts-Fourneaux. (2)

carte gare colorisée chevaux et fiacres
La gare, dont la construction a été achevée en 1863

• Enfin, la venue de Napoléon III serait un moyen de démontrer l’attachement de toutes les catégories de la population (passée de près de 9 000 habitants en 1851 à plus de 17 000 en 1864), à la personne de l’empereur et au régime impérial. La nouvelle avenue n’ayant pas encore de nom, Jacques Alexandre Duchet considère que la visite impériale permettrait aussi de la baptiser en lui donnant officiellement le nom de l’auguste visiteur.

• À ces considérations, vient s’ajouter un élément susceptible de  favoriser ce déplacement : depuis 1861, Napoléon III fait un séjour à Vichy. Pourquoi ne pas l’inviter à effectuer un passage par Montluçon, soit pendant son séjour, soit lors de son retour vers la capitale.  À trois reprises, des adresses ont été faites, en vain,  par la Municipalité  pour solliciter l’empereur (3). La toute première date du 24 juin 1861 : “ Sire, lorsque nous avons appris votre prochaine arrivée à Vichy, l’espérance de vous voir bientôt dans nos murs est entrée dans le cœur de tous les habitants, et de notre ville et des campagnes qui l’entourent. Nous attendons depuis longtemps une occasion solennelle de témoigner à votre Majesté  notre attachement et notre admiration pour la grandeur à laquelle elle a élevé notre France en dedans comme au dehors”.

4 - Napoléon III à Vichy (juillet 1862)
Napoléon III, lors de son 2ème  séjour vichyssois (1862), à la Villa Strauss

• La demande restera lettre morte, tout comme la suivante, datée du 12 juin 1862 : “ Sire, l’année dernière, à pareille époque, nous apprenions  que votre majesté devait faire un assez long séjour dans notre département et nous avions l’espoir de vous recevoir dans nos murs. Le conseil municipal a l’honneur, Sire,  d’être l’interprète des habitants de Montluçon en vous priant de leur fournir  l’occasion de voir, de connaître et d’acclamer leur souverain (…). La nouvelle d’un voyage prochain  que votre Majesté doit entreprendre  avec notre gracieuse et bien aimée souveraine et qui a pour but les villes qui nous entourent a fait renaître l’espérance dans nos cœurs ”

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À la villa Strauss, Napoléon III salue les curistes  et les curieux (extrait de la revue Le Monde Illustré)

• Le 25 juin 1863, la troisième tentative reste, elle aussi,  vaine même si les termes peuvent laisser entrevoir une relative déception : “Depuis deux ans votre majesté daigne honorer de son séjour la principale station thermale de notre département. Les habitants de la ville de Montluçon nourrissaient l’espoir de posséder parmi eux le souverain bien aimé qui a porté la France à l’apogée de la prospérité et de la gloire. L’année dernière, cette espérance semblait sur le point de se transformer en réalité et déjà nos cœurs s’ouvraient  à la joie d’acclamer  le chef providentiel de la grande Nation. Déjà la population  montluçonnaise se préparait avec enthousiasme  à recevoir son hôte auguste avec l’amour et la reconnaissance qui lui sont dus”Napoléon III Monnaie or - Copie

• Ces arguments ont-il fini par convaincre l’entourage de l’empereur que l’on ne pouvait rester sourd à cet « enthousiasme » affirmé ? Toujours est-il que la quatrième demande, adressée le 21 avril 1864, sera la bonne. Cette fois-ci, on y ajoute un nouvel argument : un sentiment « d’injustice » qui pourrait naître par rapport aux autres parties du département: “ Nous venons d’apprendre que bientôt vous viendrez demander  aux thermes de notre département quelques jours de calme et de repos. Cette nouvelle qui s’est propagée avec rapidité parmi nous   a fait renaître l’espérance  de votre auguste visite, ardemment désirée et impatiemment attendue depuis 3 années. Les autres arrondissements du département de l’Allier ont été, jusqu’à ce jour, plus favorisés que nous. Et cependant, nous désirions pouvoir vous montrer  notre ville industrielle dont l’accroissement ne s’arrête plus, depuis que sous votre puissante impulsion, nous avons été dotés de ces nouvelles voies de communication indispensable au mouvement des affaires ”… (4)

Napléon III Armes• La réponse positive émanant du général Fleury, premier écuyer et aide de camp de l’empereur, est  transmise par le préfet le 27 juin 1864. Elle précise que, s’il n’est pas envisageable que Napoléon III vienne à Montluçon en se rendant à Vichy, la  visite pourrait s’inscrire soit durant  son séjour à Vichy, soit au moment du retour à Paris. En revanche, il n’est pas envisageable pour l’empereur de se rendre à Commentry ou à Néris-les-Bains, deux communes qui l’avaient également sollicité. Si l’empereur ne vient pas à elles, les deux villes pourront toutefois envoyer des délégations dans la sous-préfecture.

 

2-  L’ORGANISATION DE LA VISITE

DE NAPOLÉON III

• La venue de l’empereur étant désormais acquise, il reste à mettre au point les détails de l’organisation.  Dès le 14 juillet 1864, Jacques Alexandre Duchet réunit le conseil municipal en vue de prendre toutes les mesures nécessaires, y compris de sécurité,  qui permettront de recevoir dignement « l’auguste visiteur ». Il est  notamment envisagé la construction de plusieurs édifices provisoires, arcs de triomphe ou portes monumentales, qui ponctueront le trajet  impérial.

• Il faut aussi composer avec les services de sécurité, dont les consignes sont relayées par le préfet. Première précaution : l’arrivée en gare de Montluçon, le 22 juillet 1864, d’un wagon gabarit. Après avoir parcouru la section de Moulins à  Montluçon, il a pu permettre de vérifier que les embranchements  ferroviaires des usines  de la Glacerie et de Saint-Jacques seraient eux aussi praticables. Dans le programme de la visite, il était en effet initialement prévu que le convoi repartirait  directement des usines.

• Une semaine plus tard,  le 28 juillet 1864, le commissaire central de Montluçon dévoile “le projet de service de police” qu’il a établi. Il recèle à la fois des  consignes strictes de sécurité et  une série de suggestions pour assurer le bon déroulement de la visite.  Chaque étape du trajet que doit emprunter l’empereur fait l’objet d’un examen, à commencer par la toute nouvelle avenue que doit emprunter Napoléon III, en landau, dès sa sortie de la gare (5) :  “Ne laisser sur l’avenue que les députations des communes, qui se rangeront en bataille, leurs drapeaux en tête, sous la direction de messieurs les maires qui seront priés de recommander à leurs administrés  de respecter les arbres. Les gens de la campagne, en général, ont plus de respect pour les plantations, (…) aucune dégradation n’est à craindre ”.

5 - Boulevard
Une partie des boulevards empruntés par le futur cortège, entre la gare et l’hôtel de ville

• Ensuite sur les boulevards qu’empruntera le cortège, une première fois  pour se rendre à l’hôtel de ville et une seconde fois pour gagner la Ville-Gozet, via le faubourg Saint-Pierre : “Le service d’ordre ne pourra être fait que par la troupe et la gendarmerie qui seront échelonnés sur les boulevards (…). La circulation des voitures et des chevaux ou ânes sera entièrement interdite. Les arcs de triomphe seront gardés par la troupe. Une brigade de gendarmerie à cheval fera dégager la chaussée pour le passage du cortège et les militaires feront la haie ”.

• L’hôtel de ville fait l’objet d’attentions particulières, dans un curieux mélange de consignes d’ordre sécuritaire et d’ordre esthétique : on comprend que l’on veuille  «  Empêcher l’introduction de tout étranger dans la cour et dans les bâtiments ». De même que «  Les fenêtres des deux ailes (soient)  numérotées et ne (soient) occupées que par des personnes munies de billets donnés par M. le maire ». Plus surprenante apparaît la suggestion qui suit, dans un texte qui se veut avant tout d’ordre sécuritaire : « Les toilettes élégantes qui garniront ces fenêtres  contribueront à la décoration de l’hôtel de ville ».

6 - L'hôtel de ville
L’hôtel de ville, situé alors dans l’ancien couvent des Ursulines

• Autre initiative, la construction d’estrades le long du parcours afin qu’un maximum de personnes puissent voir et  acclamer Napoléon III. Si certaines seront bien garnies, il n’en sera pas de même pour d’autres dont on déplorera ultérieurement qu’elles soient « restées en partie inoccupées : Les prix élevés des places ont été pour beaucoup dans l’abstention du public qui a vu là une spéculation trop oublieuse de la charité ». (6)

• Tandis que l’on s’affaire aux préparatifs, la visite étant  initialement prévue le samedi 6 août 1864, le jour du marché « de toutes marchandises et denrées », il a été décidé de l’avancer d’une journée, soit au  vendredi 5 août. Un arrêté qui se révèle finalement inutile : contraint par diverses réceptions et cérémonies officielles avant son départ de la station thermale, Napoléon III ne pourra arriver que le dimanche 7 août, lors de son retour  à Paris.

3 – LE DÉROULEMENT DE LA VISITE 

(ENTRE 11 h 10 ET 13 h 15)

 

◘ L’ARRIVÉE EN GARE DU CONVOI IMPÉRIAL 

• Parti de Vichy dès 8 h 00 du matin, le train impérial arrive, via Moulins,  en gare  de Montluçon à 11 h 10. Depuis plus d’une heure, la foule s’est  groupée sur les contre-allées de l’avenue et sur  les boulevards, garnissant plus ou moins complètement les estrades. Un effort important de pavoisement a été fait, qu’il soit d’initiative publique,  avec le déploiement plus de 200 drapeaux, bannières et banderoles, ou d’initiative privée, avec les décorations aux balcons et fenêtres le long du parcours. Une haie d’honneur a été mise en place  devant la gare par le 4ème  bataillon du 59ème de ligne, alors installé au château.

7 - Wagon impérial
Le wagon de l’empereur dans le train impérial

• Dès son arrivée en gare, Napoléon III est accueilli par le sous préfet de Montluçon et par  le maire Jacques Alexandre Duchet, accompagné des élus municipaux. Dans son discours de bienvenue, le maire ne manque pas de faire le lien entre l’essor de la ville et la dynastie impériale, en présentant Napoléon III comme le continuateur de Napoléon Ier (7) :   “ Sire, je viens à la tête du corps municipal  vous exprimer notre reconnaissance pour l’insigne honneur que vous daignez faire à la ville de Montluçon. Nous ne pourrons pas vous recevoir avec les splendeurs des grandes cités, mais nulle part vous n’aurez trouvé un accueil plus chaleureux. Notre prospérité a une origine toute napoléonienne : le canal de Berry décrété à la fin de 1807 est le véritable créateur de notre industrie. À partir de ce moment, nos houillères ont été exploitées et nos usines  successivement fondées. Mais les unes et les autres n’ont pris leur essor que depuis l’achèvement des chemins de fer dont nous a doté Votre majesté ” La population montluçonnaise ne pourra donc que lui en être reconnaissante : “ Les acclamations qui vous attendent ne seront pas seulement inspirées par le souvenir de ces grandes créations  qui ont fait la fortune de notre pays. Elles s’adresseront avant tout au souverain dont le cœur bat comme le cœur de la France, au régénérateur de cette jeune dynastie appelée par la providence à marcher à la tête du progrès et des aspirations modernes ”.

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Le sénateur Mocquard, le général de Béville et le général Fleury qui accompagnent Napoléon III pendant sa visite

• La réponse impériale se veut nettement plus sobre : Napoléon III rappelle, d’abord, qu’il lui tardait de visiter la ville dont il dit connaître l’importance. Une manière, sans doute,  de faire oublier les trois refus ou non réponses essuyés par la maire à ses demandes, de 1861 à 1863. Et d’ajouter, parce qu’il sait que temps lui est compté, avec un programme chargé : “ Je verrai votre ville ainsi que vos usines  avec intérêt et j’espère que ma visite datera votre prospérité future”.

◘ DE LA GARE

À L’HÔTEL DE VILLE

• En sortant de la gare, Napoléon III prend place   dans un landau impérial, tiré par deux chevaux, précédé de gendarmes à cheval, ainsi qu’en atteste la gravure publiée dans L’Illustration. À  ses côtés, ont pris place  le sénateur Mocquard, chef de cabinet, le général Fleury, grand écuyer, et le Général de Béville, aide de camp de l’empereur. De la gare, le cortège doit gagner les boulevards pour rejoindre l’hôtel de ville, première étape de la visite.

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L’avenue de la gare, vue depuis l’esplanade du Château, quelques années après la visite de Napoléon III

• Le Courrier de l’Allier, (8), principal journal montluçonnais, ne masque pas son enthousiasme en rendant compte de ce moment fort : “ Dès que sa majesté a paru, les tambours ont battu aux champs, les cloches de nos églises ont été mises en branle, donnant ainsi la signal de l’allégresse qui allait éclater sur toute la ligne. Ce fut en effet une véritable explosion de cris de “Vive l’Empereur”, sortis de 10 000 poitrines…On peut dire qu’il n’y a pas eu de discontinuité  dans cette acclamation frénétique, car les premiers vivats ne se taisaient que quand d’autres, aussi chaleureux, annonçaient que l’empereur était trop éloigné pour  entendre. Notre magnifique avenue, récemment plantée de platanes, à laquelle Napoléon III a bien voulu donner son nom était littéralement envahie par une foule compacte ». L’Illustration, de son côté, décrit “la haie formée par les députations des communes, des mines et des usines, dont les riches bannières s’inclinaient pour saluer l’auguste visiteur. Partout, sur son passage, la population manifestait  le plus vif enthousiasme.  Partout, les maisons étaient pavoisées”.

8- Le cortège avenue de la gare
Le cortège impérial, sur l’avenue de la gare, lors du retour à la gare
(L’Illustration, 3 septembre 1864)

• Le Courrier de l’Allier s’attarde également sur la description des monuments qui ont été érigés sur le parcours, le plus célèbre étant celui figurant à l’extrémité de l’avenue, peu avant qu’elle ne rejoigne le boulevard du collège.  C’est la maison Gouillon qui en a assuré la construction : “ Ce monument figuré en granit représentait une immense porte de ville, surmontée de créneaux, flanquée de tourelles et garnie de sa herse. Sur le fond, une banderole verte portait ces mots : “ Montluçon à l’empereur” . Une description conforme à la gravure publiée dans L’Illustration. On notera toutefois qu’elle représente en le retour du cortège à la gare, à l’issue de la visite, puisque le vieux château figure en fond : “ À l’extrémité de cette voie de 40 mètres de largeur était placé un arc de triomphe dans le style moyen âge se raccordant à merveille avec le vieux château sur lequel il se détachait”, peut-on lire dans l’hebdomadaire illustré.

9-L'arc de triomphe (détail)
Le premier arc de triomphe érigé à l’extrémité de l’avenue (détail)

• Un deuxième arc de triomphe a été élevé par la Compagnie des sapeurs-pompiers, sur ce qui est alors le boulevard Bretonnie (9), correspondant la partie supérieure du boulevard de Courtais actuel. Si l’on ne dispose d’aucune représentation de l’édifice, on peut toutefois se reporter à la description qu’en a donnée Le Courrier de l’Allier: “ Cet arc de triomphe, figuré en porphyre, à trois portiques, comportait des trophées, des casques, des drapeaux, des panoplies qui achevaient la décoration de ce monument, dont l’ensemble massif et élégant en même temps était du plus bel effet. Au fronton, on lisait : “ À l’empereur, les sapeurs pompiers de Montluçon ” (10)

• En poursuivant son trajet, le cortège impérial passe sous un troisième arc de triomphe qui a été élevé par les  ouvriers de la Société de secours mutuels. Comme pour le précédent, on ne dispose d’aucune image mais on peut, là aussi,  se reporter à la description du Courrier de l’Allier : il est  “ en verdure, aussi à trois portiques, décoré de fleurs, de guirlandes, de drapeaux. On y lisait : “À l’empereur, les  ouvriers de la Société de secours mutuels”. Partout des drapeaux, des aigles, des écussons aux initiales de l’empereur et de l’impératrice ”. Selon la même source, “cet arc a touché le cœur de sa majesté”.

10 - Arc de triomphe hôtel de ville
L’emplacement du 4ème arc de triomphe, entre les deux ailes de l’hôtel de ville (ancien couvent des Ursulines)

• Enfin, en arrivant sur la place de l’hôtel de ville, Napoléon III découvre un quatrième   arc de triomphe placé entre les deux ailes de l’ancien couvent des Ursulines (11) : “ Tous ces ouvrages ont pu donner à l’empereur la mesure du dévouement qu’il peut attendre des Montluçonnais ”, conclut le Courrier de l’Allier. Le journal note que “la foule emplissait littéralement la place”, en ajoutant, avec un brin de lyrisme que “l’œil de l’empereur cherchait en vain l’horizon de cette mer aux pittoresques ondulations”, le tout sur fond de musique des sapeurs pompiers interprétant l’hymne impérial.

• C’est à nouveau le maire, Jacques  Alexandre Duchet, qui se charge de l’accueil de l’empereur et de la présentation des  corps constitués, à la porte d’honneur de la salle des réceptions : “Au pied de l’escalier sur lequel de riches tapis avaient été posés, se trouvaient rangés en ordre autour d’un charmant parterre de fleurs les corps constitués qui devaient avoir l’honneur d’être présentés à l’empereur. Les fenêtres des deux ailes étaient garnies  de tout ce que notre ville renferme de plus noble et de plus aimable : les dames qui acclamaient de la voix et de la main, autant le prince magnanime (…) que l’époux fortuné de notre très gracieuse souveraine, que le père glorieux du jeune prince, sécurité de l’avenir”, s’enthousiasme le Courrier de l’Allier.  (12)

• Les réceptions officielles  peuvent alors  commencer, avec “Sa majesté, debout sur le trône (qui) a reçu les hommages de tous le fonctionnaires présentés par M. le Sous-Préfet de Montluçon”, le tout  « dans un ordre si parfait ». S’ensuit la remise de la légion d’honneur au   Comte Émile de Peufeilhoux (conseiller général,  fondateur du comice agricole et président de la société de secours mutuels) et au docteur Lefèvre, “serviteur du Premier empire” : engagé volontaire en 1809, il a été chirurgien dans l’armée impériale  jusqu’en 1815, avant de venir se fixer à Montluçon et d’y devenir médecin de l’hôpital en 1822. Une fonction qu’il “remplit gratuitement », précise le Courrier de l’Allier qui conclut: “C’était assez pour que l’empereur ne l’oubliât pas”.

◘  DE L’HÔTEL DE VILLE

À LA VISITE DES USINES

• Le temps lui étant compté, Napoléon III quitte l’hôtel de ville pour la seconde étape de la visite, celle des usines. Le cortège descend les boulevards avec passage devant le château de la Romagère (13) : “ Ce qui a frappé sa majesté,  c’est à ce qu’il paraît la similitude qui existe entre cette construction et l’habitation de S.M. l’impératrice à Biarritz”.

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L’Hôtel ou château de la Romagère

• Toujours sous “ les chaleureux vivats de la population”, disposée en  longue et double haie de peuple en liesse”, le cortège découvre un nouvel édifice, bâti spécialement pour l’occasion, à l’initiative des “habitants de l’ancien Montluçon”. Situé à l’entrée du faubourg Saint-Pierre,  il représentait l’ancienne porte qui avait été détruite en 1847. Il a été conçu par l’architecte Tailhardat et le peintre Patrice, la construction ayant été confiée aux entrepreneurs Janin et Baudet.  Sur toute la largeur de l’édifice, on peut lire “Les habitants de Montluçon, à l’empereur”. Outre une photographie, on dispose à nouveau  de la description qu’en donne le Courrier de l’Allier : “Une porte  ressuscitée, avec son caractère moyen âge, épais, lourd, solide : les créneaux, les meurtrières, rien n’y manquait. Un écusson formant clé de voûte  portait les mots “Gergovia Boiorum” qu’une idée singulière y avait fait inscrire”.

11- Porte Faubourg saint-Pierre
La porte érigée à l’entrée du faubourg Saint-Pierre

L’USINE DES HAUTS FOURNEAUX

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L’usine des Hauts Fourneaux vers 1845
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La même usine, vue sous le même angle  en 1854 (lithographie extraite de l’Album historique  de Edmond  Tudot)

• Avant d’emprunter le pont Saint-Pierre, le cortège bifurque sur la droite pour se rendre à  l’usine des Hauts Fourneaux  Boigues Rambourg et Cie, dirigée par Miltiade Forey (1815-1900), par ailleurs à l’origine de la création du “chemin de fer à ficelle » permettant d’alimenter les hauts-fourneaux en charbon commentryen. La réception est assurée par Stéphane Mony (1800-1884) (14), gérant de la société, entouré de plusieurs membres du conseil d’administration, parmi lesquels Paul, Charles et Louis Rambourg. L’Illustration note que “Tous les ouvriers étaient à leur poste de travail. Leurs camarades de Commentry et des autres usines qui entourent Montluçon, étaient venus se joindre à eux et plus de 10 000 ouvriers étaient ainsi réunis”.

12- Usine Forey Hauts fourneaux
▲ L’usine des Hauts fourneaux, vers 1900 ▼

13- Hauts fourneaux et chemin de fer

14 - Stéphane Mony
Stéphane Mony

• On présente à Napoléon III quelques exemples des produits sortant de l’usine, exposés dans la cour, avant qu’il n’assiste brièvement à une opération de coulée. Contrairement à ce qui a pu être longtemps affirmé, le buste en fonte de Napoléon III, qui figure aujourd’hui dans les collections des Amis de Montluçon, n’a pas pu être coulé pendant la trop brève visite impériale. Comme à l’hôtel de ville, Napoléon III  remet des décorations à ses hôtes : Louis Rambourg (1801-1893) et Stéphane Mony sont élevés au grade officiers de la  légion d’honneur, tandis que Miltiade  Forey et l’ingénieur Martin, par ailleurs directeur de la mine de Commentry, reçoivent la croix de chevalier.

16 - Militiade Forey
Miltiade Forey

• À propos de Louis Rambourg, qui siège au  conseil général,  le Courrier de l’Allier mentionne que l’empereur a été “touché profondément” par le geste de celui-ci : un don de 300 000 francs pour la construction d’un hôpital à Commentry. Avant que l’empereur ne quitte l’usine, Stéphane Mony se tourne vers les ouvriers présents : “Il a compris que si l’empereur a voulu récompenser les hommes éminents qui dirigent avec intelligence une si utile et si grande industrie, il a voulu récompenser en eux les ouvriers qui leur prêtent un concours si dévoué”, rapporte le Courrier de l’Allier. Et de s’adresser aux ouvriers en ces termes : “ Mes amis, c’est pour vous ! Remerciez votre empereur !”. De quoi déclencher les acclamations.

15 - Buste Napoléon III
Le buste coulé à l’usine des Hauts Fourneaux offert à Napoléon III

◘  LA VILLE-GOZET  ET  SES USINES

• Après être passé devant un groupe de mineurs, arborant une bannière célébrant leurs “vingt ans de services”, le cortège quitte les Hauts Fourneaux et par le quai, il gagne le  Pont Saint-Pierre pour pénétrer  en Ville-Gozet. À l’extrémité du pont, a été érigé un autre arc de triomphe. Un édifice qui retient l’attention des envoyés de L’Illustration (15), qui en publie par ailleurs une gravure : “À l’entrée de la nouvelle ville, un grand arc élevé par les usines réunies,  était un véritable monument placé au point de rencontre des  quatre rues. Ses 4 colonnes formées avec des rails, n’avaient pas moins de 12 m de hauteur. Cet arc de triomphe magnifiquement orné avait un caractère spécialement industriel. Il était construit tout entier avec des produits courants des usines. Rien n’avait été fabriqué pour la circonstance ”.

17 - Arc de Triomphe pont Saint-Pierre
L’arc de triomphe érigé à l’entrée de la Ville Gozet (L’Illustration – 3 septembre 1864). À l’arrière plan, l’obélisque de 7 m de haut

• De son côté, le Courrier de l’Allier écrit : “Quatre colonnes colossales mesurant pas moins de 12 m de hauteur, comparable à celles de la vieille Palmyre étaient formées de rails reliés entre eux par de puissants anneaux. Elles étaient supportées par des soubassements construits avec des coussinets. Les entablement des 4 faces de cet édifice étaient composés de poutres de fer et les chapiteaux des colonnes supportaient des pyramidons faits avec des glaces et des bouteilles. Dans le haut et sur les quatre côtés, une riche draperie portait ces mots en lettres d’or : « À Napoléon III, les usines de Montluçon » (16).

18 - Arc de triomphe Ville Gozet Montage

L’arc de triomphe, à l’entrée de la Ville-Gozet,  en cours de construction

• Cinq entreprises, auxquelles le même journal tresse des louanges,  ont participé à son édification en y mêlant des éléments de leurs fabrications : La compagnie des Houillères (“source première de notre prospérité”), les Hauts-fourneaux et les Forges (“dont les produits couvrent le sol de France et vont jusque chez l’étranger jaloux”) , la Verrerie (“premier jalon industriel posé sur une terre morte”), la Glacerie (“autrefois industrie de luxe, devenue manufacture de première nécessité”) et les Ateliers de construction (“ nouveaux nés dans notre ville et qui sont venus s’établir auprès des grandes usines pour en être les auxiliaires utiles”).

• Enfin, dans la perspective qu’offre “cette longue et belle rue de Tours”, on peut distinguer un obélisque de 7 m de hauteur, “dans le genre des monolithes égyptiens qui terminait très heureusement le fond du tableau”. Le Courrier de l’Allier note que “L’empereur a été salué par les nombreux ouvriers qui avaient coopéré à la construction de l’obélisque qui fermait si heureusement la voie triomphale”. Quant à l’Illustration qui mentionne l’édifice, elle y verra plutôt “une pyramide de sept mètres de hauteur”.

LA VERRERIE DUCHET

• Trois usines figurent au programme de la visite en commençant par la Verrerie (17) où le cortège arrive  après avoir emprunté une partie de la rue de Tours. Cette fois-ci n’est plus en tant que maire de Montluçon mais en tant que propriétaire de l’entreprise que Jacques Alexandre Duchet reçoit l’empereur. Pour l’occasion, un  arc de triomphe entièrement réalisé en bouteille a été installé. Comme à l’usine des Hauts-fourneaux, il peut assister au processus de fabrication, avec une démonstration des souffleurs de verre : “L’empereur a été satisfait des marques de sympathie qu’il recevait, rapporte le Courrier de l’Allier. Il a  félicité M. Duchet en lui exprimant le plaisir qu’il éprouvait  d’avoir eu l’heureuse occasion de  nommer maire de Montluçon, un homme qui comprend si bien sa double tâche de magistrat et d’industriel”.

19 - Verreries du centre cour intérieure
▲  La cour intérieure de la Verrerie Duchet et l’atelier des souffleurs de verre, “les ouvriers les mieux payés” ▼

20 - Verrerie fabrication des bouteilles

VERRERIE DEPOT BOUTEILLES
Le dépôt des bouteilles

L’USINE DE LA GLACERIE

• De la Verrerie, Napoléon III rejoint la Glacerie où il arrive vers 12 h 50. Le programme n’est guère différent de celui des usines précédentes, avec la visite des ateliers  sous la direction de M. Roux de Clancays, président du conseil d’administration, accompagné notamment par le directeur gérant Berlioz. On effectue devant le visiteur la  coulée “d’une glace de la plus grande dimension”  que “ l’empereur a suivie avec le plus vif intérêt”. Après un passage  par différents ateliers, il remet la légion d’honneur à M. Berlioz “dont l’intelligente direction a su triompher des chômages que pouvait occasionner la guerre fratricide des deux Amériques”.

21 - Sortie des ouvriers de la Glacerie
L’usine de la Glacerie, à l’heure de la  sortie des ouvriers

L’USINE SAINT-JACQUES

Numérisation_20180729 (5)

• Ultime étape de la visite : l’usine Saint-Jacques où il est reçu par le président du conseil d’administration,  M. Darcy, entouré du  directeur de l’usine et d’ingénieurs. Pour le Courrier de l’Allier (18), le constat est le même que dans les autres usines : «L’empereur a reçu les témoignages les plus expressifs de la joie que causait son auguste présence. Sans être moins respectueux que les ouvriers de l’usine Forey, ceux de Saint-Jacques avaient rompu les digues de la discipline et étaient venus entourer sa Majesté qu’ils acclamaient, avec toute l’expansion d’un cœur reconnaissant (…). Napoléon III s’est vu entouré des ouvriers, ses amis, pendant que les pistons sifflaient, les marteaux pilaient (…). Trois mille voix au moins poussaient des cris de Vive l’empereur ».

22 - Saint-Jacques vers 1870
 L’usine Saint-Jacques, vers 1870-1880
23 - Usine Saint-Jacques canal péniches
Une autre vue de l’usine, et du canal de Berry (vers 1900)
24 - Pilon Saint-Jacques TUDOT
Un des marteaux pilons de l’usine

• C’est aussi le moment pour le journaliste de railler ceux qui avaient prédit une manifestation d’indifférence des ouvriers face à l’empereur : « Que sont devenues ces craintes d’indifférence ? Où ont abouti ces fantômes d’hostilité ? Néant, néant. Le souffle de l’empereur a passé  par là, il ne reste plus que des citoyens qui l’aiment ». Pour L’Illustration, qui partage les mêmes sentiments bonapartistes, le constat est identique: “L’empereur a été impressionné par la vue de ces masses imposantes par leur bonne tenue et la forme respectueuse qu’elles ont su donner, comme toute la population, à la manifestation de leur enthousiasme”.

• Sous la conduite de M. Coingt, « premier ingénieur qui a développé l’industrie métallurgique à Montluçon », Napoléon III parcourt différents ateliers. C’est l’occasion pour  lui  de découvrir les  principaux produits de l’usine  et d’assister à la  coulée de trois  médaillons  à l’effigie de la famille impériale. Avant de quitter l’usine, il remet la croix de chevalier  de la légion d’honneur à M. Baure, le directeur des Houillères de Bézenet, et  à M. Coingt, directeur de l’usine.

◘ L’HEURE DU DÉPART

ET LE RETOUR À LA GARE

Napoléon III Le Constitutionnel 9 août 1864
Le Constitutionnel (9 août 1864)

• Contrairement à ce qui avait été initialement prévu, ce n’est pas de l’enceinte de l’usine que  repartira le train impérial. Le Courrier de l’Allier en donne l’explication : “Par une délicate attention, l’empereur a donné des ordres  pour que le train qui devait le prendre à l’intérieur de Saint-Jacques, fût ramené à la gare, ne voulant point, a dit sa majesté, que tant de prévenance et de sympathiques démonstrations ne soient pas payées en retour”. Napoléon III remonte donc dans le landau impérial et, en empruntant à nouveau le faubourg Saint-Pierre, le boulevard et l’avenue de la gare il achève son périple. C’est cette dernière  image du cortège sur l’avenue le ramenant vers la gare que publiera L’Illustration, laissant apparaître une foule encore nombreuse. Après avoir salué une délégation d’ouvriers venus des houillères d’Ahun, avec lesquels il a un bref entretien,  Napoléon III arrive à la gare. Avant de reprendre le train, il a encore le temps de remettre deux décorations aux représentants les deux corps qui ont assuré la sécurité durant la visite, l’une au capitaine de Mouzet, du 59ème, et l’autre à un lieutenant de gendarmerie, M. Aimé,

• L’heure est au bilan : ”Sa Majesté a prié M. le maire de faire savoir aux populations combien elle regrettait de ne pouvoir consacrer plus de temps à visiter tout ce que renferme notre beau pays”, nous apprend le Courrier de l’Allier. L’Illustration note que “Sa majesté a quitté la ville, remerciant le maire de l’accueil qui avait été fait et qui, du reste, avait été des plus chaleureux ». Autre   geste impérial avant que le train ne s’ébranle, Napoléon III remet au préfet une somme de 8 000 francs (19) à charge pour lui de la  répartir entre les  caisses et sociétés de secours mutuel des usines et des mines, de Montluçon, Commentry et Bézenet. C’est aussi l’occasion pour le maire de la cité de solliciter une subvention de 83 900 francs pour permettre l’achèvement des travaux de l’église Saint-Paul.

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Une aide sollicitée pour achever la construction de l’église Saint-Paul, au cœur du quartier de la Ville-Gozet
25 - La Presse 23 août 1864
La Presse (23 août 1864)

 • Il est 13 h 15 lorsque le convoi impérial repart. Après les toutes dernières  acclamations de la foule massée entre le pont des Nicauds et la gare d’eau,  l’empereur regagne la capitale par la ligne de Bourges, ouverte depuis 1861.  Ce sera son ultime passage en Bourbonnais puisqu’en 1865, il ne reviendra pas à Vichy. Les festivités ne sont pas pour autant achevées : “Cette journée de fête s’est terminée par un feu d’artifice de Ruggieri et par de brillantes et générale illuminations”, écrit L’illustration, avant d’ajouter que “L’ordre admirable remarqué pendant le passage de sa majesté n’a cessé de régner jusqu’au moment avancé de la soirée où chacun se séparait aux cris répétés de “Vive l’empereur !”. Le Messager de l’Allier, publié à Moulins, en parlant d’un “magnifique spectacle” prophétise que “la journée du 7 août 1864 sera une des plus mémorables dans les annales de la ville”.

• On notera que, hormis la presse locale (Le Courrier de l’Allier, le Messager de l’Allier) et à l’exception notable de L’Illustration, la presse nationale ne semble avoir donné qu’un  écho limité à  cette visite. Dans les quotidiens nationaux, on trouve quelques brefs articles dans un petit nombre de journaux, à l’image de La Presse (23 août 1864) ou du  journal Le Constitutionnel dans son édition du 9 août 1864 (20) :  “L’empereur, parti hier au matin de Vichy à huit heures, est arrivé à Montluçon à  onze heures dix minutes. Reçu à la gare par le corps municipal, il s’est rendu à l’hôtel de ville, à travers des flots de populations accourues de tous les environs et qui faisaient éclater le plus vif enthousiasme. (…). Sa Majesté a visité les principales usines. Partout l’accueil a été des plus chaleureux et des plus sympathiques. Le cortège impérial a quitté Montluçon à une heure quarante cinq minutes. L’empereur s’est arrêté pour dîner à la gare des Aubrais, pendant une demi-heure. Sa majesté est arrivée au palais de Saint-Cloud vers neuf heure et un quart”. Rien de plus…

26 - Avenue de la gare jardins
L’avenue Napoléon III, redevenue Avenue de la Gare après la chute du Second Empire, en  1870

• Ultime prolongement de cette visite, suite à la demande de Jacques Alexandre Duchet et après l’acceptation de l’empereur, l’avenue de la gare qu’il a inaugurée devient, à compter du 7 août 1864, “ Avenue Napoléon III”. Un nom qu’elle conservera jusqu’à la chute de l’empire et la proclamation de la république, le 4 septembre 1870, redevenant alors, pour un demi-siècle, Avenue de la gare. (21)

 

– II –

1941

LE MARÉCHAL PÉTAIN

CHEF DE L’ÉTAT FRANÇAIS

(JEUDI 1er MAI 1941)

 27 - Le maréchal Pétain

 1 – LE CONTEXTE DE LA VISITE 

 

28 - L'armistice
La demande d’armistice (Le Petit Parisien, 17 juin 1940

• Nommé au poste de président du conseil, le 16 juin 1940, en pleine débâcle militaire, le maréchal  Pétain, “le héros de Verdun” a demandé la signature d’un armistice. Elle a eu lieu le 22 juin 1940, à Rethondes.  Dès le 10 juillet 1940, à Vichy, fort du vote favorable de 569 parlementaires (contre seulement 80, dont trois Bourbonnais : Marx Dormoy, Isidore Thivrier et Eugène Jardon), il s’est vu octroyer les pleins pouvoirs pour instaurer une nouvelle constitution.   Le 11 juillet 1940, il a  mis fin à la république en instaurant l’État Français, dit “régime de Vichy”. Il cumule les pouvoirs législatif (avec l’ajournement des deux  chambres) et exécutif, tout en exerçant un contrôle sur la justice, via le serment exigé  de tous les magistrats. Après avoir promulgué, le 3 octobre 1940, le Statut des Juifs qui les exclut socialement et professionnellement, il a officiellement engagé la France sur la voie de la collaboration, avec l’entrevue de Montoire (24 octobre 1940) au cours de laquelle il a rencontré, à sa demande, Hitler.

29 - LE FIGARO 11 JUILLET 1940
Après le vote des pleins pouvoirs … (Le Figaro, 11 juillet 1940)

• Le 9 novembre 1940, toutes les organisations syndicales ont été dissoutes,  en attendant l’instauration d’une Charte du travail, qui ne sera  finalement  promulguée que le 4 octobre 1941 : outre la dissolution des syndicats et la suppression du droit de grève, elle  instaure des corporations par branches d’activités, basée sur “l’entente” entre patrons et ouvriers, pour mettre fin à “la lutte des classes”. Elle permet à l’État de contrôler les corporations et  de fixer les prix et les salaires.

charte• Avant que ces mesures, à forte portée sociale et politique, ne soient mises en application, il importe donc d’apporter des explications sur ce que seront les nouvelles relations entre les patrons et leurs salariés. Il faut avant tout convaincre le public concerné, majoritairement des ouvriers et des employés, de « leurs bienfaits”. Pour ce faire, dans l’entourage du maréchal Pétain, on envisage un voyage officiel, avec intervention directe qui serait relayée dans la presse, mais aussi par la radio et au cinéma, dans le cadre des Actualités cinématographiques. Il reste à choisir la ou les villes qui pourraient servir de cadre à cette démonstration de propagande.

• Fin mars, on  annonce que la  visite du Maréchal Pétain pourrait avoir lieu dès  le 3 avril, à Montluçon, puis à Commentry,   avec un grand discours adressé symboliquement par le maréchal Pétain à tous les mineurs de France et, à travers eux à toute la population ouvrière. Finalement, la date ne sera pas tenue, d’abord parce que les délais sont jugés trop courts et ensuite parce que, dans l’entourage du maréchal Pétain, on s’interroge sur la pertinence du choix de ces deux villes.

• Des doutes qui peuvent même se muer en inquiétudes.  Montluçon et Commentry, toutes les deux villes ouvrières et/ou minières, sont en effet  marquées par une forte tradition syndicale revendicative. Les grèves de mai – juin 1936 y ont été particulièrement suivies. Politiquement, le parti socialiste SFIO, même réduit à la clandestinité,  y dispose d’une solide implantation, tout comme le parti communiste, interdit depuis l’automne 1939. Marx Dormoy, sénateur et maire de Montluçon, a tenu les rennes de la ville jusqu’à sa destitution en septembre 1940, tandis qu’à Commentry Isidore Thivrier a été maintenu en fonction.  À Domérat, le maire communiste Eugène jardon, a été élu député en 1939, succédant à Marx Dormoy, élu sénateur. Un élément qui atteste de la progression de l’extrême gauche communiste. Enfin, le  bassin montluçonnais a fait l’objet d’une répression politique et syndicale forte dès l‘automne 1940. Tous ces éléments peuvent donc laisser craindre des réactions hostiles. Au contraire, pour le journaliste de La Croix, présent à Montluçon lors de la visite du Maréchal Pétain, ce choix était pertinent : « S’il était dans les environs de Vichy un centre où le chef de l’état pouvait trouver tout indiqué de venir passer les fêtes du 1er mai, c’est bien celui qu’il a choisi, écrit-il dans le journal daté du 3 mai 1941. À Montluçon, l’industrie moderne se relie tout naturellement aux métiers d’autrefois et des traditions de besogne bien faite ont marqué les générations ».

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Eugène Jardon, Marx Dormoy, Isidore Thivrier, les 3 parlementaires bourbonnais qui ont voté contre les pleins-pouvoirs, le 10 juillet 1940

• Ces incertitudes  poussent à une remise de la visite, dans l’attente des résultats des premiers sondages. Ils aboutissent à l’idée de profiter de la date du 1er mai,  première célébration officielle de la Fête du Travail qui doit être selon le Maréchal Pétain  une fête de “la concorde” entre patrons et ouvrier et non plus une date symbolisant affrontement et revendications ouvrière (22).

2- LES PRÉPARATIFS

ET LES CONSIGNES OFFICIELLES

• Comme pour la venue  de Napoléon III, il est important de drainer un maximum de public, dans une ville pavoisée et ponctuée de monuments éphémères, édifiés spécialement pour honorer  la venue du maréchal Pétain. De quoi réaliser de belles images qui traduiront l’enthousiasme de la population et son adhésion supposée totale au chef de l’état  et à ses idées. Seul bémol, Montluçon ne sera qu’une étape dans le voyage officiel, le  discours principal devant être prononcé à Commentry.

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•Les préparatifs sont rondement menés entre Vichy  et les deux villes. À Montluçon, l’interlocuteur aurait dû être  en principe  la nouvelle  municipalité, dirigée par Raoul Méchain, un commerçant de la vieille ville. Or, elle n’a été  nommée par le préfet  que le 21 avril 1941, soit dix jours seulement avant la venue du maréchal et elle ne doit être officiellement installée que le 4 mai. C’est ce qui explique qu’une grande partie des préparatifs aient été réalisés avec la délégation spéciale, présidée par le Docteur Cléret. Celle-ci avait été  installée le 25 septembre 1940, après suspension de la municipalité Dormoy, survenue cinq jours plus tôt. (23)

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L’éditorial de Jean Joussain du Rieu, publié dans Le Centre (1er mai 1941)

• L’appel lancé par la municipalité à la “mobilisation” de la population montluçonnaise est relayé par le quotidien le Centre: « Pas de récriminations. Nous n’en avons pas le droit. Servons notre pays chacun à notre place. Hauts les cœurs ! Pour des jours meilleurs. 1er mai. Fête du travail, fête du maréchal, fête du muguet ! Des fleurs des drapeaux, la France ! ». Au-delà des deux villes, ce travail de préparation doit aussi concerner les communes que traversera le convoi officiel, entre Vichy et Montluçon (Saint-Pourçain-sur-Sioule, Montmarault, Chamblet…).

• La mobilisation touche d’abord la jeunesse, avec  les enfants des écoles qui devront être conduits par leurs maîtres et maîtresses sur les lieux des cérémonies, en particulier sur l’avenue du président Wilson qui mène à la gare, appelée à devenir l’avenue du maréchal Pétain. Elle concerne ensuite les populations ouvrières “invitées”  à y participer massivement, ainsi que les anciens combattants de la grande guerre, regroupés au sein de la  Légion. Si le journal Le Centre ne doute guère de la réussite de la manifestation, sa seule inquiétude réside dans la météo capricieuse, ce qui n’empêche pas le journal de prédire qu’il fera  « Le temps du Maréchal ».

30 - La façade de l'hôtel de ville pavoisée
La façade de l’hôtel de ville pavoisée en l’honneur du maréchal Pétain

• Comme ce fut le cas pour Napoléon III, un effort de décoration, avec fleurissement et pavoisement de la ville, a été fait. Il touche les maisons, les commerces du boulevard de Courtais et de la rue de la république, ainsi que les bâtiments publics, la façade de l’hôtel de ville en tête : au rez-de-chaussée, on a inscrit  la devise Travail, Famille, Patrie, tandis que des motifs allégoriques, avec la francisque étoilée ont été installés au balcon, d’où le maréchal Pétain doit s’adresser la  foule. La salle des fêtes, où se tiendra un grand repas, a fait l’objet d’un important fleurissement.  En rendant compte de l’événement, le journal La Croix (3 mai 1941)  pourra écrire: “À vrai dire, on avait peine, jeudi, à voir autre chose que des drapeaux, des guirlandes, des affiches et des portraits du maréchal”.

•  Les troncs des platanes de l’avenue du président Wilson qui mène à  la gare, où le maréchal Pétain doit aller à la rencontre de la jeunesse, et le long du quai Rouget-de-Lisle, lieu d’une cérémonie militaire,  ont été  couverts d’affiches portant les inscriptions   « Vive Pétain » ou « Vive la France ».  La plus grande partie de la rue de la République et le boulevard de Courtais ont  été soigneusement pavoisés avec déploiement d’oriflammes, de  drapeaux et de guirlandes aux lampadaires. Pour la confection de ces dernières, on  largement mis à contribution les écoliers.

31 - Le boulevard de Courtais pavoisé
Les façades du boulevard de Courtais pavoisées et fleuries

• Un soin tout particulier a été apporté à l’avenue du Président Wilson qu’il est prévu de rebaptiser avenue du maréchal Pétain, suite à la délibération prise par la Délégation spéciale,  le 31 décembre 1940. Un comité a même été créé pour collecter des fonds destinés à la   décoration des lieux. Quant aux commerçants, ils ont été invités à disposer le portrait du maréchal dans leurs vitrines.

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Le fleurissement de l’avenue Wilson (ex-avenue de la gare et future avenue du Maréchal-Pétain), à l’angle de l’avenue Jules-Ferry

32 - Le portrait du maréchal Pétain• Le journal Le Centre, alliant propagande et affaires, leur propose même une affiche à l’effigie du maréchal Pétain, entourée du liseré  tricolore. Une véritable  débauche de décoration que nombre de journaux ne manqueront pas d’évoquer dans leurs comptes-rendus, à l’image du journal La Croix.

• Autre similitude avec la venue de Napoléon III, plusieurs “monuments” éphémères  on été édifiés. Place Saint-Paul, à l’initiative de la manufacture de Saint-Gobain, on a élevé une pyramide de verre de plus de 6 m de haut : “ Le fût de cette pyramide (…) surmontée d’une vasque coulée pour la circonstance, est composé d’épaisses dalles de verre, tandis que d’autres dalles d’opaline et de céladon en forment le socle”, précise Le Centre.  Un peu plus loin, à hauteur du passage à niveau de la Ville-Gozet, on a repris la tradition du portique – arc de triomphe qui enjambe la rue, fleuri et couronné par l’inscription « Vive Pétain », surmontée d’un soleil. Deux monuments que le maréchal pourra voir en se rendant à l’usine Dunlop où il doit être reçu par son directeur, Jean Pétavy. Enfin, faubourg Saint-Pierre, on a peint un portrait géant du chef de l’État français sur le pignon d’un immeuble.

33 - Pyramide de verre
La pyramide de verre de 6 m de hauteur  érigée place Saint-Paul
34 - Arc de triomphe Ville-Gozet
L’arc de triomphe de la Ville-Gozet, à hauteur de l’ancienne barrière SNCF
35 - Portrait Faubourg Saint-Pierre
Le portrait géant du maréchal Pétain, peint sur la  façade d’un immeuble du Faubourg Saint-Pierre

 • Il a été également prévu d’honorer le visiteur par différents présents que le journal  Le Centre dévoile à ses lecteurs. On y trouve, pêle-mêle un album de bois gravés de Ferdinand Dubreuil sur Les vieilles rues de Montluçon, “dans une reliure d’art due à M. Maquet et offert par la ville de Montluçon”. Autres cadeaux officiels:  une collection des Légendes bourbonnaises du docteur Piquand, président des Maîtres sonneurs du Bourbonnais, ainsi qu’un tableau peint spécialement par Stéphane Lamarche, représentant “Le chêne du Maréchal ». Ce dernier présent émane de la légion française des combattants. Liste non exhaustive…

• Tout est donc prêt pour la visite pour laquelle ordre et sécurité sont deux maîtres mots. La veille, Le Centre récapitule les consignes en matière de circulation, à Montluçon et à Commentry.  Au-delà du service d’ordre traditionnel (police et gendarmerie, service de sécurité des voyages officiels), on compte aussi sur les maîtres et maîtresses des écoles pour encadrer strictement leurs élèves, ainsi que sur les Scouts qui ont été dispersés sur les parcours et dans les principaux points stratégiques des cérémonies. Les anciens combattants légionnaires, avec bérets et décorations, seront aussi des garants de cet ordre, après avoir  défilé du quai Favières jusqu’à la place de l’hôtel de ville. Enfin, la venue du maréchal aura des répercussions  sur les spectacles avec “une seule séance de cinéma en matinée, à 16 h 30”.  Au Cinémonde, on annonce la projection du film “L’amiral mène la danse”, un titre qui aura pu paraître équivoque, le jour où le maréchal Pétain doit arriver, accompagné du vice-président du conseil, l’amiral Darlan.

36 - Les légionnaires
Les membres de la Légion française des combattants
36 bis - Légionnaires
Les Légionnaires défilent en remontant le boulevard de Courtais

• Dans son édition datée du 1er mai 1941, le journal Le Centre (24) qui ne doute guère du succès de cette visite, conclut par la publication d’un Hymne au maréchal, fruit de l’imagination « d’une montluçonnaise », typique de l’état d’esprit d’une partie de la population : “Salut à vous, grand chef, père de notre France ! / Vers vous nous inclinons nos fronts respectueux (…) Soyez le bienvenu en notre antique ville (…) / Petits et grands, à genoux lentement, /  Pensant à vous supplieront pieusement,  / Seigneur, bénis le chef sauveur de notre France ”.

3 – LES TEMPS FORTS  DE LA VISITE

(ENTRE 10 H 45 et 16 H 00)

 

◘ L’ACCUEIL DU MARÉCHAL PÉTAIN

À L’HÔTEL DE VILLE

• C’est à 9 h 00 que le maréchal Pétain quitte Vichy, accompagné de l’Amiral François Darlan (vice-président du conseil, ministre des affaires étrangères, de la marine et de l’information), de Jacques Chevalier (secrétaire d’état à la famille et à la santé) et du général Émile Laure, son secrétaire général. Après un premier arrêt  au monument aux morts à Saint-Pourçain-sur-Sioule puis à Montmarault,  à Bézenet où les jeunes des Chantiers de jeunesse et les Compagnons de France ont formé une haie d’honneur, le convoi officiel passe par  Doyet et Chamblet, où il fait une brève halte, avant d’entrer dans Montluçon par le faubourg des Cordeliers.

Sans titre
L’amiral François Darlan, le général Émile Laure et Jacques Chevalier qui accompagnent le maréchal Pétain

• Il a fallu toutefois effacer à la hâte des inscriptions hostiles tracées par Georges Rougeron, René Ribière et le fils du cafetier Marien, un fidèle de Marx Dormoy. Elles  avaient été peintes à l’entrée de Montluçon, sur les murs des jardins municipaux. Selon Georges Rougeron, on y avait inscrit “ A bas les traîtres ! Vive De Gaulle ! ” (25). Autre déconvenue, le « temps du maréchal » n’est pas au rendez-vous : le temps maussade, et les averses qui redoublent auront des conséquences sur les décorations installées sur le parcours du cortège.

37 - Petain à Chamblet
Le cortège officiel  marque un arrêt à Chamblet
38 L'arrivée du maréchal Pétain
L’arrivée du Maréchal Pétain à Montluçon

• Le cortège officiel, salué par les cloches des églises Notre-Dame et Saint-Pierre, arrive à l’hôtel de ville à 10 h 45: “Les rues sont noires de monde, d’un monde que canalisent les anciens combattants et les scouts, lorsque débouche la longue théorie des autos. Aussitôt, s’agitent les drapeaux, les casquettes et s’enflent les cris: Vive Pétain! Vive Darlan! Vive la France! Un détachement du 152ème RI rend les honneurs”, écrit l’envoyé spécial du journal La Croix (3 mai 1941).  Sur la place sont soigneusement rangés les Légionnaires qui ont défilé depuis le quai Favières, derrière la musique militaire,  installée elle aussi  sur la place :   « La Marseillaise retentit, arrêtant net la houle profonde des vivats. Le Maréchal très grand, très droit salue. Pas un mouvement dans la foule des légionnaires. Pas un cri aux fenêtres noires de monde. Et aux dernières mesures, les ovations reprennent », pourra-t-on lire dans Le Centre (3 mai 1941).

39 - Enfants en tenues tricolores
Les 50  enfants de soldats prisonniers de guerre  vêtus  en bleu – blanc – rouge,  installés sur une estrade adossée à l’hôtel de ville

• Le maréchal Pétain  marque   d’abord un arrêt devant un groupe d’une cinquantaine d’enfants de prisonniers de guerre. La presse ira jusqu’à évoquer le nombre de 90, largement exagéré, ainsi qu’en attestent les photos. Ils  ont été disposés sur les trois étages d’une estrade adossée au mur de l’hôtel de ville. À chaque étage, correspond une couleur du drapeau tricolore.

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Le Petit Journal (3 mai 1941), dirigé par le Colonel de la Rocque, fondateur des Croix de feu, devenus le Parti Social Français

• Après avoir salué le drapeau du 152ème RI, le chef de l’État Français est accueilli  sur les marches de l’hôtel de ville par le Docteur Cléret, président de l’ex-délégation spéciale, et par le nouveau maire, Raoul Méchain, fraîchement nommé. Sont également présents, outre le préfet Lucien Porte, cinq parlementaires bourbonnais qui ont tous voté les pleins pouvoirs le 10 juillet 1940 : René Boudet, Jean Beaumont, Lucien Lamoureux, Paul Rives et Albert Peyronnet. Marcel Régnier, ancien ministre et sénateur, propriétaire du journal le Progrès de l’Allier, figure aussi parmi les invités du maréchal Pétain.  Dès son entrée dans le hall, on lui remet un coussin de fleurs tricolores, don des réfugiés du Nord et de l’Est, qui ont été accueillis à Montluçon, lors de l’Exode.

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De gauche à droite, en haut: René Boudet, Jean Beaumont, Lucien Lamoureux. En bas:  Paul Rives, Albert Peyronnet (parlementaires bourbonnais) et Marcel Régnier ancien sénateur de l’Allier

• Dès son entrée dans le hall, on  remet au maréchal Pétain un coussin de fleurs tricolores, don des réfugiés du Nord et de l’Est, qui ont été accueillis à Montluçon, lors de l’Exode. Après l’allocution de bienvenue prononcée par le docteur Cléret, c’est l’occasion pour lechef de l’État français de s’entretenir brièvement avec  les différentes délégations invitées, dont celles des femmes de prisonniers de guerre, des veuves et des mères de familles nombreuses. On lui présente également les “représentants des corps constitués »  : patrons, ouvriers, commerçants, artisans et paysans. On lui remet des cahiers de revendication aux thèmes  des plus hétéroclites Celles-ci portent aussi bien sur la “révision des salaires” que sur “l’élargissement du canal de Berry” . Joseph Verge, président de la Chambre d’agriculture en profite pour faire entendre les doléances de la paysannerie, entre le manque de main d’oeuvre, les difficultés pour  trouver des chevaux ou les pénuries d’engrais. Dans sa réponse anecdotique, rapportée par de nombreux journaux “Le maréchal Pétain fit remarquer  qu’il ne tenait ni le robinet de l’essence, ni l’écurie des chevaux”.  (26)

40 - Arrivée à l'hôtel de ville
L’arrivée du maréchal Pétain à l’hôtel de ville, avec le préfet Porte (à sa droite) et l’amiral Darlan (à sa gauche)
40 bis lafoule
Un aperçu de la foule massée place de l’hôtel de ville
41 - Pétain
Le préfet Porte, le maréchal Pétain (derrière lui, l’amiral Darlan), le genéral Laure et le nouveau maire, Raoul Méchain
44- Le salut aux légionnaires
Le salut aux légionnaires, mutilés de la Grande guerre

42 - Pétain

43 - Pétain
L’hommage de la jeunesse au chef de l’État Français, en compagnie du docteur Cléret (à gauche)

• Une fois monté dans la salle du conseil municipal, le maréchal Pétain apparaît au balcon de l’hôtel de ville pour la cérémonie de prestation du serment des légionnaires.  À ses côtés se tiennent l’amiral Darlan, André Gervais président départemental de la légion et Gaston Moulin, président local.

photo 60- andré Gervais
André Gervais

• Après que les ovations de la foule qui scandait  les “Vive Pétain !” se sont tues, c’est André Gervais qui prend la parole. Une intervention que le journal Le Centre rapporte  intégralement (27): “ J’ai la mission émouvante  pour un de vos anciens soldats de Verdun de vous exprimer les sentiments de reconnaissance, de fidélité totale, de respectueuse affection qu’éprouvent pour vous les légionnaires de l’Allier (…). Nous légionnaires, nous vous remercions d’avoir voulu être notre chef et de nous avoir appelés à l’honneur d’être derrière vous, les premiers soldats de la Révolution nationale (…). Nous ne faillirons pas au serment que nous allons prêter devant vous (…). Nous vous demandons de l’entendre comme un acte de foi en vous notre seul chef (…). Comme un acte d’espérance”.

45 - Le serment des légionnaires
Le maréchal Pétain, lors de la prestation de serment des légionnaires

• Le texte de la prestation du serment est ensuite lu depuis le balcon de l’hôtel de ville et, à chaque arrêt, les légionnaires reprennent en chœur par la formule « Je le jure ». Un serment après lequel le chef de l’État Français répond par quelques  paroles,  avant que la musique militaire n’entonne La Marseillaise. La suite, c’est le passage obligé par  la traditionnelle présentation des autorités et des corps constitués qui se déroule  dans la salle du conseil municipal.

46- Les compagnons du tour de France
La haie d’honneur des Compagnons du Tour de France

• Il est 11 h 50, lorsque le maréchal Pétain redescend les marches de l’hôtel de ville entre, passant sous la voûte d’honneur qu’ont formée des Compagnons du Tour de France avec leurs cannes et rubans. Commence alors la deuxième étape : la cérémonie au monuments aux morts de la grande guerre.

◘ LA CÉRÉMONIE AU MONUMENT AUX MORTS

ET LE DÉFILÉ MILITAIRE

• Le cortège descend le boulevard de Courtais puis passe par le faubourg Saint-Pierre, avant de bifurquer à gauche, en direction du square Fargin-Fayolle où se trouvait alors  le monument (28). De sa voiture, le maréchal Pétain peut contempler son portrait géant, peint sur un pignon du faubourg Saint-Pierre  et au pied duquel se tiennent au garde à vous  5 soldats de 14-18 en tenue bleu – horizon et 5 soldats de 39-40 en tenue kaki. Ce qu’il ignore, c’est qu’il a fallu nettoyer au dernier moment la toile qui avait été maculée de projections de peinture. La cérémonie au monument aux morts se déroule en présence de légionnaires,  de gardes mobiles et de soldats du 152ème   RI qui défilent sur le quai Rouget-de-Lisle,  devant le maréchal Pétain.

VINCENS 06
▲ Le dépôt de gerbes au monument aux morts, square Fargin-Fayolle, en présence des Légionnaires ▼
VINCENS 07
Le préfet Porte, le maréchal Pétain, Raoul Méchain (maire de Montluçon)  et l’amiral Darlan
47 - Pétain
▲ Le défilé militaire, quai Rouget de Lisle, après la cérémonie au monument aux morts et le salut aux troupes ▼

VINCENS 09

48 - Pétain

• Le cortège se rend ensuite sur l’avenue du président Wilson qui mène à  la Gare, et qui a été rebaptisée officiellement avenue du Maréchal Pétain, où un effort particulier a été fait pour la décoration. C’est aussi là, avec la place de l’hôtel de ville, que la foule est la plus dense, avec la présence estimée par la presse de 6 000 à 8 000 enfants, entre lesquels le maréchal Pétain, accompagné de l’amiral Darlan et du préfet Porte, doit se frayer un chemin, jusqu’à la gare. Devant celle-ci, on peut apercevoir un tableau vivant constitué de gymnastes issus de plusieurs sociétés locales et alignés derrière leurs moniteurs.  En guise d’hommage des écoliers montluçonnais,  le maréchal Pétain se voir remettre une mallette de voyage par une jeune fille , qui n’est autre que la fille du docteur Cléret. Des scènes de liesse et un  bain de foule  que les Actualités cinématographiques ne manqueront pas de mettre en valeur, avec en fond sonore des “Vive Pétain” qui redoublent. En rendant compte de cet épisode, l’envoyé spécial du journal La Croix (3 mai 1941) écrit: “ Combien de jeunes sont massés là, écoliers, collégiens, étudiants, apprentis. Il serait difficile d’écrire un chiffre. Chaque groupe de garçons ou de filles de tous âges est venu, qui avec ses maîtres et maîtresses, qui avec ses professeurs, qui avec ses prêtres et ses religieuses”.Ce que le rédacteur omet de préciser, c’est que ni les élèves, ni leurs maîtres n’ont eu le choix.

49 - Pétain
Le bain de foule du maréchal Pétain, sur l’ex- avenue Wilson qui va  porter désormais son nom

◘ RETOUR À L’HÔTEL DE VILLE

ET DÉJEUNER “INTERMINABLE

• Vers midi, le cortège regagne l’hôtel de ville et, cette fois-ci, c’est entre une double haie  formée par les Maîtres sonneurs du Bourbonnais, jouant avec vielles et cornemuses des airs traditionnels, que le maréchal Pétain pénètre à nouveau dans le bâtiment officiel. Cette scène, avec celle des Compagnons du Tour de France, figurera en bonne place dans les Actualités cinématographiques. La caméra s’attarde même sur le maréchal Pétain, marquant une halte et  saluant une jeune femme. Alors que les invités se tiennent au premier étage, bientôt rejoints par le maréchal Pétain, la foule massée sur la place ne cache pas sa frustration de ne pas le voir à nouveau : « Comme de la foule partaient des cris “Pétain au balcon !”, ce fut l’amiral (Darlan) qui se montra, saluant familièrement de la main, sans parvenir à arracher un “Vive Darlan !”, tandis que redoublaient les “Pétain au balcon ! ”.(29). Une demande à laquelle il finira par répondre en apparaissant à nouveau au balcon pour saluer la foule.

50 - Pétain
▲ Le maréchal Pétain accueilli sur les marches de l’hôtel de ville par les Maîtres sonneurs du Bourbonnais▼

51 - Pétain

• Il est près de 13 h 00, lorsque les invités se mettent à table. André Touret, dans son récit de cette journée (30), note que ce déjeuner à l’hôtel de ville donne lieu à peu de détails dans le journal Le Centre, pas plus d’ailleurs que dans la presse nationale. Selon l’historienne Michèle Cointet, spécialiste du régime de Vichy, « Le déjeuner fut interminable et mal organisé. Le commandant Bonhomme dut porter lui-même le plat de brochet au maréchal qui avait prévu 500 francs de gratification pour chaque serveur.  Le maître d’hôtel  honteux des insuffisances du service, décida que les cadeaux iraient aux prisonniers de guerre » (31). Le déjeuner achevé, pour répondre aux sollicitations de la foule, le maréchal Pétain fait une ultime et brève apparition au balcon de l’hôtel de ville.

◘ LA VISITE À L’USINE DUNLOP

AVANT LE DÉPART POUR COMMENTRY

photo 20 Jean Pétavy (Dunlop)
Jean Pétavy

• Dernière étape, avant le départ pour Commentry, le maréchal Pétain et sa suite quittent l’hôtel de ville vers 15 h 15, afin de se rendre à l’usine Dunlop, tandis que la pluie redouble. En passant par la rue de la République, le maréchal Pétain peut admirer la pyramide en verre érigée par les personnels de l’usine Saint-Gobain sur la place Saint-Paul, ainsi que le portique fleuri et enguirlandé, portant l’inscription “Vive Pétain”, surmontée d’un soleil levant, à proximité du passage à niveau de la Ville Gozet. Sur place, la visite se déroule sous la  conduite  de  Jean Pétavy, directeur de l’usine, un proche de Pétain, par ailleurs membre du Conseil national (32). Elle débute par la découverte “du parc des sports” avec ses installations, après que  les escrimeurs lui ont fait une haie d’honneur. Tandis qu’une “averse torrentielle” s’abat sur le stade et que le groupe des officiels trouve refuge sous un kiosque, les démonstrations sportives se déroulent imperturbablement : “ Les tennismen se renvoient la balle, les rugbymen se disputent le ballon, les cyclistes tournent et les escrimeurs ferraillent”, rapporte Le Centre (2 mai 1941).

photo 21 Jean Pétavy et le maréchal Pétain 1er mai 1941
Jean Pétavy, en compagnie du maréchal Pétain et de l’amiral Darlan, lors de la visite des jardins ouvriers
VINCENS 21
La présentation des installations sportives de l’usine Dunlop

• On présente ensuite au maréchal Pétain les jardins ouvriers, créés sur espace précédemment en friches : “  Plus de vingt hectares rendus à la culture, une mosaïque de parcelles où déjà des récoltes prometteuses s’annoncent (…). Mais les jardins sont transformés provisoirement en marécages et le chef de l’état ne peut jeter qu’un rapide coup d’œil et féliciter le directeur des jardins Dunlop”, regrette le rédacteur du journal. De son côté, Georges Rougeron précise que « le personnel ouvrier se montra assez froid » (33).  Ajoutons que, quelques jours auparavant, on avait pris soin de cacher derrière un écran de verdure, l’entrée du Petit Tonkin, le  bidonville local installé aux confins des communes de Montluçon et Domérat depuis le début du XXème siècle.  

52 - Pétain Dunlop
La haie d’honneur formée par les escrimeurs

• Vers 16 h 00, s’achève la journée montluçonnaise du maréchal Pétain, une journée que “ des résistants et des travailleurs avaient célébrée à leur manière, allant au cimetière couvrir de fleurs la tombe de Jean Dormoy, véritable initiateur du 1er mai”, nuance Georges Rougeron (34).  Toujours sous une pluie battante, le cortège des voitures regagne le centre ville, via le quartier des Marais et la Ville-Gozet, entre « des trottoirs noirs de monde et bruissants de retentissantes acclamations”, si l’on en croit Le Centre. C’est le moment que choisit le Maréchal Pétain, pour sortir de sa voiture et prononcer sur l’avenue qui porte désormais son nom, un ultime discours de remerciement, face aux Scouts de France et aux compagnons de France.

• Sans papier, il se livre à une improvisation assez décousue et empreinte de banalités que reproduira pourtant pieusement  le Centre, dès le lendemain: “Vous m’avez tellement bien accueilli malgré la pluie que je n’en suis que plus touché (…). Je reviendrai, je vous le promets, mais cette fois-ci ce ne sera pas en grande pompe car, si vous me rencontrez sur la route de Tours, je serai en chapeau gris et vous ne me reconnaîtrez pas ”. Il recommande également à ses auditeurs de “planter des pommes de terre pour l’hiver prochain”…  Il glisse toutefois une allusion politique en ajoutant : “On m’a dit que dans le passé vous aviez eu quelques petites choses à vous reprocher. On ne le dirait pas, à vous voir ainsi aujourd’hui. Je vous en félicite et je vous dis adieu”. Le rédacteur du Centre remarque que  “Cela fut dit sur un ton plein  de bonhomie, d’affectueuses indulgences, pour un passé mort comme tous les passés”…On aura compris que ce “passé mort“ renvoie, à n’en pas douter,  aux années Dormoy et probablement aussi aux grèves et à la tradition revendicative affichée des ouvriers et mineurs  du bassin montluçonnais, lorsque droit de grève et liberté syndicale existaient encore.

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Affiches de propagande en faveur de la Charte du travail et de « la fête du vrai travail, le 1er mai », dans la droite ligne du discours de Commentry

• Après une ultime embrassade du maréchal Pétain “à un marmouset haut comme trois pommes”, le convoi remonte une dernière fois le boulevard de Courtais avant de tourner dans la rue des Forges pour  prendre la  direction de Commentry, via Néris-les-Bains et Durdat-Larequille. Deux communes dans la traversée desquelles sont observés de courts arrêts, notamment au parc des Arènes pour la première. Vers 17 h 00, le Maréchal Pétain fait halte devant  le monument aux morts de Commentry, sur lequel   l’inscription  “ Commentry, à ses enfants victimes de la guerre”, a été masquée par des fleurs. Après la cérémonie d’hommage, en présence des Légionnaires, puis un passage par La Forge, le cortège se rend à pied à l’hôtel de ville, où il est accueilli par une délégation de mineurs et de Compagnons du Tour de France,  en présence du maire, Isidore Thivrier (35) C’est ensuite du haut du balcon de l’hôtel de ville que le maréchal Pétain prononce son discours radiodiffusé sur  les principes de la future charte du travail. Certains journaux titreront même sur le « Discours de Commentry », faisant passer au second rang l’épisode montluçonnais de la visite : « Une heure plus tard, il regagnait Vichy par son train spécial salués dans les gares, et tout particulièrement à Bellenaves, au passage. Deux à trois mille personnes  se trouvaient à l’arrivée(36)

Discours de Commentry La croix 3 mai
Le discours de Commentry publié intégralement par La Croix (3 mai 1941)

◘ UN BILAN DE LA VISITE DU MARÉCHAL PÉTAIN

 • Si l’on excepte le temps qui n’a pas été de la partie, on peut considérer que  la visite du maréchal Pétain a été une réussite pour ses organisateurs, avec la présence d’une foule  dense, que ce soit sur la place de l’hôtel de ville, sur l’avenue de la gare ou le long du boulevard de Courtais. Une foule qui ne s’est pas limitée aux seules personnes dont la présence était “contrainte” (corps constitués, fonctionnaires, enfants des écoles) ou aux personnes convaincues (Les légionnaires) : “Il est incontestable que la masse, non encore sensiblement éprouvée par les restrictions ; l’année précédente horrifiée par  le déferlement des réfugiés et des soldats en déroute, par les destructions dans les zones de combats ; pour l’heure soustraite à l’occupation allemande (…) savait gré au vieil homme  d’avoir “fait le don de sa personne” pour épargner ici les épreuves qui pesaient ailleurs », reconnaît Georges Rougeron (37).

VINCENS 01
Un album photographique spécialement réalisé par le studio photographique Vincens, diffusé après la visite 

• La délégation spéciale qui a eu en charge l’organisation de cette journée peut se montrer satisfaite : « Le Maréchal est venu…Le maréchal est parti. Cette journée attendue avec tant d’enthousiasme est déjà passée ! Elle a été belle, merveilleuse. Elle a apporté à tous un grand réconfort, des heures de joie forte au milieu des jours sombres. Notre chef vénéré nous a confié que cette réception était une des plus magnifiques qu’il ait reçues (…). Les décors étaient partout splendides, expressifs, disant bien tout l’élan affectueux de chacun à honorer son grand chef. Malgré la pluie, le ciel gris, notre ville, si bien pavoisée était éclatante. Elle a beaucoup plus au maréchal. Il reviendra »  (38).

54 - Le Centre 2 mai 1941 page 1
Le Centre, daté du 3 mai 1941, donne un compte-rendu  dithyrambique de la visite

• L’événement a été parfaitement relayé par les services officiels de l’information (en fait les services de  la propagande) avec de nombreux articles dans la presse locale mais aussi nationale, ainsi que par les Actualités cinématographiques (39). Les nombreuses ressemblances entre les titres et les angles choisis par les rédacteurs pour évoquer cette journée  ne doivent rien au hasard : elles ne font que suivre les consignes officielles des services de la censure, autant  pour la zone libre  que  pour la zone occupée. On ne s’étonnera pas de l’enthousiasme dont fait montre Jean Joussain du Rieu, rédacteur en chef du Centre. dans un article figurant à la une et intitulé “Vive le maréchal”. Il y salue « L’extraordinaire, la providentielle apparition à la tête du pays d’un homme réunissant au plus haut point les qualités précises qu’il fallait trouver réunies pour faire face à une situation désespérée  et en refaire un espoir. Il émane de cet homme une sérénité, un calme, une paix d’esprit, une impression de lucidité, une bonté paternelle, tels que l’on se sent  invinciblement attiré et conquis » (40).

photo 27 Jean Joussain du Rieu
Jean Joussain du Rieu, maréchaliste convaincu

• D’ailleurs, le journal n’a pas hésité à titrer : “Montluçon et Commentry se sont, dans un magnifique enthousiasme, données (sic) au Maréchal. Il a reçu chez nous un accueil triomphal partagé avec l’amiral Darlan”…Cette dernière affirmation étant, comme on l’a vu, quelque peu exagérée.  Pour faire bonne mesure, la une s’orne d’un grand  portrait du maréchal Pétain, de profil, flanqué de deux articles, “Vive le Maréchal !” et “Le discours radiodiffusé du maréchal Pétain ». Les trois  pleines pages très denses ne suffiront toutefois pas à épuiser le sujet, puisque Le Centre doit y revenir dans son édition du 4/5 mai  avec les “ Échos d’une grande journée”, dont le seul titre laisse deviner la tonalité. Jean Joussain du Rieu précise que “de l’avis des personnalités officielles et des journalistes habitués de ces voyages, Montluçon tient la palme pour la beauté et l’ampleur du pavoisement et aussi pour l’ingéniosité  et le goût”.

La croix une du 3 mai
La Croix (3 mai 1941)

• Dans ce concert de louanges, le docteur Piquand qui dirige les Maîtres Sonneurs du Bourbonnais et qui a  participé  au repas servi à l’hôtel de ville, se montre nettement plus nuancé, ainsi que le rapporte André Touret dans la biographie qu’il a consacrée à Marx Dormoy. Il cite ainsi  une lettre en forme de  compte-rendu que le chirurgien montluçonnais  a fait parvenir à Marx Dormoy, alors en résidence surveillé à Montélimar, moins de deux mois avant son assassinat: “Il parle  de curiosité déférente  de la population à l’égard du chef de l’État, sans pour autant faire preuve de sympathie particulière pour le nouveau régime, de réserve hostile à l’égard de l’amiral Darlan, de révélation publique  de la puissance des organisations religieuses, de la défection confirmée de certains anciens militants socialistes et syndicalistes”, résume André Touret.

55 - Le Matin 2 mai 1941
Le Matin (2 mai 1941)
56 - Le Petit Journl 2 mai 1941
Le Petit Journal (2 mai 1941)
57 - Le petit Parisien 2 mai 1941
Le Petit Parisien (2 mai 1941)

• Les quotidiens nationaux, qu’ils soient publiés en zone libre ou en zone occupée, ont eux aussi consacré des articles à ce voyage, avec souvent une prééminence accordée à Commentry, lieu du discours du maréchal : Le Petit Journal (2 mai) titre sur “la célébration officielle du 1er mai, fête nationale du travail et de la paix sociale” en ajoutant que “Montluçon et Commentry ont acclamé le maréchal Pétain et l’amiral Darlan”. L’Œuvre parle d’un “1er mai de communauté nationale, à Commentry et à Montluçon”, en précisant que “Le maréchal reconnaît la légitimité des aspirations ouvrières”. En revanche, Le Petit Parisien ne cite pas Montluçon dans ses titres (“Un message aux Français : le travail est le moyen le plus noble et le plus digne que nous ayons de devenir maîtres de notre sort, proclame à Commentry le Maréchal Pétain”), pas plus que Le Matin (“Un 1er mai sous le signe de l’union. Le maréchal s’adresse aux ouvriers”) ou que le grand quotidien régional L’Ouest Éclair (“Un 1er mai de réconciliation sociale. À Commentry, le Maréchal exhorte patrons et ouvriers à collaborer dans la confiance”).

58 - L'Oeuvre 2 mai 1941
L’Œuvre (2 mai 1941)
59 - L'OUEST ECLAIR 2 mai 1941
L’ouest-Éclair (2 mai 1941)

4- LE RETOUR DU MARÉCHAL PÉTAIN À MONTLUÇON

APRÈS LE BOMBARDEMENT DE L’USINE DUNLOP

(17 SEPTEMBRE 1943)

Centre 1

• “Le maréchal Pétain reviendra”… avait prédit la délégation spéciale  en dressant le bilan de cette journée du 1er mai… S’il est effectivement revenu à Montluçon, 16 mois plus tard, c’est dans des circonstances autrement plus  tragiques. Dans la nuit du 15 au 16 septembre 1943, peu avant minuit,  353 quadrimoteurs de la Royal Air Force, avec à leur bord 2 800 hommes d’équipage, ont largué plus de 1 000 tonnes de bombes. Le tout en moins d’une demi-heure,  sur un espace réduit, avec pour cœur de cible l’usine Dunlop, dont une part de plus en plus importante de la production de pneus partait pour l’Allemagne.

Dunlop
Le déroulement du bombardement  (d’après Claude Grimaud: Objectif Dunlop, éd. desCahiers bourbonnais)

• Au petit matin, on peut mesurer l’ampleur des dégâts: : outre l’usine détruite à 80% (12 bâtiments détruits et 10 sérieusement endommagés sur 26), la cité ouvrière qui la jouxte a été également dévastée. En outre, des bombes sont tombées en divers points de la ville et dans les alentours de l’usine, contribuant à alourdir le bilan humain. Un des halls de l’usine Sagem dans lequel était hébergée la Société anonyme de Télécommunication (SAT) a été également détruit.

Dunlop Lendemain bombardement
L’usine Dunlop, au lendemain du bombardement (photo prise par un avion de reconnaissance anglais, le 17 septembre 1943)

• Le lendemain après-midi, dans un article titré : “Montluçon sous les bombes anglo-américaines”, le Centre avance  le nombre de 43 morts et d’au moins 75 blessés. Le même journal met aussi à la une  les bombardements  qui ont fait 137 morts et 435 blessés dans la banlieue parisienne. Dans les deux cas, le quotidien se garde bien d’expliquer que la R.A.F. visait des sites industriels. De quoi laisser penser qu’on avait affaire à un acharnement des Alliés contre les malheureuses populations civiles. Ce faisant, les journaux respectent scrupuleusement des consignes édictées par la censure. Dans la journée qui suit, on va se rendre compte que le nombre de victimes a été sous-estimé et qu’il atteint une cinquantaine de morts et une centaine de blessés.

Bombardement Dunlop Le MATIN 17 septembre 1943
Le Matin (17 septembre 1943)

• Dès le 17 septembre 1943, le maréchal Pétain quitte Vichy pour une brève visite à Montluçon,  destinée   à marquer sa sollicitude et sa compassion à l’égard des victimes et des blessés.

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L’arrivée du cortège officiel (© Ina)
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À l’hôpital de Montluçon, en compagnie du médecin-chef, le docteur Piquand (à gauche) (© Ina)
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▲ La visite aux blessés victimes du bombardement ▼(© Ina)

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La chapelle ardente dressée à la Chambre de Commerce

• Arrivé à 10 h 00, en compagnie notamment de son secrétaire particulier, le docteur Bernard Ménétrel, et du secrétaire général de son cabinet civil, Jean Jardel, il fait d’abord étape à l’hôpital où sont soignés la plupart des blessés. Préfet et sous-préfet sont à l’accueil, accompagnés du maire, Raoul Méchain, et de Jean Pétavy, directeur de l’usine Dunlop, en même temps que membre du Conseil national. Le maréchal Pétain, guidé par le docteur Piquand, médecin – chef de l’hôpital,  se rend ensuite au chevet de plusieurs blessés qu’il tente de réconforter. Le temps de réaliser quelques photos et de tourner quelques séquences à destination de la presse et des actualités cinématographiques, il gagne ensuite les locaux de la Chambre de commerce,  à l’angle du Boulevard Carnot et de la rue de Belfort. C’est là qu’a été dressée  une chapelle ardente dans laquelle on a regroupé les cercueils de 43 victimes, devant lesquels le chef de l’État français se recueille.

Centre 2
▲ Le Centre, daté du 18 septembre 1943, fait le récit de la visite du maréchal Pétain et dresse la liste des victimes qui ont pu être identifiées ▼

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• Vers 11 h 00, le cortège officiel prend la direction de la Ville-Gozet puis fait route vers la Côte-Rouge,  où l’usine Sagem déplore aussi d’importants dégâts. La visite, conduite par Marcel Môme, président et fondateur de la société,  est des plus brèves. L’ultime étape est la cité Dunlop, dans laquelle il déambule au milieu des ruines encore fumantes, accompagné par M. Dutreux, président du conseil d’administration, et par Jean Pétavy.

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L’arrivée du maréchal Pétain à la cité Dunlop
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▲ À la rencontre des victimes de la cité Dunlop. À gauche, Jean Pétavy, directeur de l’usine ▼(© Ina)

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Dans les ruines de la cité Dunlop (© Ina)

• Là encore, les images prises ou tournées serviront à alimenter la propagande officielle. Moins de deux heures après être arrivé à Montluçon, le maréchal Pétain regagne Vichy, non sans avoir effectué un don personnel de 100 000 francs à destination des familles des victimes, nous apprend Le Centre. Quelque temps après,  dans   la brochure Nos villes dans la tourmente, dont un numéro est spécialement consacré à Montluçon, on pourra lire : “Tandis que notre petite caravane se remet en route, nous pouvons mesurer la volonté de destruction de nos “alliés”. Ils veulent une chose. Ils la veulent bien. Détruire nos cités, détruire nos campagnes ”. De son côté, Le Matin titrera: “Quand la barbarie des “libérateurs” s’acharne sur la France,” pour mieux souligner que “ Montluçon en deuil a reçu la visite du Maréchal Pétain”. Lequel se serait écrié “au cours de son douloureux pèlerinage dans la cité meurtrie: C’est la France qui est visée”.

Bombardement Dunlop Le MATIN 18 septembre 1943
Le Matin (18 septembre 1943)
Sans titre i
Le maréchal Pétain, avec Jean Pétavy (à gauche) réconforte les victimes, dans la cité Dunlop
60 - Pétain à l'usine Dunlop 1943
À l’usine Dunlop, devant un cratère provoqué par l’explosion d’une bombe
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Parmi les  sans abri… (Extrait de Nos villes dans la tourmente)

DOCUMENT

• Sur le site de l’Ina (Institut national de l’audiovisuel, on peut visionner une séquence des actualités cinématographiques d’une durée de près de  3 minutes  évoquant les bombardements en région parisienne, ainsi que celui de Montluçon, auquel 50 secondes sont consacrées (voir le lien ci-dessous). Le commentateur, alors que défilent des images de fermes et d’habitations détruites,  omet volontairement de préciser que l’objectif était le bombardement de l’usine Dunlop. Les différents  plans montrent principalement le maréchal Pétain dans le quartier des cités Dunlop et son passage par l’hôpital.

Reportage des actualités cinématographiques France Actualités (24 septembre 1943): Les bombardements de Courbevoie, Nantes et Montluçon: “Après les bombardements anglo-américains, ruines de Courbevoie. Au centre de Nantes, ruines de l’Hôtel-Dieu, d’une église, et d’un hôpital. Distribution de repas et de vêtements à des sinistrés par des membres du Secours National. A Montluçon, des fumées d’incendies s’élèvent au-dessus de la ville. Une ferme a été bombardée. Le Maréchal Pétain visite la ville et l’hôpital où sont soignés les blessés”. On notera qu’a aucun moment il n’est question de la cible du bombardement, l’usine Dunlop, mais que l’on s’attarde sur les dégâts civils (les cités Dunlop, une ferme proche de l’usine). La séquence concernant Montluçon se situe entre 1’59” et 2’51”.

Sans titre
Visionner la séquence

-III-

1959

LE GÉNÉRAL DE GAULLE

PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

 (VENDREDI 17 AVRIL 1959)

61 - Général de Gaulle portrait officiel

• S’il s’était écoulé 77 ans entre la venue de Napoléon III et celle du Maréchal Pétain, les Montluçonnais n’auront à patienter que 18 ans avant de voir revenir un chef d’état, avec la visite du général de Gaulle, le 17 avril 1959. Une visite qui s’inscrit dans un contexte difficile pour le nouveau président de la république.

1- UNE VISITE, SUR FOND DE GUERRE D’ ALGÉRIE

ET DE CONTESTATION POLITIQUE ET SOCIALE  

• Le 13 mai 1958, en pleine guerre d’Algérie,  après la  prise de pouvoir par les militaires à Alger, un Comité de salut public a été formé  par le général Massu qui en a appelé au Général de Gaulle. Ce dernier a accepté l’éventualité de diriger le gouvernement mais en y mettant des conditions strictes, notamment l’obtention des pleins pouvoirs et la réforme de la Constitution. Le 1er juin, il a été investi par le Parlement, devenant ainsi le dernier président du conseil de la IVè République, les pleins pouvoirs lui étant votés par l’assemblée nationale, dès le lendemain.

62 - Arrivée De Gaulle au pouvoir
Du 13 mai 1958 au 2 juin 1958 : de la prise de pouvoir des militaires à Alger au vote des pleins pouvoirs au général de Gaulle.

• Le 28 septembre, la nouvelle constitution fondant la Vè République, préparée par le général de Gaulle et son entourage proche, a été largement approuvée par référendum, avec mise en application dès le 4 octobre. Après la victoire du parti gaulliste U.N.R.  aux élections législatives des 23 et 30 novembre 1958, le général de Gaulle a été élu président de la république, le 21 décembre 1958 par une collège restreint de près de 82 000 grands électeurs. C’est le 8 janvier 1959 qu’il a pris officiellement ses fonctions, à l’Élysée.

62 bis - Constitution et élection De gaulle
Du 28 septembre 1958 au 21 décembre 1958 : de l’approbation  de la nouvelle Constitution à l’élection du général de Gaulle

• Si sa victoire a été nette au plan national, le département de l’Allier figure parmi les 7 départements qui lui ont accordé le plus faible pourcentage de voix, le 21 décembre. En outre, parmi les premières décisions prises par le nouveau gouvernement que dirige Michel Debré, plusieurs   ont pu susciter l’ire de différentes catégories de citoyens. C’est le cas des anciens combattants, dont ceux de l’UFAC   de l’Allier qui « outrés par la mesure supprimant la retraite du combattant avaient décidé de ne pas participer aux cérémonies  organisées à l’occasion de la venue du chef de l’état ». (41).

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Affiche publiée par le Parti communiste, lors  du référendum de 1958

• Autre foyer de mécontents, les agriculteurs dont le principal syndicat bourbonnais, « face à l’aggravation  de la situation agricole » a déclaré qu’il refuserait de « venir apporter sa caution et son soutien au chef de l’état  qui a pris les mesures  les plus antisociales et anti-agricoles qui vont conduire inévitablement l’agriculture à la misère et à la ruine ». Du côté des syndicats de salariés, la défiance est aussi vive : l’union locale de Force ouvrière a annoncé qu’elle ne s’associerait pas à la réception du chef de l’état à Moulins, compte tenu des « mesures de régression touchant la sécurité sociale ». La condamnation de la CGT est encore plus nette puisque, dès le mois de juillet 1958, elle a publié une déclaration affirmant que « De Gaulle représente les forces les plus réactionnaires du grand capital et de la haute finance, les monopoles, les ultra colonialistes, et les militaristes ». Enfin, les partis politiques de gauche, parti communiste en tête, on appelé leurs élus à ne pas prendre part aux cérémonies. La position du parti socialiste est plus nuancée, même si à Moulins, le secrétaire de section a fait savoir au maire que  les socialistes ne s’associeraient pas aux manifestations en l’honneur du président de la république, « pour des raisons de politique intérieure ».

• Maurice Sarazin ajoute que « De Gaulle ne devait pas compter sur un quelconque accueil bienveillant du conseil général de l’Allier, à majorité socialo-communiste ». (42) On n’oubliera pas non plus, le contexte brûlant de la guerre d’Algérie : dans les familles du  bassin montluçonnais, comme partout ailleurs, on a commencé à voir, avec angoisse,  les jeunes appelés recevoir leurs feuilles de route pour l’Algérie, même s’il ne s’agit pas officiellement encore d’une guerre mais « d’opérations de maintien de l’ordre ».

• Face à autant de foyers de mécontentements, le général de Gaulle a choisi de porter lui-même sa parole, avec l’organisation d’une série de grands voyages en province, étalés sur plusieurs jours. Après celui qui l’a conduit de Toulouse à  Pau, entre le 14 et le 17 février 1959, sa visite montluçonnaise s’inscrit dans le cadre d’un deuxième grand voyage officiel aux allures de marathon, du 16 au 19 avril 1959. Montluçon n’en constitue  qu’une très brève étape, avant Moulins et Vichy. 

2- LES TEMPS FORTS  D’UNE VISITE TRÈS BRÈVE  

(ENTRE 10 h 20 ET 11 h 45)

◘ LE PROGRAMME DE LA VISITE

◘ UNE PREMIÈRE HALTE À L’USINE DUNLOP

De Gaulle Montluçon 3
L’arrivée à l’usine Dunlop (Centre-Matin) © A. D Allier

• Après Sens, Auxerre, Clamecy et  Nevers, le 16 avril, l’étape bourbonnaise du voyage est programmée pour le 17 avril. Le cortège d’une vingtaine de voitures, principalement des DS Citroën, a quitté Nevers à 8 h 30 pour prendre la direction de Saint-Pierre-le-Moûtier, avant de traverser Lurcy-Lévis, la forêt de Tronçais, Vallon-en-Sully et Meaulne. Là, un arrêt de quelques minutes a été observé, le temps de distribuer quelques  poignées de mains et de remercier  le maire pour son accueil chaleureux, avec   guirlandes, drapeaux et enfants des écoles. Le convoi a ensuite repris la route et, après passage par Saint-Victor, il a fait son entrée directement dans l’enceinte de l’usine Dunlop, où il a été guidé par une voiture de l’entreprise jusqu’au hangar des matières premières. Il est alors 10 h 20.

L’arrivée du cortège officiel dans l’enceinte de l’usine
63 - Usine DUNLOP
L’usine Dunlop au milieu des années 1950

• L’accueil du général de Gaulle est assuré  par André Southon (sénateur maire de Montluçon), Jacques Bernard, le sous-préfet, et M. de Wouters, le  P-DG de la société Dunlop. Aux côtés du président de la république, outre le colonel de Bonneval, son officier d’ordonnance, figurent plusieurs ministres parmi lesquels  Jean Berthoin (Intérieur), Paul Bacon (travail), Roger Houdet (agriculture), ainsi que le secrétaire d’état à l’Intérieur,  Michel Maurice-Bokanowski et le préfet de l’Allier, Albert Dauzet.

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Le colonel de Bonneval et les 4 ministres qui accompagnent le général de Gaulle: Jean Berthoin, Paul Bacon, Roger Houdet et Michel Bokanowski
71 - André Southon
André Southon

• À l’intérieur de l’usine, le climat est relativement tendu. Dans la matinée, les deux principaux syndicats, la  CGT et FO, ont appelé les salariés à ne pas participer à la manifestation prévue en l’honneur du général de Gaulle. Il s’y ajoute le débrayage de 80 ouvriers  dans l’atelier poids lourds, qui était inscrit au programme de la visite : « À Montluçon, écrit  Marcel Légoutière, des débrayages eurent lieu dans certains ateliers  des usines Dunlop, afin de protester contre la politique de “stabilisation”, terme à la mode de l’époque signifiant l’austérité pour les travailleurs ». (43)

• C’est d’abord M. de Wouters,  le P-DG de l’usine, qui prononce une brève allocution de bienvenue avant de donner la parole au directeur de l’usine,  M. Huchet, qui lui présente les diverses fabrications du site : « La production de l’usine Dunlop de Montluçon couvre sensiblement le quart des besoins français en pneumatiques de toutes dimensions. Cette production est assurée  par un effectif de 4 700 personnes : 3 800 ouvriers dont 600 femmes, 800 agents de maîtrise et employés, 100 cadres et ingénieurs», indique-t-il à son hôte.  Pour mieux appréhender la réalité de l’entreprise, le général de Gaulle est ensuite invité à visiter l’atelier des pneus  tourisme ce qui oblige le cortège à se faufiler entre les machines et les ouvriers en action : «  Les ouvriers étaient au travail, à leur poste. Il est difficile dans ces conditions d’estimer quelle fut la chaleur (sic) de leur accueil », écrit Alain Guichard dans Le Monde (18 avril).

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La visite de l’atelier des pneus tourisme par le général de Gaulle,
guidé par M. Huchet, directeur de l’usine (© Ina)

• À sa sortie, le général de Gaulle se retrouve dans la cour où plusieurs centaines de salariés se sont rassemblés. Entouré par le sénateur maire André Southon et son aide de camp, le colonel de Bonneval, le général de Gaulle improvise alors un discours, non sans avoir serré des mains, ainsi que le rapporte le journal Centre Matin : « « Je suis heureux de vous voir dans cette immense activité qui est la vôtre et où le pays voit des perspectives réconfortantes de son avenir. Je suis stupéfait de tout ce que l’on construit ici. J’ai vu Dunlop il y a douze ans. (44) Ce n’était pas beau. Je constate qu’on y travaille avec une grande ardeur dont je me félicite ». Alain Guichard écrira le lendemain   que «  deux ou trois cents ouvriers, employés rassemblés devant l’atelier principal, ont applaudi les paroles de remerciements et de vœux que leur adressait le général de Gaulle ».

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Salariés et journalistes attendent la sortie du général de Gaulle, dans la cour de l’usine (© Ina)
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Le général de Gaulle face aux salariés et aux journalistes (© Ina)
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Le discours du général de Gaulle dans la cour de l’usine, avec André Southon, le sénateur maire, à ses côtés
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Des ouvriers en train d’essayer d’apercevoir le Général de Gaulle (© Ina)

• Finalement, lorsque le général de Gaulle quitte l’enceinte de l’usine, on a le sentiment comme l’écrit André Touret   que même si « l’accueil fut plutôt réservé, parfois glacial, avec quelques sifflets » (45), il n’a pas atteint l’hostilité forte que l’on pouvait craindre.

LA RÉCEPTION OFFICIELLE

À L’HÔTEL DE VILLE

De Gaulle Montluçon4

• Après la visite de l’usine Dunlop, le second temps fort est la réception officielle à l’hôtel de ville. Le cortège des DS emprunte la rue Albert-Thomas, puis le tout récent  passage supérieur « d’où le panorama de la cité s’offre à l’illustre visiteur » note La Montagne (18 avril). Il poursuit par  la rue de la République, le faubourg Saint-Pierre et le boulevard de Courtais. Le long de ces artères, la foule des grands jours  est loin d’être au rendez-vous et jusqu’au haut du boulevard de Courtais, elle apparaît même parfois clairsemée. Le journal Centre Matin (18 avril) avance une explication : « Une propagande avait demandé avant la visite à la population de s’abstenir ». Une allusion aux appels au boycott  lancés par la CGT et par  le parti communiste en tête. De son côté, Marcel Légoutière (46) écrit : « Les barrières placées sur le boulevard de Courtais afin de contenir la foule étaient bien inutiles. Il n’y avait pas grand monde. La possibilité offerte gracieusement par certains chefs d’entreprises  à leurs salariés de pouvoir sortir (tous frais payés) afin de voir et d’entendre le général de Gaulle ne fut guère utilisée ».

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La république triomphante, sur la façade de l’hôtel de ville

• Autre différence notable avec les visites de 1864 et de 1941, peu de Montluçonnais auraient  répondu à l’invitation au pavoisement lancée par leur maire : « « M. le président de la république (…) fait à notre ville le grand honneur de sa visite. À cette occasion, le maire demande à ses concitoyens  de pavoiser largement leurs demeures aux couleurs nationales et les invite instamment à réserver un chaleureux et déférent accueil au chef de l’état républicain »(47). Seuls les édifices publics, l’hôtel de ville en tête arborent les couleurs tricolores. Au balcon du premier étage, on a installé une allégorie géante de la République conquérante, le glaive tendu. Cette sobriété dans les décors et cette faible présence des Montluçonnais, le journaliste du Monde les contredit toutefois en écrivant : « Autant l’accueil a pu sembler réservé (à l’usine Dunlop), autant il fut chaleureux dans la ville de Montluçon où se pressait la foule qui acclamait le chef de l’état ». Et il parle d’une « ville pavoisée où la population est venue en nombre acclamer le chef de l’État ». Si l’on se base sur les photos publiées le lendemain par Centre Matin et par La Montagne, force est de constater que si la foule était plutôt clairsemé le long du boulevard de Courtais, elle était  particulièrement dense sur la place de l’hôtel de ville.

DeGaulle visite Dunlop AFP
◘ Le général de Gaulle, au contact des Montluçonnais, place de l’hôtel de ville
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L’arrivée du cortège officielle sur la place Jean-Jaurès
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Jean Nègre, premier adjoint au maire

• C’est justement parce que cette foule est devenue plus dense sur la fin du parcours, que le général de Gaulle fait stopper sa voiture.  Il veut accomplir les 300 derniers mètres à pied, prenant au passage un bain de foule, jusqu’à la place Jean-Jaurès où selon les estimations de La Montagne comme celles  de Centre Matin, plusieurs milliers de personnes se sont massées. « Sous de larges ovations » écrit Centre Matin (18 avril), le général de Gaulle passe en revue une compagnie de soldats du C.I.S.M. n°1, avant d’être accueilli, peu avant  11 h 00 sur le perron de l’hôtel de ville par Jean Nègre, premier adjoint (48) et par le sous-préfet Jacques Bernard. Pour l’occasion, Centre Matin remarque que « Le hall de l’hôtel de ville a été transformé en une véritable serre artistement décorée que le président admire au passage ». Le président de la république est ensuite conduit dans le cabinet du maire où sont présents adjoints et conseillers municipaux. Commencent alors les échanges de discours.

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le passage en revue des troupes, place Jean-Jaurès (© Ina)

• C’est d’abord André Southon qui prend la parole pour souhaiter à son hôte « une respectueuse bienvenue dans la cité » et pour  dresser un bilan de son action municipale, tout en mettant l’accent sur les deux priorités qui sont alors les siennes, afin de faire face à l’essor démographique : le logement et l’école : « Nous sommes heureux, déclare-t-il,  de recevoir  (…) le chef de l’état républicain. Nous sommes fiers que vous ayez bien voulu faire halte dans notre cité pour y visiter une grande usine et pour vous adresser directement à nos concitoyens réunis pour vous entendre devant la maison commune (…) Nos prédécesseurs  dans cette ville ouvrière aux traditions socialistes ont toujours pratiqué une politique sociale hardie. En ce domaine comme dans bien d’autres Paul Constans et Marx Dormoy auront été des précurseurs et nous essayons (…) de poursuivre et de perfectionner leur œuvre. (…) Les Montluçonnais aiment leur ville et sont fiers d’elle.  Il existe un patriotisme montluçonnais, parfois quelque peu chauvin, peut-être. Nos concitoyens qui aiment Montluçon, la petite patrie,  aiment aussi la grande patrie, la France. Ce qu’ils désirent, c’est vivre par le travail dans la paix et la liberté. C’est l’industrie et  le commerce qui créent l’activité et font la prospérité de notre ville et  nous sommes pleinement conscients de la solidarité qui unit  ouvriers, commerçants et paysan de la campagne voisine  ». (49)Travail, paix, liberté”…Des mots qu’André Southon n’a pas choisis par hasard et qui se trouvent au cœur du débat politique depuis le retour du général de Gaulle au pouvoir.

De Gaulle Montluçon 2
L’étape de l’hôtel de ville (Centre-Matin) © A.D. Allier)

• Dans sa réponse, le Chef de l’État avoue avoir été impressionné  par le tableau de Montluçon  qui lui a été brossé : « Fort impressionné  aussi par le contact que j’ai pris de votre ville, renchérit-il,   et l’aspect de Montluçon. Vous avez dit (…) qu’on y reste attaché à sa liberté, à sa tradition et qu’on veut y vivre dans une atmosphère que vous définissez par les mots  “ Vivre en travaillant dans la paix et la liberté”. C’est  un idéal qui est celui de la France toute entière ». Rebondissant sur cette idéal, il précise: « Nous sommes dans une période où la paix – et vous savez de quelle paix je veux parler – et la liberté vont être assurées. Je crois que la France prendra son rang de manière plus vivante et plus active que jusqu’à aujourd’hui. Voila ce que je pense. Je vous redis que j’ai été touché et très heureux de cet accueil ». Ce passage sur « la paix » sera abondamment commenté par les journaux, au point que dans la presse nationale, il occultera tout le reste du voyage en Bourbonnais: beaucoup  supputent qu’il s’agit à l’évidence d’une allusion à la guerre d’Algérie, sans pour autant recevoir la moindre confirmation ou explication de la part de l’entourage du général de Gaulle.

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Dernier discours du Général de Gaulle, avant le départ pour Vichy et Moulins, avec à sa gauche  André Southon et Jean Nègre 

• Avant qu’il ne reparte, on présente au général de Gaulle diverses personnalités, parmi lesquelles Charles Bonvin, son « filleul », fils de Henri Bonvin, gouverneur des Indes, qui fut  un des premiers à rompre avec Vichy et à  rallier  la France libre, dès 1940. C’est ensuite le passage obligé par la signature du livre d’or et la remise d’un présent : une gravure de  Ferdinand Dubreuil sur le vieux Montluçon (50). En ressortant de l’hôtel de ville, sous une pluie battante, le chef de l’état ne résiste pas à l’improvisation d’un ultime discours, adressé depuis les marches du perron à la foule qui lui fait face :

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Sur les marches de l’hôtel de ville, face à la foule massée place Jean-Jaurès

« Je suis très touché de votre accueil parce que (…) Montluçon est  une ville profondément attachée à son travail, à sa liberté, à ses traditions. Ce sont les éléments les plus efficients du redressement national auquel nous assistons. Ce redressement ne peut se faire que par le labeur de tous, ici comme ailleurs. J’ai senti planer au dessus de vous ce caractère de fierté, d’ardeur, de volonté essentielles à l’œuvre française que je salue en vous, de tout mon cœur. Cette oeuvre française est en bonne voie. Certes, il y a des obstacles, des nuages,  des malentendus naturels pour un grand  peuple comme le nôtre qui marche vers son destin. Mais l’œuvre entreprise pour le mieux des hommes est en bon chemin. Il ne se passera pas cette année sans que tout le monde s’en aperçoive et cela, malgré ce qu’en pensent certains. Vive la république ! Vive la France ! » (51).

• Il entonne alors  La Marseillaise reprise par la foule, avant de s’engouffrer dans sa voiture, non sans avoir encore une fois serré quelques mains. Il est environ 11 h 45 lorsque le cortège reprend la route en direction de Vichy où il arrivera vers 13 h 00. Ce sera ensuite Moulins. Au total, le général de Gaulle n’aura passé guère plus de 80 minutes à Montluçon ce qui en fait la plus brève des quatre visites de chefs de l’État.

DOCUMENT

Reportage des actualités cinématographiques: Voyage du général de Gaulle dans le Centre de la France. La fiche de présentation mentionne: “Visite du Président de la République, le général de Gaulle, en Bourgogne à Auxerre, Nevers puis à Montluçon. Le général de Gaulle visite une usine Peugeot (sic). Au Creusot, visite d’une aciérie. De Gaulle passe à Beaune puis à Dijon, au monument aux fusillés”. L’usine visitée est en réalité l’usine Dunlop. La séquence montluçonnaise est située entre la 0’17” et à’43”.

Ina
Visionner la séquence

◘ À PROPOS DU CLIMAT DE CETTE VISITE :

INDIFFÉRENCE, FROIDEUR OU HOSTILITÉ VIOLENTE ?

• Dès le lendemain, en rendant compte de cette journée, le journal Centre Matin présente un bilan nuancé : « Dire qu’à Montluçon on attendait le chef de l’Etat dans la fièvre d’un événement inaccoutumé (…) serait évidemment travestir la vérité. Et à vrai dire, l’annonce de sa venue n’avait pas suscité en ville de mouvement d’optimisme. Une propagande avait même été faite pour demander à la population de  s‘abstenir. Et si, dans une certaine mesure ce mot d’ordre a été suivi, on conviendra que l’accueil de Montluçon, sans être enthousiaste, a été  fort chaleureux.  Certes les particuliers n’avaient pratiquement pas pavoisé et sur le parcours, les trottoirs n’étaient pas noirs de monde. Mais plus on s’approchait de l’hôtel de ville, plus les rangs s’épaississaient, si bien que la place Jean-Jaurès était emplie  par plusieurs milliers de personnes qui avaient également envahi les trottoirs. Et lorsque  la population s’aperçut que le général de Gaulle était descendu  de voiture et parcourait les 300 derniers mètres à pied, serrant à son habitude les mains au passage, disant un mot aimable à quelques-uns,  s’enquérant de leurs soucis, alors les applaudissements et les cris saluèrent celui qui demeure le libérateur ». Le même journal ajoute que  «  à  Dunlop même, où l’on avait pu craindre quelque incident, l’accueil, tout en étant discret fut cordial et, là aussi, le Président de la république a su trouver les mots  qu’il fallait pour conquérir les esprits réticents ». Et de conclure : « Montluçon a su demeurer fidèle  à la fois à son caractère frondeur et à sa réputation d’hospitalité envers ses visiteurs ».

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▲ Centre Matin (18-19 avril 1959) ▼
De Gaulle Montluçon
Une pleine page et la une du journal Centre Matin (18-19 avril) pour rendre compte de l’événement (© A.D. Allier)

• Même bilan nuancé pour le journaliste du Monde, Alain Guichard : « Sauf la  » réserve  » sensible des ouvriers de Montluçon, la deuxième journée du voyage présidentiel, vendredi, a confirmé la popularité du général de Gaulle. Certaines réticences ou récriminations n’ont pas manqué de s’exprimer, en termes voilés et timides d’ailleurs, par la bouche de notables ou de maires. Elles concernaient généralement les prix agricoles, la Sécurité sociale et la retraite des anciens combattants. Mais l’enthousiasme des foules villageoises ou citadines l’emportait sur ces ombres de mécontentement », écrit-il dans l’édition du 20 avril 1959.  Quant à Marcel Légoutière, qui a été en première ligne des opposants, en tant que responsable de la CGT, il observe que « le maire de la ville (…) excusa la froideur populaire par le “tempérament frondeur” des  travailleurs » (52).

De Gaulle Discours Vichy 1959
Après Montluçon, l’étape vichyssoise

Contrairement à une rumeur régulièrement reprise, il n’est donc nulle part fait allusion à des « jets de tomates » (53),  ou des « jets d’œufs », quand il ne s’agit pas d’un mannequin à l’effigie du général de Gaulle qui aurait été brûlé, non loin de la mairie…  D’aucuns ajoutent que ce très mauvais accueil aurait contribué à faire rayer Montluçon de la carte du développement économique dans les années qui ont suivi. Si de tels faits étaient réellement survenus, il ne fait guère de doute que le journal Centre matin, ou son confrère national Le Monde, qui ne passaient pas, et de loin, pour des soutiens inconditionnels du chef de l’état, les auraient mentionnés. En outre, dans le cadre d’un reportage tourné pour les actualités cinématographiques sur le voyage du général, plusieurs séquences réalisées à l’usine Dunlop et sur la place de l’hôtel de ville ne traduisent pas une hostilité violente (54).

– IV-

1984

FRANÇOIS MITTERRAND

PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

(VENDREDI 6 JUILLET  1984)

 77 - Mitterrand

• Lorsque François Mitterrand, élu trois ans plus tôt face à Valéry Giscard d’Estaing, arrive à Montluçon, le 6 juillet 1984, il ne débarque pas en terre inconnue. Outre le fait que son père y a été chef de gare en 1916, il a déjà eu l’occasion d’y venir à plusieurs reprises, soit comme ministre, soit comme responsable socialiste. Le 22 janvier 1947, c’est en tant que (jeune) ministre des anciens combattants et victimes de guerre du gouvernement Ramadier qu’il était venu présider l’assemblée générale annuelle des prisonniers de guerre montluçonnais, qui se tenait au cinéma Le Palace (55). On trouve trace de deux autres passages par Montluçon.

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Le Matin (11 mai 1981)

• Le 10 mars 1969, dans un « face à face avec l’opinion », animé par le journaliste bourbonnais Jean Bardin, il avait soutenu le ”non” au référendum, au titre de la Convention des Institutions républicaines. Enfin, le 25 février 1973, alors que se profilaient les élections législatives, il avait apporté son soutien à la candidate socialiste Marie Thérèse Eyquem, mais cette fois-ci en tant que premier secrétaire du Parti socialiste. Autre lien avec Montluçon, c’est lui qui avait contresigné en 1955, en tant que ministre de l’Intérieur, l’arrêté de déclassement du canal de Berry, officialisant l’arrêt de son exploitation. Comme celle du général de Gaulle, sa visite qui s’inscrit dans un contexte politique, économique et social difficile, tant au plan local que national.

78 - 10 mai 1981
Le Parisien Libéré (11 mai 1981)

1 – UNE VISITE AU “ TOURNANT DE LA RIGUEUR”,

DANS UNE VILLE FRAPPÉE PAR LA CRISE

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Le Monde

• La visite de François Mitterrand, le 6 juillet 1984, s’inscrit dans le cadre d’un voyage de deux jours en Auvergne, dont trois  des grands thèmes concernent  le bassin montluçonnais : les problèmes agricoles, le développement d’une industrie performante et la  formation des jeunes aux nouvelles techniques.  Trois ans après son élection, le 10 mai 1981, face à Valéry Giscard d’Estaing, le climat politique a changé.

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La fin de “l’état de grâce”, vue par Plantu (Le Monde)

• Après une période 1981-1982 marquée par de grandes réformes qui avaient suscité des espoirs (les nationalisations, la semaine de 39 heures, l’augmentation du SMIC, la retraite à 60 ans, l’abolition de la peine de mort, la décentralisation…), le contexte économique et politique s’est nettement dégradé et l’heure est désormais à la « rigueur ». Une rigueur annoncée dès le mois de mars 1983 par le premier ministre Pierre Mauroy, qui pose aussi la question du maintien des ministres communistes au sein du gouvernement. Les mois qui précèdent sa venue ont été ponctués de manifestations d’éleveurs et d’agriculteurs, auxquels sont venus s’ajouter de nombreux conflits sociaux dus aux restructurations industrielles. Elles touchent plus particulièrement l’automobile, la sidérurgie, la chimie ou le textile.

79 - Dunlop dépose le bilan (octobre 1983)
Le journal La Montagne annonce, à la une,  le dépôt de bilan de l’usine Dunlop (octobre 1983)

• Le bassin montluçonnais, dans lequel ces activités restent très présentes,  n’échappe donc pas à la crise avec une série de fermetures d’usines (Péchiney – Saint-Gobain  en 1982, après la chemiserie Rousseau en 1981). Dunlop, principale usine montluçonnaise, a dû déposer le bilan en octobre 1983 et la reprise par Sumitomo s’est soldée par la disparition de plus de 1 300 emplois directs et de centaines d’emplois indirects. C’est ce qui a valu à Montluçon d’être classé « zone d’emploi sinistrée », au même titre que Saint-Étienne et Roanne,  parmi les 14 pôles de conversion industriels. Ils ont été  mis en place en mars 1984 pour aider à la reconversion et à la réindustrialisation dans les territoires les plus touchés. Enfin, au plan politique, comme à l’échelon national, les relations entre socialistes et communistes se sont sérieusement tendues. Or Albert Chaubard, député PS a été  élu en juin 1981, face à Pierre Goldberg, qui  dirige la mairie depuis 1977. Cette année-là, sa liste a battu celle conduite par Maurice Brun, le maire centriste sortant qui avait succédé à Jean Négre, décédé en 1972..

80 - Dunlop Manifestation 14 octobre 1983
Des milliers de Montluçonnais dans la rue
« pour que  Dunlop vive » (La Montagne – 14 octobre 1983)

2 – LES DEUX TEMPS FORTS

DE LA VISITE PRÉSIDENTIELLE 

(15 h 45- 18 h 00)

 

81 - LA MONTAGNE 5 juillet 1984
La Montagne (5 juillet 1984)

• Comme celle du général de Gaulle, la venue de François Mitterrand s’inscrit dans le cadre d’un voyage présidentielle de deux jours (5 et 6 juillet 1984) en Auvergne dont les principales étapes doivent être  Aurillac, Le Puy-en-Velay, Clermont-Ferrand et, pour finir, Montluçon avant Moulins. Seule la ville de Vichy a été laissée à l’écart : « Le président Mitterrand entame aujourd’hui une visite officielle de deux jours en Auvergne, qui lui permettra de sillonner en 7 étapes, les 4 départements de la région et de prendre à 12 reprises la parole en public (…). M. Mitterrand aura l’occasion d’aborder directement les grands problèmes économiques et sociaux (…). Il entend centrer ce voyage sur 4 grands thèmes : les problèmes agricoles, le développement d’une industrie performante, la formation des jeunes aux nouvelles techniques et l’accueil des enfants dans la société » (56). À Montluçon comme ailleurs, la population est partagée entre l’espoir, avec l’attente de promesses de nouveaux projets, et la volonté syndicale d’en « découdre », la CGT en tête.

82- Arrivée de F.Mitterrand
L’arrivée de François Mitterrand à Montluçon (La Montagne, 7 juillet 1984)

◘ UNE RÉUNION DE TRAVAIL

À L’INSTITUT  UNIVERSITAIRE DE TECHNOLOGIE

83 - MITTERRAND MONTLUCON 1984.jpg
L’arrivée à l’IUT (à droite : Albert Chaubard, député PS)

• C’est à 15 h 45, avec une demi-heure de retard sur le programme, que François Mitterrand arrive à Montluçon, dans un hélicoptère  qui se pose sur la pelouse du terrain de sport du collège de Fontbouillant. Il est accompagné de Gaston Defferre (ministre de l’Intérieur),  de René Souchon (secrétaire d’état à l’agriculture), ainsi que de  Maurice Pourchon, président socialiste du conseil régional.

Sans titre
Gaston Defferre, René Souchon et Maurice Pourchon, aux côtés de François Mitterrand à Montluçon

• Le comité d’accueil, outre le préfet Mahdi Hacène et le sous préfet Louis Charles Meunier, est composé de trois élus : le maire de Montluçon, Pierre Goldberg, le député de la circonscription, Albert Chaubard et le président du conseil général, Henri Coque.

84 - La visite de l'IUT
La visite de l’IUT, sous la conduite de son directeur, Christian Boutin

• La première étape de la visite, que La Montagne qualifiera dès le lendemain de «  rencontre montluçonnaise “franche et déterminée” », a pour cadre les locaux de l’I.U.T. Une table ronde centrée sur la question des pôles de conversion doit permettre un dialogue direct entre le chef de l’État et  les élus locaux ou départementaux, mais aussi avec des représentants syndicaux et des chefs d’entreprises.

85 - La table ronde organisée à l'IUT
La table ronde organisée à l’IUT, autour de François Mitterrand
86 Le préfet Hacène
Le préfet Mahdi Hacène

• Le premier à intervenir est le préfet Hacène  qui plante le décor en mettant l’accent sur  la gravité de la situation économique et sociale dans laquelle se trouve le  bassin montluçonnais : « Un taux de chômage qui s’élève à 11,6%, le plus fort taux en Auvergne, qui dépasse les 28% pour les moins de 25 ans. De plus, Montluçon a perdu, de 1975 à 1982, 6 000 habitants, soit 11,7% de sa population. À ce constat, s’ajoute le dépôt de bilan de Dunlop France en octobre dernier  qui n’a fait qu’aggraver une situation d’ensemble déjà préoccupante ».

87 - Albert Chaubard
Albert Chaubard, député PS

• S’ensuit une série d’interventions des élus et des responsables économiques et syndicaux. Albert Chaubard (député PS) déplore que  « Pendant 20 ans, rien n’a été fait pour enrayer le déclin du bassin d’emploi de Montluçon et de Commentry ». Il place donc ses espoirs dans « Le classement de Montluçon parmi les pôles de conversion  (qui) va permettre de prendre des mesures particulières, exceptionnelles et au besoin dérogatoire nécessaires à la revitalisation du tissu industriel ». Des espoirs qui  suscitent plus que des doutes chez les représentants syndicaux. Pour celui de la CGT, « les travailleurs ne se reconnaissent plus  dans la politique actuellement menée ». Il insiste donc  sur le fait que le syndicat « attend des réalisations concrètes, des engagements fermes pour qu’enfin le travailleurs retrouvent confiance ». Son collègue de la CFDT affiche son  doute ace aux promesses des hommes politiques : « Les salariés s’y accrochent. Ensuite, tout s’écroule ».Il s’interroge aussi sur l’utilité des pôles de conversion tout en avançant des solutions, comme la semaine de 35 heures.  Le secrétaire adjoint de F.O.,  quant à lui, réclame « du concret et des emplois ».

88- Georges ROUGERON
Georges Rougeron, maire de Commentry

• Chez les élus, on est également partagé : « Nous ne sommes pas de ceux qui attendent tout de l’État ou qui adressent des sommations. Mais entre le tout et le pas du tout,  un geste équitable serait pleinement apprécié », déclare Georges Rougeron, maire de Commentry qui a longtemps présidé le conseil général. Quant à Pierre Goldberg, maire (PCF) de Montluçon depuis 1977, s’il approuve le principe des pôles de conversion, il réclame un « coup de main, (avec) cette solidarité nationale indispensable pour sortir  le bassin d’emploi de Montluçon  de la situation dramatique dans laquelle il se trouve ». Il attend donc des mesures concrètes et précises : « Rien ne remplacera  les indispensables mesures nationales  en faveur d’installations nouvelles  et de créations. Après la présentation  et la préparation des pôles de conversion,  c’est sa concrétisation qu’il faut entamer aujourd’hui. C’est cela que nous attendons, avec la population, de la part du gouvernement de notre pays ».

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Pierre Goldberg, maire de Montluçon

• Au passage, il dénonce les atermoiements de l’État sur plusieurs dossiers comme  l’usine Intercassettes avec ses 100 emplois annoncés depuis des mois sur l’ancien  site de Saint-Gobain, ou « le dossier Rousseau qui se perd dans des méandres sans fins »… La presse rapporte d’autres interventions. Le président de la Chambre de commerce  et d’industrie de Montluçon – Gannat souhaite que de cette visite « découle une accélération  qui peuvent être prises », tandis que le directeur de l’IUT, M. Boutin, met l’accent sur les liens entre milieux industriels et université : « Notre mission est de former des techniciens supérieurs répondant aux besoins des entreprises, plus particulièrement locales et régionales ».

• Face à ce tableau relativement sombre, François Mitterrand ne conteste pas que Montluçon soit la ville de la région « la plus frappée par le grand malheur du chômage (…). C’est dire à quel point l’urgence est là.  Je n’ai aucune raison de dorer les tableau dans cette ville  si gravement blessée ».

89- Mitterrand, à l'écoute des élus
François Mitterrand, à l’écoute des interventions

• Il n’empêche, que dès le début de sa visite, il a donné le ton, refroidissant d’emblée quelques espoirs qu’avait pu susciter sa venue : « Je répondrai à ceux qui m’ont posé cette question : “Allez-vous nous faire des promesses ?”. Non ! Ou bien on est sûr que les choses vont se faire  et on le dit… Ou bien on n’en est pas sûr et on se tait ». Dans ces conditions, «  Que peut faire un chef de l’état dans cette cité en proie au doute sur son avenir ? François Mitterrand avait bien sûr avec lui une trousse d’urgence »,  lit-on dans La Montagne  (57).

• Une “trousse ” dont François Mitterrand détaille le contenu : la formation, avec la création d’un 4ème département à l’IUT (Génie technique),  l’accélération du désenclavement avec l’autoroute  Paris – Montluçon – Clermont et le contournement de Montluçon mais aussi avec l’amélioration de la R N 145 et des dessertes ferroviaires. Au plan industriel, il n’est guère question que de la création d’une centaine d’emplois sur le site de Saint-Gobain et d’une relance “éventuelle” de l’usine textile Rousseau (58). François Mitterrand conclut ainsi son intervention, mettant un terme à cette première étape : «  Il faut arrêter le train de la destruction industrielle. Mais il faut avoir l’honnêteté de dire que depuis 20 ans, c’était cela. Il nous faut donc rattraper le temps perdu. On essaie de le faire, on y arrivera  mais cela ne se fera pas avec un miracle ».

3 – LA RÉCEPTION  À L’HÔTEL DE VILLE 

ET LA RENCONTRE AVEC LES MONTLUÇONNAIS

• Comme pour ses trois prédécesseurs, le passage par l’hôtel de ville est une étape obligée pour  François Mitterrand, qui arrive  avec une heure de retard sur l’horaire prévu. Une foule nombreuse s’est rassemblée sur la place Jean-Jaurès et les syndicats ont mobilisé leurs troupes. De nombreuses banderoles ont été déployées pour rappeler les difficultés  économiques de Montluçon et de sa région : « Ce n’est donc  qu’avec les premiers véhicules du cortège  que la foule s’anima, le ton montant encore quand le maire de Montluçon descendit les marches de la mairie pour accueillir M. François Mitterrand. Des applaudissement, des slogans et singulièrement “Du travail, Président !” mais aussi quelques cris hostiles fusèrent, cependant que le président de la république gagnait la salle des délibérations du conseil municipal où le maire allait lui présenter l’assemblée », peut-on lire dans La Montagne. (59)

90 - Réunion Hôtel d eville

Élus et  Montluçonnais face à François Mitterrand, à l’hôtel de ville, pendant le discours de Pierre Goldberg, maire de Montluçon

• Devant un assemblée qui compte plusieurs centaines de personnes, entre élus, acteurs économiques, Sociaux ou associatifs, c’est d’abord le maire de Montluçon qui prend la parole. Comme André Southon face au général de Gaulle en 1959, il commence par retracer l’histoire du bassin montluçonnais et de son essor industriel, puis fait part des inquiétudes liées à la crise mais aussi des espoirs qu’avait fait naître l’élection de son hôte  en mai 1981 : « Des questions plus vastes et plus fondamentales se posent : arrêtera-t-on jamais le cycle désastreux des cessations d’activités, des disparitions de nos productions ? En cette fin de  XXème siècle, autant de progrès technologiques contrastent avec tant de besoins insatisfaits. Est-il encore imaginable de voir le chômage s’accroître, faisant aux familles touchées une vie qui n’en est plus une ? Autant de perspectives à une jeunesse tragiquement frappée ? Le redressement économique est-il un rêve insensé, une chimère, un projet irréalisable ? ». S’il se réjouit des annonces faites le matin même, il en appelle à une solidarité durable : « Lorsque vous quitterez notre ville, M. le Président, nous croirons encore plus au caractère vital de cette indispensable et urgente solidarité nationale. C’est parce que nous vivons quotidiennement avec les graves difficultés (…) c’est parce que nous voulons ici nous faire l’écho de l’attente  de nos populations que je me suis cru  autorisé à exprimer cet appel ».

260px-Meeting_François_MITTERRAND_Caen_1981• Dans sa longue réponse, François Mitterrand, commence par faire vibrer la corde sensible de son auditoire, en rappelant sa proximité avec le Bourbonnais en général et Montluçon en particulier :  «  J’ai, depuis longtemps, quelques relations personnelles, avec cette partie du Bourbonnais. En effet, vous avez bien voulu rappeler, monsieur le maire, que, lorsque je suis né, mon père était chef de gare de Montluçon, et que, à ce titre, si ma mère n’avait tenu à rejoindre son pays d’origine, la Charente, je me sentirais davantage encore Bourbonnais. Mais, tous les liens de famille qui existaient déjà depuis plusieurs générations, dans les régions de Montluçon, jusqu’au Berry, représentent pour moi la longue suite des temps, avec des visages aimés, tout un environnement qui me fait ressentir plus qu’ailleurs ce qu’est la -nature même des habitants de ce pays » (60).  La suite de son discours c’est avant tout la reconnaissance des graves difficultés que traverse le bassin, avec « le drame (…) de  ces travailleurs en peine et en souffrance, de cette jeunesse en passe d’espoir ». Face à ce constat,  il ne peut que  se livrer à   une reprise des annonces faites le matin même : « Le 4ème département de l’IUT constituera un bout de solution. Cette spécialisation aidera vos étudiants. Les projets Rousseau et Intercassette constitueront un autre aspect du redressement  économique qui ne sera pas oublié ».

• Il n’est pas question, cependant, de composer un catalogue de promesses précises : « Ce que je puis faire ne se résoudra pas en promesses et je n’en ferai pas. C’est le travail et la cohésion, à Montluçon même, dans le département et la région, et ce que vous avez appelé la solidarité nationale qui répondront à la question, pas moi. Je peux, cependant, prendre part à la solidarité nationale, en exerçant mon rôle qui peut n’être pas, en effet, le plus faible maillon de la chaîne en question. J’ai rencontré ici des interlocuteurs sérieux et j’ai compris leurs préoccupations. 28% des jeunes sans emplois, c’est dramatique. L’urgence est là mais les responsables ont une entière réserve d’énergie pour opérer le sauvetage ».Pour ceux qui auraient pu voir en l’État, avec l’intervention des groupes nationalisés, un sauveteur attitré des entreprises en difficultés, il se montre très clair, douchant bien des espoirs : «L’État n’a pas pour charge de créer des industries ou de voler au secours des industries privées et en péril. Ce n’est pas son rôle ou bien ce serait trop facile que de demander à l’Etat de soutenir ou de remplacer les initiatives défaillantes ». Dans sa conclusion, il en appelle « à lutter dans le respect de la collectivité nationale et de l’Etat. Vous êtes des acteurs, des créateurs de la France moderne, prête à vaincre dans la compétition internationale. J’ai compris la capacité dont vous étiez capable pour sauver votre ville. Il s’agit aujourd’hui de  gagner la bataille de tous les français, quoi qu’ils pensent. »

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◘ Bourbonnais Hebdo (11 juillet 1984)

• Il est près de 18 h 00, lorsque François Mitterrand quitte l’hôtel de ville pour rejoindre la voiture qui doit le ramener à  l’hélicoptère, avant de décoller pour Moulins. Sur la place Jean-Jaurès, la foule est toujours là :  « Quand il a quitté Montluçon hier,  le président avait devant lui , sur la place de l’hôtel de ville,  les visage de cette population ouvrière inquiète, lui tendant les mains et lui réclamant simplement “du boulot” », lit-on dans Le Monde. C’est ce qui le pousse à revenir, une dernière fois, vers la foule pour serrer quelques mains et répondre aux Montluçonnais « clamant leur détresse » : « François Mitterrand s’est soudain  ravisé. Il est revenu vers ces cris du désespoir, vers ces pancartes portant des messages de détresse, vers ces larmes aussi versées par de jeunes femmes, comme si le chef de l’état, revenant ainsi sur ses pas,  voulait signifier qu’il ne tournait pas le dos  aux drames personnels vécus par les Montluçonnais » (61).

Voyage F. Mitterran 1984 BH (2)
◘ Bourbonnais Hebdo, organe de la fédération de l’Allier du PCF (11 juillet 1984): entre “Accueil revendicatif” et  “Bilan qui appelle à poursuivre l’action”

•  Le 9 juillet, pour dresser  le bilan du voyage en Auvergne, Jean-Yves Lhomeau publiera dans Le Monde un article titré « Des promesses ? Non, jamais ! » dans lequel on peut lire : «  Cette réponse que M. François Mitterrand a faite vendredi 6 juillet aux représentants des chefs d’entreprise et des syndicats de Montluçon, zone sinistrée par la crise et devenue  » pôle de conversion « , il l’a répétée tout au long de son voyage en Auvergne à ceux qui lui demandaient ici une route, là une usine. La ligne de conduite de celui auquel on reproche souvent d’avoir fait, dans l’opposition trop de promesses qu’il n’a pu tenir une fois parvenu au pouvoir est simple : ou bien on est sûr que les choses vont se faire et on le dit. Ou bien on n’en est pas sûr et on se tait ». Une déclaration qui mettait un terme provisoire  au cycle des grandes visites des chefs de l’État inauguré 120 ans plus tôt par Napoléon III.

– V –

2017

FRANÇOIS HOLLANDE

PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

(VENDREDI 9 FÉVRIER 2017)

F Hollande

•  Depuis la visite de François Mitterrand et après celle du général de Gaulle, Cette pratique des grands voyages présidentiels en province, étalés  sur plusieurs jours semble avoir été délaissée, au profit de visites plus courtes (une demi-journée ou une journée), avec une thématique précise. On notera qu’après François Mitterrand, Jacques Chirac n’est jamais venu en visite en Bourbonnais. Si Nicolas Sarkozy a bien fait un passage par Montluçon, à l’école de gendarmerie, c’est en tant que ministre de l’intérieur. Devenu président de la république, il s’est rendu dans l’Allier, d’abord en  Montagne bourbonnaise, puis dans la région de Saint-Pourçain-sur-Sioule, en février 2008. On se souvient, dans la cité viticole, de son passage par les ateliers  de LVMH, au cours duquel il s’était vu offrir un sac Vuitton.

LMT COUV
La Montagne (10 février 2017)

• Il aura donc fallu attendre le 9 février 2017, soit 33 ans après François Mitterrand, pour que  le bassin montluçonnais reçoive à nouveau  la visite d’un président de la république, en la personne de  François Hollande. Il était alors  dans les dernières semaines de son mandat et il avait annoncé qu’il ne se représenterait pas. Il n’y eut ni réception à l’hôtel de ville, ni bain de foule, ni traversée de la cité par un cortège officiel,  les visites se limitant à celles de deux entreprises considérées toutes les deux comme particulièrement performantes. La première, celle de  l’usine Viatémis, installée à Verneix, s’est déroulée à partir de 10 h 00.

Viatemis 2
La visite de l’entreprise Viatemis, à Verneix

• La seconde, peu après 11 h 00, sur le territoire de Domérat, concernait  la toute nouvelle unité du groupe Safran (Sagem) . Une visite avec ses deux “classiques” : discours officiels devant le personnel, à l’intérieur, et manifestants protestant contre la politique sociale du gouvernement, sous la surveillance des compagnies de CRS, à l’extérieur. Dans son intervention, François Hollande  devait lancer “ un appel au sens de l’intérêt général” tout en “prônant le rassemblement”. Une heure plus tard, il reprenait la route  en direction de Moulins, avec une arrivée vers 13 h 00, pour une visite du Centre national du Costume de scène suivie du  déjeuner. Rien de plus… Quant à son successeur à l’Élysée, Emmanuel Macron,  il semble  chercher à  renouer avec ce qui s’appelle désormais des  “immersions” d’un ou  deux jours en province. Il ne semble toutefois pas que, pour l’heure, Montluçon figure sur son agenda.

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Le discours de François Hollande, devant les élus et une partie du personnel de l’entreprise Safran
LMT Voyage Hollande
La Montagne (10 février 2017)
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Des manifestants, près du site Safran, dans l’attente de l’arrivée de François Hollande…comme en 1959 et en 1984

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REMERCIEMENTS

Les photographies illustrant le voyage du maréchal Pétain à Montluçon, le 1er mai 1941 sont extraites pour la plupart de l’album réalisé par le photographe montluçonnais Vincens. Un exemplaire figure dans les collections des Amis de Montluçon qui l’ont aimablement mis à notre disposition. D’autres photos sont issues de la collection  de M. Roland Ferragu.

NOTES ET RÉFÉRENCES

  • 1- Pierre Couderc, Alain Auclair : Un capitaine d’industrie montluçonnais : Jacques Alexandre Duchet (1819-1905) (Bulletin des Amis de Montluçon, 3ème série, n° 52, année 2001, pp. 95-112)
  • 2- Sur les origines du chemin de fer à Montluçon, la construction de la gare et les travaux d’aménagement de l’avenue de la gare, on se reportera à l’étude importante de Jacques Vigné, Napoléon III à Montluçon (Bulletin des Amis de Montluçon, 3ème série, n° 40, année 1989, pp. 82-120)
  • 3- Citations extraites des registres de délibérations municipales, reproduites in extenso dans : Édouard Janin,  Histoire de Montluçon, d’après les documents inédits  (Librairie Historique des provinces Emile Lechevalier, Paris, 1904).
  • 4- Édouard Janin Histoire de Montluçon, d’après les documents inédits, ouvrage cité.
  • 5- Délibération du 14 juillet 1864, reproduite par Jacques Vigné, Napoléon III à Montluçon (Bulletin des Amis de Montluçon, 3ème série, n° 40, année 1989, pp. 82-120)
  • 6- Extrait du journal Le Messager (Moniteur de l’Allier), 10 août 1864.
  • 7- Extrait du journal Le Courrier de l’Allier, 14 août 1864.
  • 8- Alfred Crépin-Leblond (1828-1903), fils d’un propriétaire montluçonnais, avait acquis en 1861 le Courrier de l’Allier, créé par transformation de L’album de l’Allier dans lequel Achille Allier avait fait ses débuts littéraires en 1831. Devenu par la suite bi – hebdomadaire, puis quotidien en 1871, le journal fut transféré à Moulins en 1872. Alfred Crépin-Leblond avait donné au Courrier de l’Allier une orientation nettement bonapartiste, clairement affirmée au fil des articles relatant la visite de Napoléon III.
  • 9-Le boulevard de Courtais, dénommé ainsi en hommage au vicomte Amable Gaspard Henri de Courtais (1790-1877) n’a pris cette appellation qu’à partir du 31 octobre 1882, par unification des boulevard du Collège, de Bretonnie, de la Mairie et des Cordeliers.
  • 10- Extrait du journal Le Courrier de l’Allier (14 août 1864).
  • 11- Le couvent des Ursulines, vendu comme bien national sous la Révolution, fut racheté par la municipalité en 1809 pour y établir ses services en 1812. Démoli en 1910, il a laissé place au nouvel hôtel de ville conçu par Gilbert Talbourdeau et inauguré en 1912.
  • 12- Extrait de Le Courrier de l’Allier (14 août 1864).
  • 13- Le château avait été construit par la famille Le Groing de la Romagère, originaire de Saint-Sauvier. Charles Le Groing de la Romagère (1843-1904), son propriétaire,  possédait 4 fours à chaux  sur les bords du canal à Blanzat et il était concessionnaire de la mine d’anthracite des Marais, entre Chamblet et Commentry.
  • 14- Comme Jacques Alexandre Duchet, Stéphane Mony a aussi eu une carrière d’élu local, d’abord comme conseiller municipal (1843) puis comme maire de Commentry (1865), avant d’accéder au conseil général (1867) et au corps législatif en 1868. Il est l’auteur de nombreux ouvrages recensés par Maurice Malleret dans L’encyclopédie des auteurs du Pays montluçonnais et de leurs œuvres (éditions des Cahiers bourbonnais, 1994)
  • 15- L’Illustration, n° 1123, 3 septembre 1864. Compte tenu de leur précision, on peut penser que les gravures publiées dans l’hebdomadaire illustré ont été réalisées à partir de croquis pris sur place. La première gravure, “ Passage sous l’arc de triomphe de l’avenue Napoléon III ” figure en toute première page et elle est complétée par une seconde gravure montrant “l’arc de triomphe des usines[1]” édifié à l’entrée de la Ville-Gozet., avec l’obélisque en fond. Quant à l’article, figurant en deuxième page, sur une colonne, il est sobrement intitulé “Visite de S.M. l’Empereur à Montluçon». On peut lire la mention “Au directeur, Montluçon août 1864 ” et après la mention “pour extrait,  l’article est signé P. Paget. On peut donc penser que le récit n’a pas été publié intégralement et qu’il émane d’une correspondance d’un témoin et non d’un “reportage”. L’Illustration encourageait ses lecteurs à devenir des contributeurs lorsqu’ils étaient témoins d’un événement.
  • 16- Extrait de Le Courrier de l’Allier (14 août 1864).
  • 17- Dans leur article Un capitaine d’industrie montluçonnais : Jacques Alexandre Duchet (1819-1905) (Bulletin des Amis de Montluçon, 3ème série, n° 52, année 2001, pp. 95-112), Pierre Couderc et Alain Auclair écrivent à son propos : « Il partage, hélas, l’habitude de ses pairs d’avoir peu le souci des conditions matérielles de son personnel (…). En dehors des souffleurs de verre, les autres sont parmi les plus mal payés de Montluçon et il aura des ennuis en 1882, car il ne respecte pas la loi limitant le travail des enfants ». Il démissionnera de ses fonctions de maire, le 27 septembre 1868, « sans doute suite au décès de son épouse, et, peut être aussi parce que l’évolution libérale du régime impérial ne le satisfait pas », écrivent les mêmes auteurs.
  • 18- Extrait de Le Courrier de l’Allier (14 août 1864).
  • 19- Pour connaître la répartition de cette somme, on pourra se reporter à l’étude de Jacques Vigné, Napoléon III à Montluçon (Bulletin des Amis de Montluçon, 3ème série, n° 40, année 1989, pp. 82-120)
  • 20- Un sondage mené dans les collections de quotidiens nationaux numérisés par la BnF n’a permis de ne retrouver que 3 courts articles traitant de la visite montluçonnaise.
  • 21- C’est le seul cas d’une artère montluçonnaise qui, en moins d’un siècle a changé cinq fois de dénomination, au gré des évènements nationaux et internationaux : l’avenue Napoléon III (1864-1870) est ensuite devenue Avenue de la gare (1870-1918), puis avenue du Président Wilson (1918-1941) en hommage au président américain qui avait fait entrer son pays dans la Guerre, un an plus tôt. Ce fut ensuite l’avenue du Maréchal Pétain (1941-1944) et enfin l’avenue Marx Dormoy à partir de 1945. On notera que face à autant de changements, l’appellation “Avenue de la gare”  a souvent coexisté avec les autres dénominations (Maurice Malleret, Pour découvrir Montluçon de la meilleure façon, à travers le nom de ses rues, éditions des Cahiers bourbonnais, 2005).
  • 22- La loi Belin, promulguée le 24 avril 1941, a fait du 1er mai « la fête du travail et de la concorde sociale », en renvoyant dos à dos « capitalisme » et « socialisme » et en ouvrant la voie au « corporatisme ». Le 1er mai, qui coïncide alors avec la saint Philippe, devient jour férié et chômé. Lors du choix d’une fleur destinée à symboliser la concorde de  la fête du travail, l’églantine rouge, avec sa couleur trop “révolutionnaire”, a été écartée au profit du muguet.
  • 23- Après sa destitution, Marx Dormoy avait été arrêté puis interné à Pellevoisin (Indre) avant transfert à Aubenas puis à Vals-les-Bains (janvier 1941) et enfin, à partir du 20 mars 1941, à l’hôtel Le relais de l’empereur à Montélimar. C’est là qu’il trouvera la mort, dans la nuit du  25 au 26 juillet 1941, déchiqueté par une bombe posée sous son lit. Sur cet assassinat on pourra se reporter à l’article consacré à la comédienne de théâtre Annie Mourraille qui fut étroitement mêlée à l’assassinat de l’ancien ministre du Front Populaire et sénateur-maire de Montluçon.
  • 24- Fondé en janvier 1843, Le Centre qui avait pris la suite du Courrier de l’Allier, appartenait à Henri Bouché, « vieux bonapartiste devenu républicain de raison » selon Georges Rougeron, et à ses filles. Il le tenait lui-même de son beau père, Arthur Herbin. Le Centre était dirigé par ses gendres, Henri Fougerol (1886-1974), administrateur, et Jean Joussain du Rieu (1899-1982) rédacteur en chef en titre depuis 1927, véritable inspirateur de la ligne politique du journal. Titulaire de la Francisque,  il y  signait des éditoriaux dans la rubrique « Au jour, le jour ». L’entreprise employait une centaine de personnes pour sortir le journal du soir et deux autres  publications  bihebdomadaires,  tout en assurant des travaux d’imprimerie. Dès avant la guerre, le journal avait opté pour une  opposition nette à Marx Dormoy et au Front populaire. À partir de juillet 1940, il avait adopté une ligne résolument  maréchaliste, soutenant la « Révolution nationale » qui transparaissait nettement dans les éditoriaux de Jean Joussain du Rieu. Ses thèmes de prédilections étaient l’hostilité aux gaullistes, aux communistes et aux francs-maçons, jointe à une véritable haine de l’Angleterre et à une défense sans faille de la politique menée depuis Vichy, y compris celle  de la collaboration. Le Centre étant un quotidien du soir, il portait la date du lendemain.
  • 25- Georges Rougeron, Quand Vichy était capitale 1940-1944, éditions Horvath, p. 39.
  • 26- Georges Rougeron, Quand Vichy était capitale 1940-1944, p. 40.
  • 27– Le Centre, 3 mai 1941.
  • 28- Le monument, inauguré le 11 novembre 1922, en l’honneur des 1082 Montluçonnais morts aux combats, avait été installé dans ce qui était devenu par décision du 19 octobre 1923 le square Fargin-Fayolle. Il y resta jusqu’en 1965, date à laquelle la construction de la gare routière entraîna son transfert à son emplacement actuel, Avenue Marx Dormoy.
  • 29-Georges Rougeron, Quand Vichy était capitale 1940-1944, p. 40.
  • 30- André Touret, Montluçon 1940-1944, la mémoire retrouvée, éditions Créer, 2001 (voir notamment les pp 70-80 consacrées à “La visite du maréchal”).
  • 31- Michèle Cointet, Vichy capitale 1940-1944, éditions Perrin, 1993, p. 128.
  • 32- Né à Lyon en 1875, Jean Pétavy avait été pendant la première guerre mondiale chef du génie de la DCA au Grand quartier général et promu lieutenant colonel. C’est à cette époque qu’il avait lié connaissance avec le futur maréchal Pétain.  Après guerre, il entre à la société des pneumatiques Dunlop et il en devient directeur général et administrateur délégué. Ami personnel du maréchal Pétain, il a été nommé le 24 janvier 1941 membre du Conseil national, sorte de conseil privé qui cessera de fonctionner après avril 1942 . Il est également titulaire de la francisque. Passé militaire oblige, Jean Pétavy, dont on salue l’engagement au service du développement du sport, avait la réputation d’être un homme d’action autoritaire, jugé  parfois arrogant avec ses subordonnés. C’est ce pétainisme militant qui fait que Jean Pétavy a été un  des premiers chefs d’entreprises du bassin montluçonnais arrêtés  dès la libération, avant d’être  envoyé au centre de séjour surveillé de Tronçais où il séjournera plusieurs semaines, avant d’être  remis en liberté. Les mauvais traitements qu’il y subit et l’affaiblissement physique qui en résulta expliquent son décès prématuré, à Paris en février 1945. Sportif accompli, Jean Pétavy a soutenu le développement de la pratique sportive au sein de l’entreprises, avec la création d’un stade de football et de plusieurs clubs sportifs.
  • 33- Georges Rougeron, Quand Vichy était capitale 1940-1944, p. 40.
  • 34- Georges Rougeron, Quand Vichy était capitale 1940-1944, p. 40.
  • 35- Sur la vie et la carrière politique d’Isidore Thivrier, on pourra se reporter à : Maurice Sarazin et Jean-Paul Perrin, Pages d’histoire : Isidore Thivrier (1874-1944), député-maire de Commentry, mort en déportation 
  • 36- Georges Rougeron, Quand Vichy était capitale 1940-1944, p 41.
  • 37- Georges Rougeron, Quand Vichy était capitale 1940-1944, p. 41
  • 38- Communiqué publié dans Le Centre, 3 mai 1941.
  • 39- Cette séquence de quelques minutes des Actualités cinématographiques, partagée entre l’étape montluçonnaise et le discours de Commentry met l’accent sur différentes scènes montluçonnaises, sans toujours respecter l’ordre chronologique. On voit l’arrivée à l’hôtel de ville, entre la double rangée de Compagnons du Tour de France, ainsi que le retour à la mairie, avec passage entre les Maîtres sonneurs du Bourbonnais. La cérémonie sur l’avenue de la gare, la remontée du boulevard de Courtais par le cortège, sur fond d’acclamations et de “ Vive Pétain” font aussi partie des séquences retenues au montage. La caméra s’attarde également sur les anciens combattants de la Légion, ainsi que sur les enfants des écoles vêtus de tricolore. Ces Actualités, diffusées à la télévision en 1991 dans le cadre de l’émission de Marc Ferro, Histoires parallèles (Arte) ne figurent malheureusement pas dans le fonds de l’Institut national de l’audiovisuel.
  • 40– Le Centre, 3 mai 1941.
  • 41- Maurice Sarazin, Il y a 50 ans, un voyage officiel en Bourbonnais du président de la république Charles de Gaulle (Les Cahiers bourbonnais, n° 208, pp. 53-59).
  • 42- Maurice Sarazin, Il y a 50 ans, un voyage officiel en Bourbonnais… (article cité).
  • 43- Marcel Légoutière, Un siècle de luttes sociales en Bourbonnais, éditions Union Départementale CGT de l’Allier, 1977, p. 177.
  • 44- Selon ses propos le général de Gaulle serait donc venu à Montluçon en 1947, alors que la reconstruction de l’usine Dunlop détruite à 80% par le bombardement de septembre 1943, était en voie d’achèvement. Or, on ne trouve guère trace de ce passage. Selon Maurice Sarazin (voir note 41), il serait venu en Bourbonnais deux fois avant 1959, en tant que président du RPF : la première à Avrilly, le 29 novembre 1949, et la deuxième à Broût-Vernet, à Saint-Pourçain et à Vichy, le 26 février 1951. Dans ses Mémoires « Le salut : 1944-1946 »,  le général de Gaulle évoque sa toute première visite officielle en Auvergne en 1945, au cours de laquelle,  accompagné du maire de Clermont-Ferrand, Gabriel Montpied et du Sultan du Maroc, Mohamed V, il avait visité l’usine Michelin. Il n’est donc pas impossible que, dans le fil d’un discours improvisé, il ait confondu les deux usines.
  • 45- André Touret, Montluçon après la tourmente 1944-1977, éditions Créer, 2003, p. 223. Il persiste toutefois, dans une partie de l’opinion montluçonnaise, l’image d’un accueil nettement plus “musclé” : « Quand le général de Gaulle est venu à Montluçon, il a quand même pris des œufs et les ouvriers de Dunlop ont  refusé de le laisser entrer. La petite histoire  raconte qu’il aurait rayé Montluçon de la carte d’un trait rouge vengeur », déclarait Daniel Dugléry, en évoquant ses souvenirs d’enfance  dans La semaine de l’Allier (23 novembre 2017).
  • 46- Marcel Légoutière, Un siècle de luttes sociales en Bourbonnais, ouvrage cité.
  • 47- Appel publié dans Centre Matin (17 avril 1959)
  • 48- André Southon (1906-1959), professeur d’histoire géographie et membre de la SFIO avait été élu maire en 1950. Il a siégé au Conseil de la république puis au Sénat, de novembre 1946 jusqu’à son échec en avril 1959. Lorsqu’il reçoit le général de Gaulle, il est déjà très marqué par la maladie qui finira par l’emporter le 10 octobre 1959. C’est son premier adjoint, Jean Nègre (1907-1972), professeur d’anglais qui lui succédera alors, restant à la tête de la mairie jusqu’à son décès, survenu le 8 mai 1972. Il a également siégé à l’assemblée nationale et au Sénat.
  • 49- Le discours d’André Southon et la réponse du général de Gaulle seront publiés par Centre Matin, dans son édition du 18 avril.
  • 50- On aura remarqué que la ville se montre plus chiche avec le général de Gaulle qu’avec le maréchal Pétain auquel on avait remis un album complet et relié de bois gravés de Ferdinand Dubreuil sur Les vieilles rues de Montluçon.
  • 51- Discours reproduit dans Centre Matin, 18 avril 1959.
  • 52- Marcel Légoutière, Un siècle de luttes sociales en Bourbonnais, ouvrage cité.
  • 53- Bien malin d’ailleurs qui aurait pu trouver des tomates dans les épiceries montluçonnaises, en 1959 … au mois d’avril…Un témoin, Roland L., précise à ce propos :«  Il est possible que lors de la visite, il ait pu y avoir quelques sifflets, toujours est -il que j’ai assisté au discours qu’il a prononcé à la fenêtre de la mairie (…) et la foule n’était pas du tout hostile(…) Le sentiment dominant qui me revient est surtout une certaine angoisse que tout le monde ressentait et dont on parlait, qui était la peur qu’un attentat ne soit commis ce jour là, alors il est tout à fait invraisemblable à cette époque que quelqu’un ait eu l’idée de jeter des tomates! Pendant tout le discours je me souviens qu’un silence absolu régnait sur la place de la mairie et qu’à la fin tout le monde a entonné avec lui la Marseillaise »…
  • 54- Le reportage, intitulé Voyage du général de Gaulle dans le Centre est visionnable en accès libre  sur le site de l’Ina. http://www.ina.fr/video/AFE85008263/voyage-du-general-de-gaulle-dans-le-centre-video.html.
  • 55- Face aux revendications des anciens prisonniers, il devait tenir des propos quasi-identiques à ceux qu’il tiendrait 37 ans plus tard : «  Croyez (…) que je ne suis pas venu ici pour vous faire de belles promesses, c’est beaucoup trop facile. Mais, pour les tenir ensuite, il faut pouvoir. Vous n’ignorez pas en effet qu’il faut tenir compte de la situation budgétaire de notre pays et que cette situation est presque toujours la raison pour laquelle de justes revendications ne peuvent pourtant être admises. Il faut patienter (…). Si vous avez des droits, vous avez aussi des devoirs».
  • 56- Extrait de La Montagne, 5 juillet 1984.
  • 57- Extrait de La Montagne, 7 juillet 1984.
  • 58- Si la création du 4ème département de l’IUT ainsi que l’autoroute Paris – Clermont ou le contournement de Montluçon sont bien devenus des réalités, on remarquera que pour l’amélioration de la RN 145, beaucoup reste à faire  trente-trois ans plus tard, au moins  dans la traversée du département  de l’Allier. Quant à la desserte ferroviaire, on sait ce qu’il en a été. Enfin, ni la création d’Intercassettes, ni la relance de Rousseau n’aboutiront.
  • 59- Extrait de La Montagne, 7 juillet 1984.
  • 60- Une allusion à son arrière-grand-père, Charles Mitterrand né à Bourges en 1810 et qui avait tenu dans les années 1843-1844 la 7ème écluse sur le canal de Berry. Elle se situait à Rouéron, sur la commune d’Audes, à moins de 20 Km de Montluçon. C’est là qu’était né en 1844 Gilbert Théodose Mitterrand, grand-père du président. Quant à son père, Joseph Mitterrand (1873-1946), il n’a été chef de gare à Montluçon que durant quelques mois, en 1916-1917, avant de partir pour Limoges. Enfin, sur les racines profondes de sa famille, il avait déclaré à un de ses biographes : « Ceux de mes ancêtres dont je porte le nom étaient bourgeois de Bourges ». Sur la question de ses relations avec le Bourbonnais, voir Jean-Paul Perrin, François Mitterrand et le Bourbonnais, un long chemin (Les Cahiers bourbonnais, n° 155, printemps 1996, pp.49-68).
  • 61– Le Monde, juillet 1984.

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