PAGES D’HISTOIRE… IL Y A VINGT ANS, DISPARAISSAIT GEORGES ROUGERON (1911-2003), “MÉMOIRE POLITIQUE DU BOURBONNAIS”

MISE À JOUR: 19 AOÛT 2023

Jean-Paul PERRIN

allier-infos@sfr.fr

  Il y a vingt ans, le dimanche 10 août 2003, Georges Rougeron s’éteignait à la maison de retraite Saint-Louis de Commentry, où il s’était retiré en 1998, au terme d’une vie et d’un parcours  exceptionnels  à bien des égards. Ses obsèques civiles, comme ils les avaient souhaitées, devaient se dérouler le 14 août,  place du 14-juillet, à Commentry où des élus de tout bord et la foule des anonymes étaient venus lui rendre un ultime hommage. Ancien secrétaire de Marx Dormoy, résistant et co-fondateur du Comité départemental de libération,  il était l’un des derniers liens directs avec la vie politique bourbonnaise de la première moitié du XXè siècle, celle  des Thivrier, Dormoy et  de leurs prédécesseurs.

Ses mandats de maire (42 ans), de conseiller général du canton de Commentry (43 ans) et de président de l’assemblée départementale (28 ans), constitueront sans doute pour longtemps des records dans la durée. Tout comme ses dizaines d’ouvrages historiques, fruits d’un demi-siècle de recherches, font et feront encore référence pendant des décennies. Exceptionnel enfin, ce parcours d’un simple apprenti plâtrier-peintre, ayant quitté  l’école à seulement treize ans, pour  se voir couronné par l’université Blaise-Pascal, du titre de docteur en histoire, à plus de soixante-dix ans.     

C’est donc le parcours de l’homme politique, véritable  mémoire du Bourbonnais et  chercheur infatigable, que Vu du Bourbonnais a voulu retracer en lui consacrant ces Pages d’histoire et  en privilégiant quatre grands thèmes: L’itinéraire d’un militant (1911-1940) – La guerre: de l’ombre de Marx Dormoy jusqu’à la clandestinité et la résistance (1940-1944) –  Un demi-siècle sur le devant de la scène politique (1945-1995) –  L’infatigable explorateur de la mémoire bourbonnaise. Le tout accompagné d’une bibliographie de ses écrits qui ont été publiés mais qui ne saurait viser à l’exhaustivité, tant ils ont été  nombreux. 

NB Le texte qui suit est la version révisée, complétée et actualisée du livre Georges Rougeron (1911-2003), publié  par les  Cahiers Bourbonnais (supplément au n° 185 – Automne 2003). Il n’entend nullement être exhaustif et tous les compléments d’information,  les remarques et corrections d’erreurs qu’il pourrait contenir, seront donc les bienvenus. Enfin, pour faciliter leur consultation,  les notes et références ont été placées à la fin de chacune des quatre parties de cette biographie. 

I – L’ITINÉRAIRE D’UN MILITANT

(1911-1940)

• LE  FILS D’UN  MILITANT DE LA « LIBRE PENSÉE »

Saint-Germain-des-Fossés, avant 1914

• Lorsque Georges Rougeron voit le jour, le 6 janvier 1911, à Saint-Germain-des-Fossés, il est le dernier d’une longue lignée dont les racines se situent entre Ferrières-sur-Sichon et Le Mayet-de-Montagne(1). 1911…C’est la Belle Epoque qui tire à sa fin et le monde qui s’achemine vers ce qui va être le première guerre moderne de l’histoire… Le président Armand Fallières préside depuis cinq ans aux destinées de la France…Un an plus tôt, en 1910, les élections législatives ont confirmé la victoire des Radicaux. Dans le midi viticole, la troupe est intervenue, quatre ans auparavant pour ramener l’ordre et, l’année d’après, le gouvernement a dû affronter des grèves très dures  en région parisienne. C’est ce même gouvernement qui avait refusé le droit de grève aux fonctionnaires en mars 1909. S’il n’est pas encore officiellement question de prolonger la durée du service militaire, on en parle et « La revanche » contre l’Empire allemand est de plus en plus d’actualité. Au début de juillet 1911, la tension est même montée d’un cran, avec le “coup de force” allemand à Agadir, au Maroc. De congrès en réunions, les partis socialistes français et allemand en sont à s’interroger sur l’attitude à adopter en cas de guerre. Si elle devait éclater, on va jusqu’à parler de « grève générale » des prolétaires. 1911, c’est aussi l’année ou le jury du prix Nobel consacre, pour la première fois, les travaux d’une femme, Marie Curie…

• De tout cela, on  se tient au courant dans la famille Rougeron, d’autant que le père, Louis-Aimé Rougeron, est devenu un militant socialiste  dans l’âme. Il est né en 1881, dans une famille de cinq enfants, au cœur de la Montagne bourbonnaise, un territoire dans lequel les Rougeron semblent avoir été  nombreux  au XIXè siècle. Ainsi trouve-t-on déjà un Georges Rougeron, domestique, né en 1823 au Breuil, lui-même fils d’une autre Georges, décédé en 1842. Louis-Aimé Rougeron, quant à lui,   est le fils d’un modeste facteur, Claude Rougeron (1849-1925), qui effectua la plus grande partie de sa carrière à Lapalisse. Il appartient à ces générations qui ont été parmi les toutes premières à bénéficier des lois Ferry sur la gratuité et l’obligation scolaire, puis sur la laïcité de l’enseignement public. À douze ans, l’obligation scolaire achevée, il a travaillé quelque temps à l’Enregistrement, avant d’entrer en apprentissage dans le bâtiment qui fera de lui un artisan plâtrier-peintre. 

• On le retrouve en 1904, sur le chantier du Grand Casino de Vichy. C’est là qu’il noue des relations avec  une domestique, employée au Fidèle berger, Françoise Méry (1878-1958), qu’il épousera la même année, dans la cité minière de Bézenet. De sa mère, Georges Rougeron écrivait : « Elle  venait d’une famille de huit enfants, abandonnés par le père, en un temps où il n’existait ni allocations familiales, ni sécurité sociale, ni aide sociale. À l’âge de l’école, elle triait du charbon à la mine. Sachant seulement signer son nom, elle se montra femme d’intérieur, laborieuse et économe, soucieuse de me voir apprendre ce qu’il lui manquait »(2). Dans ces mêmes Chroniques familiales, il aimait à rappeler qu’elle lui avait transmis “la simplicité et la modestie”, ainsi que le goût pour “ une certaine solitude intime”. 

• Sans être insensible aux injustices sociales et au combat politique, Louis-Aimé Rougeron n’est pas encore un militant. Il se souvenait cependant  que son propre père, Claude Rougeron, « facteur des postes » à Lapalisse, le premier de la famille à avoir su lire, avait été muté d’office par décision préfectorale à Thiel-sur-Acolin. Son crime : avoir simplement « recommandé », pendant ses tournées, de ne pas voter pour «  Méline, pain cher », lors des législatives de 1898. Une allusion à Jules Méline qui était alors à la fois président du conseil et ministre de l’agriculture. À Thiel, les conditions de vie s’étaient révélées difficiles et il lui avait fallu de longues années avant d’être réintégré comme facteur convoyeur sur la ligne Lapalisse – Le Mayet. Georges Rougeron décrit ce grand-père comme un homme  « prompt à s’indigner devant les injustices et les méfaits »,  qui parlait volontiers  de « Badinguet qui avait déporté les Républicains, fait perdre l’Alsace-Lorraine (et) de la République à laquelle étaient dues les améliorations survenues depuis sa jeunesse» (3).

• Dans un contexte d’anticléricalisme exacerbé, lors de l’application de la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat, Louis-Aimé Rougeron, que le discours d’un propagandiste socialiste entendu en 1903 a séduit,  bascule dans le combat politique. On le retrouve parmi les fondateurs de la Libre pensée et de la Société de Secours mutuels « Les Travailleurs Réunis ». Homme au « tempérament passionné », on lui reprochera parfois un certain « sectarisme ». Cet engagement le pousse même à briguer, avec succès, un mandat de conseiller municipal, à Lapalisse,  mais « dans une petite ville bourgeoise, de telles positions étaient mal vues et, progressivement, il ne trouva plus d’ouvrage » (4). Avec pour tout capital 900 francs empruntés à son entourage familial, il « émigre » alors à Saint-Germain-des-Fossés où il s’établit comme artisan plâtrier-peintre. C’est dans cette commune que naît l’unique enfant du couple, Georges, le 6 janvier 1911.

• APPRENTI PLÂTRIER-PEINTRE

À  L’ÂGE DE TREIZE ANS

1928 – Georges Rougeron, compagnon plâtrier-peintre (3è à gauche)

Son sérieux et son habileté lui créent une solide réputation d’artisan  et la famille connaît dès lors « une toute modeste aisance ». C’est ce père, qui «  se révélait foncièrement bon » et auprès duquel Georges Rougeron disait avoir appris « le civisme, l’engagement qui en découle (et) le sérieux au travail »,  qui va lui inculquer son unique formation professionnelle : à 13 ans, certificat d’études primaire en poche, obtenu au terme de six années d’études à l’école primaire publique de Saint-Germain-des-Fossés, l’enfant entame  son tour, en 1924, son apprentissage de plâtrier-peintre, un métier qu’il exercera sans discontinuer jusqu’en 1934.(5).

• Bien des années plus tard, en 1964, lors d’un débat sur l’éducation, il aura l‘occasion d’évoquer devant ses collègues sénateurs ce temps fort de sa vie : « Lorsqu’à l’âge de treize ans, j’ai quitté l’école, sachant que je n’y retournerais jamais plus, j’emportai le langage le plus précieux pour entrer dans la vie : la curiosité de l’esprit, le goût du travail, l’amour de ma petite patrie natale, celui de la grande nation et l’ouverture vers l’humanité »… C’est au hasard des chantiers, au début des années 30, qu’il fera la rencontre de l’architecte Marcel Genermont, futur fondateur des Cahiers Bourbonnais, alors en charge des travaux de restauration du château  des Chabot de l’Allier, à Seuillet. En contant cet épisode (6), Georges Rougeron écrira : « M. Marcel Genermont s’affirmait à mon regard (comme) un grand Monsieur. J’étais, bien sûr,  loin d’imaginer que nos routes pourraient se retrouver autre part que sur des chantiers privilégiés ».

• UN JEUNE MILITANT DE LA S.F.I.O.

DEVENU  SECRÉTAIRE DE MARX DORMOY

marx-dormoy-2•  Dans cet itinéraire professionnel que rien ne semblait devoir faire dévier, deux éléments vont contribuer à orienter Georges Rougeron vers d’autres horizons : l’attrait pour le combat politique et la passion pour l’histoire.  À 17 ans, il a hérité des convictions socialistes portées par son père depuis longtemps,  l’ouverture d’esprit en plus, et il figure parmi les fondateurs des Jeunesses Socialistes de l’Allier en 1928. On est alors huit ans après le congrès de Tours qui a consommé le divorce entre Communistes et socialistes. Il entame ainsi un long parcours de trois quarts de siècle au sein de la même famille politique qu’il qualifiera «  d’acte de foi pour un idéal de justice ». Bon organisateur, doté d’une solide capacité de travail   qui lui permet de s’investir autant dans sa vie professionnelle que dans l’action politique,  il se fait très vite remarquer par Marx Dormoy (1888-1941). Le fils du « Forgeron du 1er mai », est alors en pleine ascension politique, après avoir essuyé plusieurs revers électoraux: conseiller d’arrondissement en 1919 puis  conseiller général de Montluçon-Est en 1925, il a été élu maire de Montluçon en 1926 puis député de l’Allier, à la mort de Paul Constans, en 1931. Marx Dormoy entend bien  garder  la haute main sur la fédération  de l’Allier de la S.F.I.O, dans laquelle il ne fait pourtant pas toujours l’unanimité. En haut-lieu, Léon Blum « le gardien de la vieille maison », sait pouvoir compter sur lui. Entre le Palais-Bourbon, le conseil général de l’Allier,  l’hôtel de ville de Montluçon, et bientôt le ministère de l’Intérieur et le palais du Luxembourg,  Marx Dormoy a besoin d’un secrétariat efficace.

• En octobre 1934, il décide d’appeler Georges Rougeron auprès de lui, séduit sans doute par ses capacités de travail et «  ses qualités d’écriture ». Il sera son secrétaire personnel et parlementaire, employé officiellement comme rédacteur à la mairie de Montluçon,  tout en assumant le secrétariat administratif de la S.F.I.O dans l’Allier. Son chemin  croise alors celui de  René Ribière (1910-1995), jeune secrétaire général adjoint  de la mairie, avec lequel il accomplira un long parcours,  dans le sillage de Dormoy puis dans la Résistance. Les deux hommes font partie du « premier cercle » des collaborateurs. Cette fonction lui vaut aussi de prendre en charge la rédaction et la publication du Combat Social. L’hebdomadaire de la fédération socialiste de l’Allier, fondé en 1913, paraît alors sur quatre pages. Modifications de la mise en page, introduction de la photographie, création de rubriques spécialisées, destinées aux anciens combattants, aux paysans, aux jeunes, aux syndicalistes, voire rubriques sportives…Telles  sont quelques-unes des transformations  qu’introduit Georges Rougeron pour en élargir le lectorat. Chaque semaine, il doit récupérer l’éditorial auprès de l’un des leaders bourbonnais de la S.F.I.O, quand il n’est pas chargé, lui-même, de le rédiger. Malgré cette diversification, le tirage peine à décoller et les ventes oscillent alors entre 1.450 et 1.650 exemplaires, essentiellement en région montluçonnaise. 

15- Marx Dormoy élu député

• Victime des dissensions internes au sein de la S.F.I.O et des rivalités entre Paul Rives, conseiller général et maire de Bellerive, et Marx Dormoy,  Georges Rougeron  doit toutefois abandonner provisoirement ses fonctions à la tête de l’hebdomadaire en 1936-37. La nouvelle équipe dirigeante, conduite par Paul Rives, souhaitait avoir le contrôle sur le Combat Social. Mais, en 1938, le maire de Montluçon parvient à  reprendre le contrôle de la fédération bourbonnaise. Georges Rougeron retrouve alors la responsabilité du Combat social qu’il assumera jusqu’à l’ultime numéro, celui du 16 juin 1940. Préparé en pleine débâcle, il ne sortira jamais des presses.

17- Marx Dormoy et Isidore Thivrier réélus députés dès le premier tour (2)

• Les tâches  dévolues à Georges Rougeron vont s’avérer de plus en plus lourdes, venant s’ajouter à celle de rédacteur à la mairie de Montluçon. Marx Dormoy (7), après la victoire du Front populaire en avril-mai 1936, s’est vu   confier par Léon Blum  le sous-secrétariat à la présidence du conseil (juin 1936), un intitulé apparemment modeste mais qui correspond en réalité à un poste stratégique. Dormoy occupe alors un bureau voisin de celui de Léon Blum, à l’hôtel de Matignon.  Il est présent  lors de la phase finale  des négociations lors des accords Matignon. Quelques mois plus tard, il accède au ministère de l’Intérieur (1936-1938), après le suicide de Roger Salengro, victime de la campagne de calomnies orchestrée par l’hebdomadaire Gringoire. C’est aussi le moment où il lui faut lutter contre les comploteurs de La Cagoule et ses conspirateurs d’extrême-droite,  qui tentent de déstabiliser la République. Georges Rougeron voit donc ses responsabilités croître au sein de la fédération socialiste. En juin 1938, il est appelé à siéger en tant que suppléant à  la Commission administrative fédérale dont il deviendra membre titulaire  en mai 1939. Il est ainsi amené à participer au congrès national de la S.F.I.O à  Nantes, au printemps 1939, en compagnie du docteur Jean Billaud.

•  À Montluçon, le travail  n’est pas toujours aisée dans l’ombre de Dormoy: directif, volontiers autoritaire, Marx Dormoy peut aussi parfois manifester « une rude franchise  (qui) pouvait même revêtir une forme de brutalité, au moins verbale,  qu’il avait conservée de son passé de jeune militant », note son biographe André Touret.  À plusieurs reprises, tout comme René Ribière, Georges Rougeron aura à essuyer quelques-unes des colères redoutables du « Patron », lorsque le courrier n’est pas traité à temps, ou que les audiences à la mairie de Montluçon, ne se déroulent pas comme prévu. Cela ne l’empêchera pas de  lui conserver une amitié indéfectible. C’est dans cette même période que Georges Rougeron fonde une famille en épousant à Doyet, le 22 juin  1935, une jeune institutrice de vingt ans, Gabrielle Aubailly. Elle  lui donnera un unique fils, Claude-Louis, né en 1936.

• UNE SOIF DE CONNAISSANCES

ET UN ATTRAIT PRONONCÉ POUR L’HISTOIRE

• L’autre passion de Georges Rougeron qui se révèle alors, c’est le goût prononcé pour l’histoire. Elle est le  fruit d’une véritable soif de connaissances qu’une scolarité minimale n’a pas étanchée. Il ressent un attrait prononcé pour Clio, qu’il  a manifesté très tôt et qui l’animera jusque dans les derniers mois de sa vie. Alors qu’il n’était encore qu’un jeune plâtrier-peintre, on pouvait voir sa frêle et juvénile silhouette, arpenter les couloirs des vieilles Archives départementales, rue Michel-de-L’Hospital, au début des années 1930. En 1961, Jean Simon se rappelait encore ce moment où il avait vu « un jeune homme un peu timide, aux manières douces et très courtoises (qui) se présentait aux Archives départementales de l’Allier (..).Ce chercheur, qui n’avait pas vingt ans, manifestait un goût très vif pour l’histoire, spécialement l’histoire locale » (8). Non seulement on ne l’éconduit pas, mais on lui fait rencontrer les grands érudits moulinois que sont alors Max Fazy (1883-1955), Joseph Viple (1880-1947) ou le Docteur Jean Cornillon(1845-1936), qui règnent sur l’histoire locale et fréquentent assidûment les réunions de la très docte et très bourgeoise Société d’Emulation du Bourbonnais. Ce dernier, après lui avoir dédicacé plusieurs de ses ouvrages,  l’encourage même à entamer des recherches et lui confie quelques documents en guise de base de travail.

• « DIX ANNÉES  LABORIEUSES… »

 • Jean Simon ne cache pas que « les dix années qui précédèrent 1940 furent très laborieuses » pour l’apprenti-historien : manque de temps, absence de formation à la méthode historique…L’enthousiasme du départ aurait dû très vite s’émousser. Pourtant, il n’en est rien : pour le jeune secrétaire de Marx Dormoy, on peut être «  à la fois un homme d’action et un écrivain ». D’ailleurs, ajoute Jean Simon, « dans l’esprit de Georges Rougeron, ces activités forment un tout, une façon de vivre et d’agir (…). Il estime que « ses activités d’homme public  doivent être éclairées par la connaissance de l’Histoire, et que l’exercice du mandat départemental postule la connaissance du passé de la collectivité dont il a la charge ». (9).

 • Il reste à déterminer quel champ historique explorer. Joseph Viple, en historiographe avisé du Bourbonnais, s’était déjà posé la question et, au lendemain de la seconde guerre mondiale, il publiera la somme de ses réflexions dans son précieux  Manuel des études bourbonnaises (10). Pour lui, c’est sur la période postérieure à la Révolution française qu’il fallait faire porter les efforts, les lacunes étant immenses : « La composition, le fonctionnement, le travail des divers organismes administratifs fournissent des sujets laissés de côté jusqu’ici ». Les administrations, mais aussi les hommes qui les ont fait fonctionner méritaient qu’on s’y arrêtât car, ajoutait Viple, « il existe peu de renseignements sur les hommes politiques du département ». Bref, il valait peut être mieux mettre en sourdine les querelles sur les origines du Bourbonnais ou sur la trahison du Connétable de Bourbon, pour embrasser l’histoire contemporaine «  de la Révolution à nos jours ». Joseph Viple avançait un début  d’explication à ce relatif désintérêt des historiens : « Il a semblé que (cette époque) étant si proche de nous, il était inutile de l’écrire ». 

• RELIER LES « ANCIENS »

AUX NOUVELLES GÉNÉRATIONS

 • S’aventurer sur ce terrain  s’avère  un exercice doublement périlleux  quand on n’a pas de formation d’historien et qu’on se retrouve soi-même être  acteur de cette histoire proche, qu’elle soit « tiède » ou « chaude », que l’on prétend décrire, sinon expliquer. Cela ne l’empêchera  pas de publier dès 1933, à seulement 22 ans, un premier ouvrage intitulé  Aperçu historique sur le mouvement socialiste dans l’Allier. Cette synthèse de 48 pages  est éditée à Nevers, par les éditions de  la Tribune du Centre. Pour la préface, il a  fait appel à Paul Faure, un des principaux responsables de la S.F.I.O… Ce qui ne manquera pas de susciter quelques commentaires désobligeants, sources de polémiques,  après guerre, compte tenu des positions prises par Paul Faure sous l’occupation. C’est ce qui conduira Georges Rougeron à publier en 1946, aux toutes jeunes éditions du Beffroi (Moulins) une nouvelle version actualisée,  sous le titre Le mouvement socialiste en Bourbonnais (1875-1944). Cette fois-ci, la  préface est rédigée par Henri Ribière, authentique résistant, proche de Léon Blum avant guerre. 

• Trop absorbé par ses fonctions, entre le secrétariat de Dormoy et la responsabilité du Combat Social, puis par son activité dans la Résistance, Georges Rougeron n’aura pas le temps de publier d’autres ouvrages avant la guerre, mais il n’en reste pas moins qu’il s’est rôdé à la fréquentation des archives et qu’il a déjà accumulé bien des notes qui fourniront la matière brute de ses premiers écrits. Tout comme il a délimité son futur périmètre de recherches : l’histoire politique du département de l’Allier, de ses institutions et  de ses acteurs, d’abord dans les  150 années écoulées. Il sait que le sujet est pointu, qu’il n’est « ni porteur, ni vendeur », qu’il ne générera pas de gros tirages et qu’il n’atteindra jamais la grand public. Mais qu’importe, il lui paraît capital de s’y atteler car  « Le travail accompli a bien pour objet de relier les Anciens aux nouvelles générations, de faire œuvre de pédagogie, afin de permettre, en un mot, la construction d’un avenir meilleur, à partir d’un héritage de luttes et de conquêtes » (11).

Ce raisonnement, on en retrouve des échos dans le n°3 (juillet 1934) du Bourbonnais Littéraire, l’éphémère revue publiée par l’audacieux  Marcel Contier (1913-1996). Georges Rougeron lui a confié un de ses tout premiers articles intitulé “Pourquoi il faut aimer notre histoire ?” C’est un  véritable plaidoyer en faveur de l’historiographie locale et régionale. Il constitue le « manifeste » de ses travaux futurs : « Dans tous les domaines, Lettres, Arts, Sciences, écrit-il, le Bourbonnais a un trésor passé d’une admirable richesse et il a laissé des noms dignes de figurer aux côtés de ceux qu’a consacrés notre histoire nationale. N’est-ce pas à nous, leurs héritiers les plus directs, de rendre le légitime hommage qu’a mérité la tâche qu’ils ont remplie, et de répandre l’exemple qu’ils ont donné ? ». Dans les quelques numéros du Bourbonnais Littéraire qui paraîtront, le nom de Georges Rougeron figure au comité de rédaction, au milieu d’une pléiade de jeunes talents. Ils s’appellent Philippe Valette, Hubert Pajot, Georges-Julien ou Edmond Genest et ils côtoient  des auteurs déjà reconnus, tels qu’Émile Guillaumin, Marie Didier, Henri Buriot-Darsiles ou Valery Larbaud, en personne…

NOTES ET RÉFÉRENCES DE LA PREMIÈRE PARTIE (1 à11)

1– Chronique des Rougeron, éd. Le Courrier de la Montagne Bourbonnaise, 1978. Georges Rougeron était ainsi remonté jusqu’à la XIè génération, avec un Jehan Rogiron puis un Philippe Rogironz et, enfin, un Annot Rougeron, vivant sous les règnes de Louis XIII et de Louis XIV.

2-Chronique des Rougeron …

3- Chronique des Rougeron …

4- Chronique des Rougeron …

5- Dans les différentes éditions du Who’s Who, la biographie de Georges Rougeron s’ouvrait invariablement par la formule « Peintre en bâtiment, sénateur » et dans l’évocation de sa carrière, il n’omettait jamais de mentionner « peintre en bâtiment (1924-1934) »

6- Article d’hommage à Marcel Genermont publié dans le n° spécial in-mémoriam des Cahiers bourbonnais  (1983).

7 – Sur la vie et la carrière de Marx Dormoy, voir la biographie d’André Touret (éd. Créer, 1998), ainsi que les trois articles qui lui sont consacrés sur ce site.

8- Jean Simon, L’œuvre historique de Georges Rougeron (Cahiers bourbonnais, 3è trimestre 1961).

9- Jean Simon, L’œuvre historique de Georges Rougeron...

10- Joseph Viple (1880-1947), Manuel des études bourbonnaises (Valence, 1945). Joseph Viple était  le fondateur de la Société bourbonnaise des études locales et de son bulletin, Notre Bourbonnais, devenu Études Bourbonnaises, dans lequel Georges Rougeron a publié de nombreuses études (voir bibliographie).

11- Extrait du discours prononcé par Pascal Saint-Amans, au nom du Parti socialiste, le jour des obsèques de Georges Rougeron, le 14 août 2003, à Commentry.

II – LA GUERRE 

DE L’OMBRE DE MARX  DORMOY

JUSQU’À LA CLANDESTINITÉ

 ET  LA RÉSISTANCE (1940-1944)

Lorsque la guerre éclate, en septembre 1939, Georges Rougeron est toujours  secrétaire administratif de la S.F.I.O. et travaille comme rédacteur et adjoint au secrétariat général de la mairie de Montluçon. Il échappe à la mobilisation pour raison de santé.  René Ribière, autre proche de Dormoy, a été mobilisé et il fait partie de ces centaines de milliers de soldats qui se retrouveront prisonniers, après la débâcle de mai-juin 1940. À Montluçon, la tâche n’est pas des plus faciles.

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• Outre le flot des réfugiés qui fuient vers le sud, la ville a subi un important bombardement de la Luftwaffe, le 19 juin 1940 : « En plus d’innombrables réfugiés en plein désarroi, ma tâche, écrira Georges Rougeron, était d’accueillir (au nom de  Marx Dormoy), lorsqu’il s’absentait (…), en attendant de les lui présenter les hommes politiques de marque qu’amenait en pays bourbonnais l’exode devant le péril nazi » (12). Parmi ces proscrits qui figurent sur les listes allemandes de personnalités à arrêter en priorité,  il reçoit dans le bureau de Marx Dormoy l’Allemand Julius Breitscheidt, leader de l’ex-parti Social-démocrate, qui mourra en camp de concentration, Denis Hénon, député socialiste belge, adversaire  convaincu de la politique francophobe du roi Léopold III, ou Théodore Dan, révolutionnaire russe, qui fut le premier président du Soviet de Pétrograd.

• FAIRE FRONT DANS “LA DÉBÂCLE

• Au plus fort de la débâcle, début juin 1940, tandis que l’offensive allemande  est sur le point de réussir, Léon Blum se décide à expédier à Montluçon sa belle-fille et sa petite fille, qui avaient été confiées à sa garde, depuis le départ aux armées de son fils, Robert Blum. Il sait pouvoir compter sur Marx Dormoy. Quelques jours plus tard, le 9 juin, alors que la capitale va être déclarée ville ouverte et investie par la Wehrmacht, Léon Blum, lui-même prend la route de Montluçon. Georges Rougeron est chargé d’assurer sur place l’intendance et, finalement, l’architecte municipal Gilbert  Talbourdeau met à sa disposition une petite maison. Le 16 juin, l’ultime numéro du Combat social est prêt à être imprimé et Georges Rougeron en a rédigé l’article de tête, sous le titre « L’assaut des fascismes contre la démocratie et la classe ouvrière : c’est la lutte finale ». Dans un texte au ton prémonitoire, il écrit : « Si demain nous devions être battus, la France ne serait plus qu’un pays d’esclaves où un peuple martyr trimerait sous la schlague hitlérienne et sous la matraque fasciste. Le poteau d’exécution, le camp de concentration viendraient décimer l’élite du mouvement ouvrier et les travailleurs n’auraient plus qu’à courber l’échine sans aucun espoir de salut » (13).

• Le séjour montluçonnais du leader de la S.F.I.O. ne sera que de courte durée. Dès le 11 juin, à contre-courant des flots de l’exode, il remonte sur Paris en compagnie de Marx Dormoy. C’est un Paris « virtuellement abandonné » que les deux hommes découvrent, avec pour seuls interlocuteurs l’ambassadeur des Etats-Unis, William Bulitt, le préfet de police, Langeron, et le gouverneur militaire, le général Héring. Quant au Palais Bourbon, il offre le spectacle d’un navire à l’abandon. Léon Blum, rejoint par un de ses frères, décide de rentrer à Montluçon où il arrive, le 14 juin, flanqué de Marx Dormoy. Dès le lendemain, toujours accompagné du sénateur-maire de Montluçon, il se rend à Bordeaux, où le gouvernement s’est réfugié et où partisans et adversaires de la poursuite des combats s’opposent. Dormoy finira par rentrer à Montluçon.

 • Avec la signature de l’Armistice, le 22 juin 1940 et le partage de la France en deux zones, la défaite est consommée. Dans ses souvenirs, Georges Rougeron affirmera avoir entendu, le 18 juin, avec Dormoy, « grâce au poste de radio qui, depuis le début de la guerre, se trouvait dans le cabinet du maire de Montluçon, l’appel lancé de Londres, par le général de Gaulle. Et, ajoutera-t-il,  cette voix au timbre et aux intonations étranges d’une prophétie passionnée nous avait profondément remués » (14). Dès le 21 juin, les troupes allemandes ont investi Montluçon où Dormoy, après avoir « pris des mesures de protection et de sécurité intéressant la ville », a appelé  la population, par voie d’affiche à «  conserver son sang froid » et à « subir avec courage, c’est à dire en Français, cette dure épreuve ».

• Il reste à régler la question du pouvoir et de l’avenir de la République. Après que Dormoy eut retrouvé Léon Blum à Clermont-Ferrand, les deux hommes arrivent à Vichy, le 4 juillet, « dans un climat de haine et de suspicion, à l’égard de ceux que l’on considérait comme les responsables de la défaite, les hommes du front populaire étant les premier visés » (15). Une haine qui vise particulièrement le maire de Montluçon. Plutôt que de rester à Vichy, Dormoy propose à Léon Blum de s’installer à Commentry : le maire, Isidore Thivrier, est prêt à l’accueillir dans sa propriété du château de Montassiégé où Blum  arrive au soir du 4 juillet. En l’absence de René Ribière, dont on est alors sans nouvelles, c’est Georges Rougeron qui est chargé de régler toutes les questions matérielles.

• JUILLET 1940 :

« UN VIDE TRANSPIRANT LA LÂCHETÉ »

          Pendant six jours, Dormoy, Blum et Thivrier vont se  rendre quotidiennement à Vichy, où le sort de la République est en train de se jouer. Dans une atmosphère d’abandon, les trois hommes assistent à de nombreuses défections, y compris dans leur propre camp et Georges Rougeron, qui a accompagné Dormoy à Vichy, parlera d’un «  vide transpirant la lâcheté (qui) se faisait navrant ». Le 10 juillet, après le vote des pleins pouvoirs au maréchal Pétain, il est le témoin de ce qu’il appellera « le spectacle de la haine déchaînée » : « Jacques Doriot, prenant sa revanche, excitait de la voix et du geste  ses troupes P.P.F. (16) criant à Dormoy : « J’aurai ta peau ! ». Il cite le cas de l’avocat  et député Jean-Louis Tixier-Vignancour, futur candidat à l’élection présidentielle de 1965,  « paraissant en crise d’hystérie (qui) s’agitait frénétiquement, montrant du doigt les anciens ministres socialistes : « Les responsables au poteau ! » tandis que fusaient huées et injures accompagnées de poings menaçants» (17).

30- LE MATIN 11 juillet 1940

         Cette haine déchaînée, Georges Rougeron peut encore en prendre la mesure à travers le courrier que continuait à recevoir Léon Blum à la questure de la chambre des députés. Marx Dormoy l’avait chargé de le recueillir et d’en effectuer le tri car il   estimait «  ne pas devoir faire suivre ce qui aurait pu affecter le Président ». Rares sont les missives qui proposent une aide, un hébergement, au plus fort de la tourmente. En revanche, «  que de lettres lamentables de pauvres gens trompés par une propagande indigne ! Que d’épîtres ignobles, de menaces abominables « au juif Karfunkelstein, dit Léon Blum !» . Devant ce déferlement, Georges Rougeron propose à Léon Blum de le mettre « au vert ». Montluçon paraissant peu sûr, il lui offre  de le conduire à Saint-Genest, où il résidait alors : « Mon voisin et ami, l’abbé Planchais, sur la question que je luis posais très spontanément, s’était déclaré prêt à accueillir dans son presbytère celui sur qui s’appesantissait l’adversité (18). ». Finalement, Blum rejoindra Toulouse, ville jugée plus sûre, quelques semaines avant d’être arrêté et  déféré devant le Tribunal de Riom.

• L’HEURE DES RÈGLEMENTS DE COMPTE

 • À Montluçon, l’heure est aux règlements de compte mais Marx Dormoy entend bien rester à son poste et assumer toutes ses responsabilités : « Ce 14 juillet 1940 fut le plus triste que j’ai connu, écrira Georges Rougeron. La célébration habituelle de la fête nationale était remplacée par une journée de deuil national. À Montluçon, les autorités civiles et militaires se rendirent au monument aux morts de 14-18. Marx Dormoy, Sénateur-maire, le sous-préfet Porte, faisant fonction de préfet pour la zone non-occupée (…). Cette matinée lugubre devait en quelque sorte constituer l’une des dernières rencontres entre des hommes qui, déjà, s’engageaient dans des voies différentes ». Avec le préfet Lucien Porte, qui ne ménage pas ses attaques contre le Front Populaire qu’il  rend responsable de la défaite, les relations sont tendues. Il va jusqu’à menacer de faire arrêter Dormoy. Selon l’expression d’André Touret, Lucien Porte deviendra « un défenseur zélé de la Révolution nationale » et « un préfet de choc du Régime de Vichy ».

img062•  La presse locale, via les éditoriaux du journal Le Centre, relaie ces attaques et appelle à « d’abord éliminer les principaux responsables de la catastrophe et, au premier rang, le Parlement ». (19). Le plus désolant, selon Georges Rougeron, c’est que Marx Dormoy ne trouve guère d’appui, que ce soit dans les rangs de son propre parti ou au sein du Conseil général, dont il a vainement demandé la convocation. Six jours après la destitution du conseil municipal de Montluçon, Dormoy se retrouvera « interné administrativement » à Pellevoisin le 26 septembre 1940 : « Il put commencer l’expérience humaine du décompte des fidélités et des reniements parmi ce qui avait été, le temps du pouvoir, « l’entourage » et « la clientèle ». (20). Après Pellevoisin, ce sera Vals-les-Bains et Montélimar, où il sera assassiné, le 26 juillet 1941.

 • Dans cet entourage qui se délite, Georges Rougeron a opté, sans hésitation aucune, pour  le camp de la fidélité. Le 21 août, il a encore tenté de s’acquitter d’une mission délicate : assurer le retour à Paris, via Moulins et la ligne de démarcation, de Mme de Porto-Riche. D’origine israélite et  veuve de l’académicien, elle avait trouvé refuge, au plus fort de l’exode, à l’hôtel de l’Univers à Montluçon et elle souhaitait retrouver son appartement parisien. La méconnaissance de règles de franchissement de la Ligne de démarcation et des papiers nécessaires pour entrer dans Moulins, vaudront à Georges Rougeron  de se retrouver en état d’arrestation et d’être incarcéré pendant trois jours. Une occasion pour lui de «  humer » l’air de la zone occupée et de prendre encore plus conscience du sens du mot Occupation. De retour à Montluçon, après la destitution et l’arrestation de Dormoy, Georges Rougeron peut dresser un constat accablant de la situation politique en général et de celle de la S.F.I.O en particulier.

• Plusieurs dirigeants, Paul Faure le secrétaire général en tête, ont choisi de regagner Paris : « Le parti en quelque sorte livré. Son représentant le plus autorisé dans le département emprisonné. Ses militants dispersés, les uns prisonniers, les autres on ne savait pas en quels sentiments. C’était là une grande tristesse (…). En cet automne 1940, le Parti était bien au plus mal ».

• Par fidélité au « Patron », il opte pour la poursuite du combat et l’entrée dans la clandestinité. Révoqué de son poste de rédacteur  à la mairie de Montluçon, le 23 novembre 1940, deux mois après la destitution de la municipalité  Dormoy, suivie de l’internement de ce dernier et de l’installation d’une  délégation spéciale adoubée par le préfet Porte, Georges Rougeron doit  renouer provisoirement  avec son métier premier de plâtrier-peintre.

• RECONSTITUER UNE FÉDÉRATION

SOCIALISTE CLANDESTINE

Le renfort nécessaire, Georges Rougeron le trouve d’abord en la personne de René Ribière, qui a réussi à s’évader, dès le mois de juin 1940, à Belfort, lors de son transfert vers les stalags d’outre-Rhin: « Par notre formation familiale, par notre passage aux Jeunesse socialistes, nous étions vraiment l’un et l’autre « du Parti ». Nos réactions étaient les mêmes aux mêmes événements. Nous tombâmes sans aucune difficulté pleinement d’accord. Il fallait faire revivre le Parti en Allier (21)». Avec quelques employés de la mairie de Montluçon, où René Ribière a pu reprendre provisoirement  son poste de secrétaire-général adjoint, un premier noyau de fidèles s’est reconstitué. Il reste à renouer les fils, d’abord avec les anciens responsables et militants du Parti, dont il faut jauger l’esprit de résistance,  et ensuite gagner de nouveaux soutiens.

  • Parmi les différents secrétaires de section et responsables fédéraux de la S.F.I.O., Georges Rougeron en choisit une trentaine. À la fin de décembre 1940, chacun d’eux va recevoir sous enveloppe un petit carton,  sur lequel on  a inscrit de manière sibylline : « Le Parti continue. Vous pouvez compter sur nous, comme nous comptons sur vous ». Rien de plus…Pour tromper la censure  et le contrôle postal, on a choisi délibérément la période d’envoi des cartes de vœux. Si certains destinataires ne comprennent pas, d’autres ayant trop bien compris se gardent de répondre, par crainte ou par lâcheté. Heureusement d’anciens responsables du parti se mobilisent. De la région de Vichy, arrive la réponse de Francisque Drifford, secrétaire de l’Union des sections socialistes de l’arrondissement. Avec Louis-Aimé Rougeron, père de Georges, il va être un des premiers à s’investir dans la lutte clandestine.

 • Au premier trimestre 1941, René Ribière et Georges Rougeron  multiplient les déplacements, au contact de leurs correspondants : « Nous pouvions être contents, écrit ce dernier, le parti renaîtrait en pays Bourbonnais. René Ribière en porta la nouvelle à Marx Dormoy dans sa nouvelle résidence surveillée de Montélimar ». Un optimisme qu’il tempère toutefois en notant l’inexpérience de la clandestinité dont souffre  la S.F.I.O., au point de lui faire parler « d’amateurisme ». Le « mouvement » reconstitué prend le nom de « Front de la liberté », une appellation qui a l’avantage de masquer les véritables initiateurs issus de la S.F.I.O., tout en exposant clairement l’objectif poursuivi. Dans son recrutement, le Front s’élargit au delà du cercle des fidèles du parti. Ainsi, Pierre Kaan, professeur de philosophie au lycée de Montluçon, victime des lois antisémites de l’Etat français, les rejoint. René Ribière, quant à lui, parvient à nouer des contacts  avec les membres d mouvement  Libération, à Clermont-Ferrand.

40 - Arrivée à l'hôtel de ville• Faute de moyens matériels, les premières actions restent limitées, mais elles permettent d’informer la population de l’existence d’un courant de résistance. Au printemps 1941, on voit apparaître sur les murs de Montluçon des papillons, confectionnés à la main : « Collaborer c’est trahir » ou « Quand Darlan trahit, la France pâtit ». Tantôt élaborés chez René Ribière, tantôt dans les locaux de l’école Viviani, où enseigne l’épouse de Pierre Kaan, ils mettent la police sur les dents. La veille de la venue du maréchal Pétain à Montluçon puis à Commentry, pour célébrer  la Charte du travail, à l’occasion du 1er mai 1941, ils frappent un nouveau coup. Georges Rougeron et René Ribière, avec le soutien de Roger Marien, le fils du propriétaire du café Le Glacier, un fidèle de Marx Dormoy, passent à l’action. Ils  vont peindre nuitamment des inscriptions hostiles, en lettres géantes, sur le mur d’un château d’eau situé route de Moulins, là où doit justement passer le convoi officiel.  Entre un « À bas les traîtres ! » et un « Vive de Gaulle ! », le message est clair  et, « quand arriva la caravane, l’inscription demeurait sans avoir été effacée ». Ultime pied de nez, c’est la même équipe qui se rend au cimetière de l’Ouest pour y fleurir la tombe de Jean Dormoy, au moment même où les officiels étaient en train de célébrer la venue du maréchal, à Montluçon et à Commentry. 

• GEORGES ROUGERON

ALIAS DAUPHIN

• Au fil des mois, le premier carré s’est étoffé : « Durant le cours de 1941, 1942 et 1943, se rappelait Georges Rougeron (22), notre action avait accompli de sensibles progrès. Nous n’étions plus isolés, livrés à notre seule initiative et à nos seuls moyens, comme au début (…). Grâce aux liaisons établies avec Clermont-Ferrand, René Ribière coopérait aux responsabilités de Libération dont le premier numéro de l’organe clandestin est de juillet 1941. Je le secondais de mon mieux, dans les tâches qui en découlaient : essentiellement alors propagande – diffusion ». Grâce à des agents de liaison plus nombreux, des contacts solides et réguliers se nouent avec Limoges, Clermont, voire Lyon et, bien sûr, l’ensemble de l’Allier. Un premier journal clandestin peut même être tiré en août 1941, sous le titre Allen…Un intitulé bien vite remplacé par Espérance, plus explicite pour ceux qui ne sont pas férus de l’histoire des Bourbons.

 • Le 15 mai 1942, c’est sur des duplicateurs qu’est tiré un bulletin, portant le titre Le Populaire, « pauvre d’aspect, mais combien riche de réconfort ». En utilisant les lignes des cars T.P.N.,  Georges Rougeron, qui a adopté le pseudonyme de Dauphin, assure la livraison des premiers exemplaires dans la région de Vichy où son contact est Gilbert Charnay. Celui-ci,  lors d’un de ses passages, lui  montrera fièrement le drapeau rouge de la section socialiste d’avant guerre, qu’il  avait conservé. L’assassinat de Marx Dormoy, déchiqueté par une bombe le 26 juillet 1941, à Montélimar, ne fait que renforcer sa volonté de résister: “Georges Rougeron se sent chargé de responsabilité morale à l’égard de son patron et entre en contact avec le Comité d’action socialiste présidé par Daniel Mayer”, écrit André Touret. 

• Tandis que l’activité clandestine se développe, la Police de l’Etat français renforce ses moyens : « Contrôle postal du courrier, écoutes téléphoniques, bavardages imprudents, déductions sur indices de probabilité, agents doubles, aveux de clandestins capturés » (23), le risque d’être démasqué est grand. À Vichy, au terme de plusieurs mois de surveillance, les soupçons ont fini par se porter sur l’entourage de Marx Dormoy. Le 1er octobre 1942, une grande opération policière est déclenchée. Georges Rougeron travaille alors à la mairie de Commentry, où avec l’appui d’Isidore Thivrier (24), il a pu retrouver un emploi administratif, six mois plus tôt. Deux lettres qu’il avait adressées à Isidore Thivrier, dont une pour  solliciter cet emploi, seront publiées après guerre, par le journal communiste Valmy.  Elles alimenteront la polémique entre Communistes et Socialistes, qui s’entre-déchiraient en 1947, pour le contrôle de la mairie de Commentry.

• « INTERNÉ ADMINISTRATIF »

À SAINT-PAUL-D’EYJEAUX

• Cueilli, le 1er  octobre 1942  par deux inspecteurs des Renseignements Généraux, Georges Rougeron est emmené au commissariat de police. Sa chambre à Commentry, ainsi que son domicile, à Doyet, sont dûment perquisitionnés. De là, il est conduit à Montluçon, au commissariat des R.G., puis au commissariat central, bientôt rejoint par Eugène Chicoix, fils d’un vieux compagnon de Dormoy. Quelques heures plus tard, on l’embarque dans le train de Limoges. Direction : le camp d’internement de Nexon, en Haute-Vienne. Un lieu qui  a déjà vu passer, quelques mois plus tôt, des prisonniers politiques communistes de la région montluçonnaise, raflés en octobre 1940. De là, certains ont été déportés en Algérie. En évoquant « le spectacle » de Nexon, Georges Rougeron se souvenait d’un « entassement de baraques, sur une colline, violemment éclairées de multiples projecteurs, avec une haute enceinte de bois et des barbelés ». Mais Nexon affiche complet et c’est sur Saint-Paul-d’Eyjeaux (25), autre village limousin, que les proscrits sont alors dirigés : « Entouré de trois rangées de barbelés, au delà desquels (se trouvaient) le chemin de ronde et une demi-douzaine de miradors, le camp intérieur comprenait 17 baraques destinées au logement des internés et 21 autres affectées aux services ».

Le camp de Saint-Paul d’Eyjeaux

• Là, il découvre « des hommes, et puis d’autres encore, vêtus d’habillements se rapprochant nettement de la condition du clochard ou du chemineau, (avec) de gros sabots en bois aux pieds…Dès le lendemain, nous serions semblables ». Une majorité de ces « indésirables Français », requalifiés de « surveillés » est issue de la mouvance communiste. Georges Rougeron côtoie ainsi le secrétaire de l’U.D. de la C.G.T. de l’Allier, Georges Chabridon, le militant syndicaliste paysan de la Confédération générale des paysans travailleurs (C.G.P.T), Louis Dumont, ou encore le Montluçonnais Louis Bavay, qui mourra en déportation. Un ex-sénateur, un ex-député, un vieux savant et quelques autres forment le reste de l’entourage.

•  Les conditions de détention s’avèrent éprouvantes, plus particulièrement pendant le « rude hiver limousin » de 1942-43, dans ces baraques où sont alignés trente châlits, qui voient défiler des dizaines de détenus, au gré des arrestations, des libérations et des départs vers d’autres lieux d’internement. En évoquant les origines des détenus, Georges Rougeron écrira : « D’abord presque exclusivement communistes, les effectifs s’accrurent de gaullistes, de socialistes et nous pûmes constituer une section clandestine du Parti, dont j’assumai la responsabilité » (26). À l’intérieur des baraquements, les différentes « familles » d’internés politiques nouent des contacts. Entre la préparation d’un plan d’évasion, face à la  crainte de l’arrivée des Allemands en Novembre 1942, et le départ des requis du travail pour l’organisation Todt, qui pousse les détenus à entonner La Marseillaise, les journées sont longues et propices au dialogue : la politique, la religion, l’économie, la France d’après guerre, tout est motif à discussions. Une « Université du camp » a même été créée et propose des « conférences ». Georges Rougeron se souvenait y avoir évoqué le « Bourbonnais (son) beau pays » et « la Révolution Française ». En novembre 1943, sa santé s’étant dégradée et aucune charge précise n’ayant pu être retenue contre lui, Georges Rougeron est libéré pour raison médicale. Il  se retrouve toutefois assigné à résidence et doit se présenter chaque mois à la gendarmerie de Doyet.  La police de l’Etat Français entend bien  garder un œil sur ses agissements.

• L’INDISPENSABLE COORDINATION

DES MOUVEMENTS DE RÉSISTANCE 

• Tout en redoublant de prudence, il reprend rapidement ses activités clandestines. Le débarquement en Afrique du nord, les défaites de l’Axe devant Stalingrad, puis dans le Pacifique,  les difficultés et l’effondrement  de l’Italie fasciste, tout concourt à estimer, fin 1943, que l’Allemagne nazie et ses alliés sont en train de perdre la guerre. Pas question donc de relâcher l’effort en dépit des risques encourus. Dans les rangs de la S.F.I.O., des contacts étroits ont pu être établis entre les hauts responsables de la résistance socialiste et le mouvement Libération: Edouard Froment, ex-député de l’Ardèche, représentant de Daniel Mayer qui dirige le Comité d’action socialiste en zone sud est passé par Montluçon. De même, dans les premières semaines de 1944, un jeune avocat marseillais, Gaston Defferre, a tenu une réunion clandestine, dans l’arrière salle d’un café montluçonnais, route de Moulins. Les correspondants, dans tout le département, se sont multipliés, que ce soit  dans les arrondissements de Gannat et de Vichy, ou dans ceux de Moulins et de Montluçon.

 • Au passage, les socialistes ont appris, peu à peu,  à s’organiser dans la lutte clandestine : « Des correspondants cantonaux recevaient les consignes et le matériel de propagande qu’ils répercutaient ensuite parmi les communes aux correspondants locaux » (27). Quant à la ligne de conduite elle est clairement précisée : « La lutte contre le fascisme de l’extérieur et de l’intérieur est une des formes de la défense révolutionnaire en même temps que la défense nationale que nous n’avions jamais séparées ». En février 1944, le parti socialiste peut faire paraître à l’échelle de l’Auvergne un journal clandestin imprimé, La République,  relayé ensuite dans l’Allier, dès juin 1944, par le Réveil socialiste de l’Allier. Des tracts continuent à être ronéotypés et s’adressent tantôt « Aux jeunes de la classe 44 », tantôt « Aux ouvriers de Montluçon », quand ils ne sont pas dédiés « A la mémoire de Marx Dormoy ». La Confédération Nationale Paysanne, organisation d’obédience socialiste, fondée avant guerre et  interdite en 1940, continue son action dans la clandestinité,  via Le Combat Paysan, autre publication dans la mouvance de la S.F.I.O. Derrière ces articles d’appel à la lutte ou de fidélité à l’idéal socialiste, voir d’hommage à la  mémoire de Marx Dormoy et d’autres grandes figures historiques,  on trouve souvent la plume de Georges Rougeron, qui peut mettre en œuvre le savoir-faire qu’il a  acquis au Combat Social d’avant guerre.

• En janvier 1944, la tâche primordiale devient la coordination et l’unité des mouvements de résistance à l’échelle départementale. Une première réunion a eu lieu à Saint-Pourçain-sur-Sioule, le 20 janvier. René Ribière, alors dans la clandestinité, depuis son évasion de Saint-Paul-d’Eyjeaux en décembre 1942, et Georges Rougeron y ont  participé, tout comme l’avocat et futur maire de Moulins, Maurice Tinland (1915-1963), représentant le Mouvement Ouvrier français,  ou Joseph Nebout (1888-1963), chef départemental de Combat puis  des Mouvements Unis de la Résistance. Dans la salle d’un petit café, au vu et au su de tout le monde, ils discutent avec des délégués de Libération, de Combat ou de Franc-Tireur, issus des deux zones : « C’était d’une inconcevable mais pourtant réelle imprudence, écrira Georges Rougeron. Une douzaine de personnages, réunis dans un lieu public, avec des airs de conspirateurs faussement désinvoltes, sans service de guet, ni de protection et le voisinage pouvant, en tendant un tant soit peu l’oreille, saisir des bribes de conversation (…). La Police française, la Milice ou la Gestapo auraient pu, sans la moindre difficulté, prendre dans le piège où il s’était lui même fourvoyé, tout l’appareil clandestin départemental » (28). Cette chance, pour certains des participants, ne se renouvellera pas : dans les jours qui suivent, plusieurs d’entre eux, dont Maurice  Tinland, vont être arrêtés par la Gestapo. Ce dernier  sera incarcéré à la Malcoiffée. Quant à Joseph Nebout, chef des M.U.R., il sera contraint de disparaître pour échapper aux recherches allemandes. La réunion suivante, prévue pour le 4 février devra même  être annulée.

 • Ce n’est que trois mois plus tard, le 17 avril 1944, qu’une seconde réunion peut enfin  se tenir, dans un lieu beaucoup plus discret : les allées du  bois de Montassiégé, à Commentry. Celui-ci  jouxte la propriété d’Isidore Thivrier, qui a été arrêté en octobre 1943 et déporté au camp de concentration du Struthof. René Ribière, devenu chef départemental des M.U.R., « solide, discret, ponctuel, en tout point digne de confiance, se trouvait être  assurément le plus qualifié pour une telle mission ». Comme Georges Rougeron, il avait été suspendu de ses fonctions de secrétaire général adjoint de la mairie de Montluçon, en date du 2 octobre 1942, par arrêté du maire. Son frère, Henri Ribière (1897-1956), siégeait au Conseil National de la Résistance, que présidait désormais le Moulinois Georges Bidault, qui avait succédé à Jean Moulin.

 • Outre les représentants de la fédération socialiste de l’Allier, des M.U.R., de Combat, de Franc Tireur et de Libération Sud, ont été conviés des représentants de la C.G.T. clandestine, du Front National et du Parti Communiste. Cette fois-ci, l’ordre du jour est encore plus précis et l’on se réfère aux ordres venus d’Alger :  constituer un Comité Départemental de Libération, regroupant toutes les tendances, tous les mouvements, partis et forces politiques de la Résistance. À cet objectif qui peut relever de la gageure, s’en ajoute un second : définir les missions de ce Comité entre la préparation et l’organisation de l’insurrection, la libération et l’administration provisoire des villes et du département. Autre problème : tenter de concilier  les objectifs des partis politiques, socialiste et communiste en tête, avec les tendances, les courants et les personnalités les plus diverses de cette même résistance : « Dès l’abord, reconnaîtra Georges Rougeron, les choses allaient se révéler difficiles, car en filigrane se posait un problème politique : celui des partis (…) Il ne s’agissait pas seulement de libérer le pays, mais aussi de savoir de quelle manière, avec qui et pour quoi faire ? » (29).

• RÉALISER L’UNITÉ DE LA RÉSISTANCE

BOURBONNAISE : UNE GAGEURE ?

Dans les discussions, Georges Rougeron et René Ribière se heurtent au porte-parole du Front National, Romacciotti, par ailleurs membre du Parti communiste, « qui tranchait de toutes les questions sur le ton péremptoire du chargé de mission communiquant des ordres dont il assumait l’exécution ». Selon Georges Rougeron, leur simple observation aurait conduit à écarter le Parti Socialiste du C.D.L. et à donner au Parti communiste, par ses différents groupes et mouvements, plus que la majorité au C.D.L. Pour contester la représentativité du Parti socialiste, le représentant du Front national mettait en avant le fait qu’il n’était pas organisé dans l’Allier et, plus généralement,  à l’échelle de l’Auvergne.

 • Un tel scénario est jugé inacceptable par René Ribière tout comme par Georges Rougeron. C’est ce qui pousse ce dernier à faire valoir que le Parti Socialiste « avait entrepris dès 1940 sa reconstitution dans l’Allier, se rattachant très vite au mouvement Libération Sud, qu’il avait créé sur la région un organe clandestin, « La République », et qu’il avait été à l’origine de manifestations populaires après l’assassinat de Marx Dormoy (…), aux anniversaires de celui-ci et à l’occasion du départ du train de la relève, le 6 janvier 1943 », rappelle l’historien Yves Guillauma (30). Ce que Georges Rougeron traduira en ces termes, dans ses Mémoires d’autres temps : « Je n’avais pas, durant trois ans et demi, travaillé à reconstituer le Parti pour souscrire à son élimination, ce jour-là. Je fis savoir calmement, mais fermement que le parti socialiste devait entrer au « noyau actif » du C.D.L. (…). Les M.U.R. approuvèrent cette position ensuite de quoi, constatant qu’on ne pouvait parvenir à un accord, il ne restait plus qu’à se séparer ».

•  On retrouvera cette même opposition du Parti Communiste à l’égard du parti Socialiste, lors de la réunion du Comité Régional de libération de la zone sud, le 4 mai suivant, malgré les tentatives d’Henry Ingrand pour amener les représentants communistes à plus de modération. Le 4 juin, près du stade de Commentry, une autre réunion débouchera, pour les mêmes raisons, sur un nouvel échec. Le département de l’Allier semblait donc devoir s’acheminer vers un double C.D.L., l’un socialiste, l’autre communiste. C.G.T., Front National, Parti Communiste, F.U.J.P. (Front uni de la jeunesse patriotique) et U.F.F.(Union des femmes françaises), annoncèrent même sa création par le  Manifeste, organisation et discipline. C’est ce qui entraîna une riposte quasi-immédiate  des M.U.R., du Parti Socialiste, de la Confédération nationale paysanne, de la tendance confédérée de la C.G.T. et de la Résistance chrétienne Dans un contre-manifeste intitulé  Aux Résistants bourbonnais, était annoncée la création d’un C.D.L. provisoire qui se  déclarait cependant prêt « à fusionner avec l’organisme précédemment créé, sur la base d’un arbitrage du Conseil National de la Résistance » (31). Une telle situation, avec l’inefficacité et les tensions  dont elle était porteuse, ne pouvait qu’être désapprouvée en haut-lieu.

• Avec l’assentiment de  René Ribière, Georges Rougeron décide alors de rédiger un mémorandum, véritable mémoire explicatif et justificatif de la fédération socialiste, qui sollicitait l’arbitrage du C.N.R., afin de mettre un terme au différend. C’est Marius Moret, un de ses cousins, grand mutilé de 14-18, qui se retrouve  chargé de son acheminement. Après de multiples péripéties ferroviaires, il est de retour une semaine plus tard, porteur de la réponse du C.N.R. Elle allait dans le sens des positions défendues par la fédération socialiste : le C.D.L. devrait inclure les socialistes et «  à titre exceptionnel, des groupements résistants, tels que F.U.J.P. – U.F.F., à condition qu’ils aient mené localement une action efficace dans la résistance ». La conclusion, laissons-la à Georges Rougeron : « S’il ne pouvait être question d’accepter que le C.D.L. fût sous la direction du parti Communiste, il n’était pour nous pas davantage question d’y imposer  une direction socialiste. Des directives fraternellement délibérées en commun, ratifiées par l’unanimité de décision, loyalement appliquées par chacun, nous semblait de beaucoup préférable » (32).

 • L’arrivée d’un nouveau représentant du Front national, Pierre Gobert, alias Jean-Claude, facteur-receveur à Chavenon, qui se montre  beaucoup moins intransigeant que son prédécesseur, facilite la reprise des négociations. Finalement, c’est le 10 août 1944,  « sous un pommier, dans une prairie, à la sortie du bourg de Chamblet, route des Ferrières », que l’accord sur la création du Comité Départemental de Libération clandestin  est officiellement scellé. René Ribière, au nom des M.U.R. (Mouvements unis de la résistance) en assumera la présidence et Georges Rougeron est désigné comme secrétaire. On trouve à leurs côtés Raymond Courteau (M.U.R.), Raymond Daumin (Parti communiste),  Marcel Légoutière (C.G.T.) et Pierre Gobert (Front National) (33). À l’exception de ce dernier, qui est né à Langres, en Haute-Marne, et a longtemps travaillé dans l’Indre, tous sont originaires de Montluçon ou de ses environs, ce qui fera qualifier ce C.D.L. de « typiquement montluçonnais », par Henry Ingrand, le Commissaire de la République régional en poste à Clermont-Ferrand.

phot 6 bis - étapes de la libération

 • Dès sa constitution, le C.D.L. annonce qu’il prend en main « l’administration civile du département, en attendant la libération et l’installation du préfet de la République ». Il proclame, par ailleurs, qu’il ne revient qu’à lui « de prendre toutes décisions concernant la vie collective », ce qui le conduit à créer huit commissions spécialisées. Il est également prévu de créer dans les différentes communes bourbonnaises des comité locaux de libération (C.L.L.).On est alors à quelques jours seulement des premiers combats pour la libération de Montluçon.

• LE COMITÉ DÉPARTEMENTAL DE LIBÉRATION 

EN PREMIÈRE LIGNE (1944-1945)

Pendant plusieurs semaines, à partir de l’été 1944, le C.D.L va jouer un rôle de premier plan  dans la libération puis dans l’administration politique et économique du département. Un rôle qui va parfois le conduire à se heurter à l’autorité des Commissaires de la république, mis en place par le Général de Gaulle et le Gouvernement provisoire de la république française. Le dimanche 20 août 1944, depuis l’école de Saint-Victor, où il s’est regroupé avec l’état-major F.F.I. Ouest Allier et la mission alliée, le C.D.L. appelle aux combats pour la libération de Montluçon, qui passe par la prise de la caserne Richemont. Les affrontements vont durer jusqu’au 25 août, faisant plus de trente victimes dans les rangs de la Résistance. Ce sera ensuite au tour de Vichy, le 26 août, et finalement de Moulins, le 6 septembre, de se libérer,  cinq jours avant la fin des hostilités dans l’ensemble de l’Allier (34).

CDL Allier Centre R

•  Pour informer la population, le C.D.L. fait paraître, dès le lundi 21 août, un numéro spécial du Centre républicain, qui doit remplacer le journal Le Centre qui avait maintenu sa publication sous l’occupation.  Les éditoriaux de Jean Joussain du Rieu avaient donné pendant quatre ans une orientation plus que maréchaliste au quotidien.  Sous la forme d’une affiche, avec le bonnet phrygien et les lettres R.F., il comporte à la une un unique texte. il s’agit d’un appel aux « Habitants de l’Allier », rédigé par Georges Rougeron lui-même : «  Dans notre département libéré, le comité départemental prend en main la totalité des pouvoirs en attendant l’installation du préfet de la république (…). Les fonctionnaires et agents des services publics et concédés  demeurent à leur poste et continuent à assurer leur travail. Les commerçants doivent poursuivre normalement le ravitaillement. Tous actes de sédition et de pillage sont formellement interdits et seront sévèrement sanctionnés. Il n’appartient qu’à l’autorité du C.D.L. de prendre toutes décisions concernant la vie collective ». Il en appelle également à la vigilance des habitants et conclut ainsi : « Le Comité départemental compte sur votre bon sens et votre sang froid pour faire de notre Libération Nationale et de notre révolution populaire un grand acte de dignité, en même temps que de courage et de fermeté. Vive la France ! Vive la République. Vive de Gaulle ». Au verso, figure la liste des 24 martyrs de la carrière des Grises, identifiés à cette date, parmi les 42 qui ont été  massacrés le 14 août 1944. Dans les jours qui suivent, le C.D.L. et le journal Le Centre vont tenir la population informée de la marche des événements.

 • Après avoir siégé à l’usine Dunlop, à la mairie de Verneix, à l’hôtel de ville de Commentry puis au château de Saint-Jean, à Montluçon, , le C.D.L. peut s’installer provisoirement, le 26 août, à la sous-préfecture de Montluçon, dans l’attente de la libération de Moulins et de la nomination d’un préfet. Ce sera chose faite le 2 septembre, avec la nomination  de Robert Fleury qui s’installe, d’abord à Vichy, puis à Moulins, débarrassé de l’occupant. Il n’est pas issu du corps préfectoral mais, sous le pseudonyme de Montigny, il a pris une part active aux Mouvements Unis de Résistance, ce qui lui a valu d’être incarcéré pendant six mois à la prison de la Malcoiffée.  C’est le 10 septembre, que le C.D.L. rejoindra Moulins.

• Sur ce que fut l’action du C.D.L., dans les semaines qui suivent la libération,  André Touret écrit que «  à Montluçon et dans la partie libérée du département, le véritable pouvoir appartenait au C.D.L.(…). Largement dominé par les Résistants montluçonnais, il était le reflet de la lutte d’influences que se livraient communistes et socialistes. Se réclamant du programme du C.N.R.,  il entreprit une expérience d’administration qui n’avait pas toujours les faveurs des autorités nommées par le gouvernement provisoire, préfet ou commissaire régional de la république » (35). Ainsi, l’arrêté du 28 août 1944, stipulant que « toute publication autre que celle ayant un caractère strictement commercial ou privé, devra être  avant parution, remise (…) à la sous-préfecture pour contrôle par la Comité départemental » se trouve-t-il abrogé deux jours plus tard  sur instruction du Commissaire de la république. D’aucuns, tels le journaliste Jean Débordes, iront jusqu’à parler d’un véritable « proconsulat exercé par René Ribière et Georges Rougeron », dans le court moment de vacance du pouvoir, à la fin du mois d’août 1944.(36).

CDL BO n°1 Appel

• À l’automne 1944, pour élargir la représentativité géographique, sociologique et politique du C.D.L., on y fera entrer des représentants de la région de Moulins et de la paysannerie bourbonnaise, tels que Louis Dumont (1894-1957), ancien interné politique à Nexon et à Saint-Paul-d’Eyjeaux, et François Mitton, au nom de la nouvelle Confédération générale de l’Agriculture. En décembre, le C.D.L. sera à nouveau élargi, avec notamment l’arrivée  de Pierre Soucachet (1886-1956), représentant de la frange rurale et chrétienne de la Résistance.

• L’INSTALLATION D’UNE  NOUVELLE PRESSE

ET L’ÉPURATION

photo 8 Le Centre Républicain Installation préfet Fleury 9 septembre 1944

•  La constitution d’une nouvelle presse avec Le Centre républicain (Montluçon), Vichy Libre (Vichy),  La patrie de l’Allier (Moulins)  ou Valmy (Moulins) soulève bien plus que de simples problèmes matériels : la ligne politique et éditoriale, la direction sont l’objet de luttes d’influences qui révèlent rapidement les dissensions d’après guerre au sein de la Résistance en général et du C.D.L. en particulier. À Montluçon pourtant, René Ribière et Georges Rougeron souhaiteraient voir perdurer en temps de paix l’unité née dans la clandestinité. Pour Yves Guillauma (37), l’objectif est simple : «  Une fois la libération acquise, une telle unité pouvait avoir valeur d’exemple pour mobiliser toutes les forces vives du département  dans l’effort de reconstruction du pays ». Concrètement, il est prévu que l’orientation du Centre républicain soit confiée conjointement au Front national et au Mouvement de Libération nationale. À tour de rôle, les dirigeants des deux courants pourront développer leurs arguments dans des éditoriaux dont la tonalité va très vite mettre en lumière des dissensions profondes. Lorsque le papier ne manque pas, le journal qui porte en sous-titre la mention « Organe officiel du Comité départemental de libération de l’Allier » et prône « Union et discipline dans la Libération », peut tirer jusqu’à 14.000 exemplaires.

PRESSE 2

•  Avec le temps et les premières élections libres, dès le printemps 1945, cette unité théorique va éclater. Le 10 août 1945, c’en est fini de l’union de façade et, dans son éditorial, Georges Rougeron le reconnaît en écrivant : «  Après  bientôt un an d’existence incertaine et  parfois difficile, « Le Centre républicain » entame aujourd’hui une vie nouvelle (…). Organe du Comité départemental de libération, il était regrettablement devenu, durant ces dernières semaines, un champ clos de polémiques qui, pour affirmer l’unité de la Résistance, donnaient un triste spectacle de véhéments désaccords. C’en est désormais fini de ces errements. Le « Centre républicain » devient le journal de la démocratie bourbonnaise, c’est à dire de tous ceux qui, dans cette région, veulent refaire la France sur des bases solides et indispensables, de profondes réformes dans sa structure économique et sociale, ainsi que dans sa vie publique ».

•  Ce changement se traduit  par l’évolution du sous-titre : « Organe de la démocratie socialiste bourbonnaise », du 10 août  au 17 septembre 1945, il devient « Quotidien populaire d’informations », du 18 septembre au 9 octobre 1945, avant de se muer en « Quotidien républicain d’informations », formule qu’il  conservera sous la direction de René Ribière, jusqu’à son absorption par La Montagne, le 31 décembre 1968. Quant à Valmy, devenu sous la direction de Raymond Grand, Le Patriote – Valmy en juin 1951, il cessera sa publication le 17 août 1952. En gardant une empreinte politique trop  forte, il n’avait sans doute pas su négocier le virage qui s’imposait, vers une formule de quotidien d’informations générales.

• Deux autres initiatives du C.D.L. sont sujettes à discussion : l’épuration et la création, dès les 27 et 28 août 1944, de Comités de gestion et de contrôle dans les entreprises de 100 puis  de plus de 25 salariés. Alors que certains parlent de la mise en place de « Soviets », voire d’une “République de Montluçon”,  Marcel Légoutière, vice-président du C.D.L. au nom de la C.G.T., en défendait le principe en écrivant : « Ce Comité de gestion était responsable devant les comités patriotiques des entreprises et des syndicats. Il rendait compte de l’activité de l’établissement au C.D.L., par l’intermédiaire de la Commission de reconstitution économique. Le but à atteindre, avec ces comités,  était d’obtenir un démarrage rapide de toute la vie économique » (38). Georges Rougeron rappelait, dans un ouvrage paru en 1960, que « dans le domaine économique, le C.D.L. estimait que la libération devait nécessairement s’accompagner d’un pas en avant quant aux rapports entre le travail et le capital, selon le sens de la participation effective des travailleurs ». Rejetant l’accusation d’avoir créé des « Soviets », il voit plutôt dans ces comités de contrôle qui «  devaient être obligatoirement consultés par le chef d’entreprise, en tout ce qui concernait la marche de l’établissement », l’ébauche des futurs comités d’entreprises qui, ajoute-t-il, « demeurèrent toutefois très en deçà des réalisations de l’Allier ». (39)

CDL COMITE GESTION

 • Quant à l’épuration politique et administrative, elle semble avoir été menée avec rigueur dans le bassin montluçonnais où Henry Ingrand, Commissaire de la république à Clermont-Ferrand, dénombrait 262 arrestations suivies de 125 libérations. Celui-ci ira jusqu’à écrire, dans  un ouvrage de souvenirs, La libération de l’Auvergne : « Le C.D.L. s’est constitué (à Montluçon) en une sorte de Comité de salut public, procédant à de nombreuses arrestations, à des nominations, à des révocations, allant même jusqu’à installer des Comités de  gestion dans les usines. Aidé par son sens particulariste, ce C.D.L typiquement montluçonnais a créé une sorte de petite république locale où il entend rester souverain. Le préfet n’intervenant que pour entériner les décisions du C.D.L qui sont publiées à grands renforts de publicité (..) Le C.D.L. prend en une semaine entre 40 et 50 arrêtés, tous illégaux que je m’emploie à faire disparaître, mais je transforme ceux qui sont judicieux ». En quelques semaines, les Comités locaux de libération ont pris en mains les municipalités et les divers groupements nés sous l’État français, tels que la Corporation paysanne, ont été dissous et leurs biens provisoirement dévolus aux nouveaux organismes les remplaçant.

photo 43 Baraquements Tronçais

 • Dans divers ouvrages (40), il est souvent question des exactions commises à Tronçais, par le groupe Police du maquis, entre le 19 août 1944, date de l’installation d’un Centre de séjour surveillé, dans les baraquements désaffectés des Chantiers de jeunesse, au lieu-dit Les Chamignoux, à Isle-et-Bardais, et le 28 octobre 1944, date de sa dissolution : détentions arbitraires, humiliations, tortures, exécutions…Dans la plupart des cas les auteurs soulignent la collusion qui aurait existé entre le C.D.L, qui aurait su et n’aurait rien fait, et  les responsables du camp. Mis en cause personnellement à plusieurs reprises (en même temps que René Ribière qui signait les arrêtés d’internement)  pour ne pas avoir réagi, alors qu’il aurait été  au courant de la situation, Georges Rougeron avait été amené à faire plusieurs mises au point, à titre personnel ou à titre d’historien. Dans une lettre adressée à l’une des victimes de ces exactions, il écrivait le 5 décembre 1984 (41): «  Le C.D.L. de l’Allier n’a (pas) de responsabilité dans les faits imputés à Tronçais. Ses instructions, lors de la mise en place du centre de séjour surveillé, signées par son président, René Ribière, spécifiaient que les internés devaient se voir appliquer le statut de prisonnier de guerre, ce qui excluait une détention à caractère pénitentiaire et, à plus forte raison, brimades et sévices. Des dérapages se sont produits, des actes inadmissibles ont été commis », ajoutait-il pour préciser aussitôt : « À ce propos, je ne veux pas « faire croire » que je n’ai rien su, rien commandé ». Comme je l’ai écrit, le C.D.L. de l’Allier n’a  effectivement point été informé de l’atmosphère à Tronçais : ni les détenus libérés, ni la Mission de la Croix-Rouge que nous avions envoyée précisément pour savoir, n’y ont fait la moindre allusion (…). Il est établi que si des brimades et sévices ont marqué les débuts de Tronçais,, si des exécutions sommaires ont été commises, il n’y a pas eu de génocide et la forêt ne recèle aucun charnier ».

photo 42 Entrée du camp

• En 1953, le commandant Rodenburger, dit Roden, un ancien policier qui avait une autorité totale sur le camp, comparaîtra devant la justice avec quelques-uns de ses subalternes. Après audition de plusieurs témoins, il avait été inculpé par le commissaire du gouvernement près le tribunal permanent des forces armées de Lyon de « complicité d’assassinat, d’attentats à la pudeur avec violence sur vingt-six détenus parmi lesquels quatre décédés sur place ». Après avoir été condamnés, Roden et six de ses comparses seront finalement relaxés, sur décision du même tribunal lyonnais, le 12 octobre 1954. Entre temps, la commission régionale d’homologation des F.F.I., siégeant à Clermont-Ferrand, avait décidé qu’il y avait lieu d’appliquer aux condamnés la loi d’amnistie générale votée par le parlement, le 16 août 1953. On ne peut, rétrospectivement, que s’émouvoir d’une telle décision finale mais cette impunité, pas plus que les exactions commises par Rodenburger, ne sont directement imputables au C.D.L. de l’Allier.

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• Cette question de l’épuration devait d’ailleurs être le thème de l’enquête menée par l’Institut d’histoire du temps présent, à l’échelle nationale, avec appel à des correspondants départementaux et faire l’objet d’un livre-bilan signé par Georges Rougeron, L’épuration en Allier 1943-1946. Dans une mise au point à propos de Tronçais, il écrivait : « Certes il se passait quelque chose : brimades, sévices, travaux inhumains, tortures ont eu lieu dans un climat de terreur inadmissible. Les dépositions ultérieures l’établissent indiscutablement et il s’est écrit là-bas, une triste page, non point de la résistance, mais de la nature humaine (…). Le nombre total des exécutions sommaires dans le secteur La Longe, bois de Saulzet, Tronçais s’élève à 16 ». Pour la répression  administrative et judiciaire, il avançait le nombre de 232  pour les audiences de la cour de justice de l’Allier, avec  646 individus jugés, dont  20 condamnations à mort contradictoires (10 commuées), 77 condamnations à mort par contumace, 192 condamnations à des peines de travaux forcés (dont 50 par contumace) et  194 condamnations à l’emprisonnement (8 par contumace). Quant à la chambre civique, du 3 janvier 1945 au 28 mars 1946, elle avait jugé 996 affaires et prononcé, notamment 772 condamnations à l’indignité nationale, dont 404 par contumace : « Au total donc, concluait Georges Rougeron, 1763 arrêts ayant touché 1.670 personnes ». Quant à la répression extrajudiciaire (l’épuration dite « sauvage »), avant, pendant ou après la libération, il  en estimait le nombre de victimes  à 123.

 • Au total, dans un contexte particulièrement difficile, le C.D.L aura réussi à faire face aux nécessités imposées par la guerre, à l’Epuration, aux questions délicates du ravitaillement et de ses  corollaires, les pénuries et le marché noir, tout en remettant l’économie sur les rails et en assurant le retour à la démocratie et à la république.

• GEORGES ROUGERON

À L’AUBE D’UNE LONGUE CARRIÈRE D’ÉLU

• Au printemps 1945, la fin de la Seconde  guerre mondiale en Europe marque  le retour à une vie politique démocratique “normale”, avec des élections libres dont les toutes premières furent les Municipales d’avril 1945. Les femmes qui viennent d’obtenir enfin de droit de vote et d’éligibilité vont pouvoir, certes encore timidement, se porter candidates. En même temps, le gouvernement provisoire affermit son pouvoir, grâce aux Préfets-commissaires de la République. Dès le 18 novembre 1944, la nomination de Robert Fleury a été confirmée et, le 18 juin 1945, son intégration dans la Préfectorale a été décidée. Il restera en poste à Moulins  jusqu’en  février 1949 .  Une première, puis une deuxième assemblée constituante vont plancher pendant près de deux ans sur la future constitution. Quant au Comité départemental de libération, il  voit progressivement son rôle et son influence décroître, au point de n’être plus qu’un organe purement « consultatif, dans le rétablissement progressif de la légalité républicaine ».

photo 7 Robert Fleury Préfet de l'Allier

Ce changement de statut n’avait d’ailleurs pas été sans poser problème. Ainsi, dès le mois de décembre 1944, le C.D.L. qui entendait garder ses prérogatives, était-il entré en conflit à propos de la poursuite de l’épuration avec le préfet Robert Fleury (Au centre – photo ci-contre) , qui voulait affirmer le rôle de l’Etat républicain. Une longue motion lui avait été adressée, réclamant plus de sévérité à l’égard de ceux qui avaient failli en collaborant. Le 3 janvier 1945, ce même C.D.L. publiait à la une des journaux Le Centre républicain et Valmy une adresse à Robert Fleury, qui avait été confirmé dans ses fonctions de représentant de la République : «   Les organismes de la résistance vous ont, lors de votre nomination, accueilli dans vos fonctions avec la confiance qui s’imposait entre camarades de combat, pouvait-on lire. Les relations que nous avons eues avec vous depuis cette époque nous ont malheureusement menés de déception en déception et nous avons acquis progressivement la conviction qu’il était impossible d’avoir foi en votre parole ou de compter sur une collaboration loyale de votre part ».

 • Après avoir énuméré les principaux griefs en matière d’épuration, le texte concluait  ainsi : « Nous vous demandons donc formellement votre démission immédiate. En cas de refus de votre part, nous serons obligés de dégager notre responsabilité, en livrant à la plus large publicité tous les incidents que nous avons eu à déplorer depuis trois mois et nous nous verrons contraints de réclamer votre révocation qui, seule, pourra empêcher les troubles que la tension des esprits nous oblige à prévoir ». L’adresse signée par l’ensemble des composantes du C.D.L., malgré son ton comminatoire, restera lettre morte.  Onze mois plus tard, le 3 novembre 1945, le C.D.L. tiendra son ultime séance plénière pour constater que ses  attributions viennent de prendre fin (42). Tous ces éléments conduisent inévitablement à la renaissance des partis politiques et aux affrontements, parfois musclés, qui vont en découler, lors des consultations locales, départementales ou nationales. Pour Georges Rougeron, qui avec la paix retrouvée entend bien continuer  l’action politique, c’est le début d’une carrière qui va débuter, dès 1945, par son élection et son accession à la présidence du conseil général.  

NOTES ET RÉFÉRENCES  DE LA DEUXIÈME PARTIE (12 à 42)

12- Georges Rougeron, Mémoires d’autres temps en Allier (1940-1944), Montluçon, imp. Typocentre, 1984.

13-  Le Combat social, n°1368 du 16 juin 1940, ne put paraître compte tenu des événements mais deux exemplaires, selon Georges Rougeron, en furent tirés « afin d’en conserver pour l’histoire le témoignage ».

14- Georges Rougeron, Premiers pas clandestins, dans Mémoires d’autres temps, ouvrage cité.

15- André Touret, Marx Dormoy, éd. Créer, 1998.

16- Le P.P.F. ou Parti Populaire Français avait été fondé quelques années plus tôt par Jacques Doriot (1898-1945), transfuge du Parti communiste français. Durant l’occupation, le P.P.F. fut l’un des partis les plus en pointe dans la Collaboration.

17- Georges Rougeron, Dans la coulisse de l’histoire, extrait de Mémoires d’autres temps, ouvrage cité.

18- Georges Rougeron, Dans la coulisse de l’histoire, extrait de Mémoires d’autres temps, ouvrage cité.

19- Extrait du Centre, 13 juillet 1939, éditorial de Jean Joussain du Rieu.

20- Georges Rougeron, Premiers pas clandestins, extrait de  Mémoires d’autres temps, ouvrage cité.

21- Georges Rougeron, Premiers pas clandestins, extrait de  Mémoires d’autres temps, ouvrage cité.

22- Georges Rougeron, Le temps des conspirations, extrait de Mémoires d’autres temps, ouvrage cité.

23- Georges Rougeron, Premiers pas clandestins, extrait de Mémoires d’autres temps, ouvrage cité.

24- Isidore Thivrier (1874-1943), troisième fils de Christou, le député en blouse, avait été conseiller général (1919-1940), président de l’Assemblée départementale (1934-1936) puis député S.F.I.O. de l’Allier (1936-1940). Il figure, avec ses collègues bourbonnais Eugène Jardon (1895-1977) et Marx Dormoy (1888-1941), parmi les 80 parlementaires qui s’opposèrent au vote des pleins pouvoirs au maréchal Pétain, le 10 juillet 1940. Thivrier fut maintenu à la tête de la municipalité de Commentry sous l’Etat français et, à ce titre dut recevoir le maréchal Pétain, le 1er mai 1941, après l’étape de Montluçon. Sa propriété, le château de Montassiégé, qui avait accueilli des réfugiés politiques, dont Léon Blum en 1940, abritait une antenne du réseau de résistants Marco-Polo. Après avoir été dénoncé,  Isidore Thivrier fut arrêté en novembre 1943 puis condamné par un tribunal militaire à 20 ans de réclusion. Il est mort au camp de Natzweiller-Struthof, le 5 mai 1944.

25- C’est dans ce même camp de Saint-Paul d’Eyjeaux que sera interné à son tour René Ribière (1910-1995), après son arrestation en septembre 1942. Il réussira à s’en évader, ce qui lui vaudra une condamnation par contumace à cinq ans de travaux forcés, par le Tribunal d’Etat de Lyon.

26- Georges Rougeron, Prisonnier d’état, extrait de Mémoires d’autres temps, ouvrage cité.

27- Georges Rougeron, Quand Vichy était capitale 1940-1944, réédition de Le département de l’Allier sous l’Etat français, éd. Horvath.

28- Georges Rougeron, Le temps des conspirations, extrait de Mémoires d’autres temps, ouvrage cité.

29- Georges Rougeron, Le temps des conspirations, extrait de Mémoires d’autres temps, ouvrage cité.

30- Yves Guillauma, La presse des Comités de libération : l’exemple de l’Allier, Les Cahiers bourbonnais, n°172 et 173 (2000).

31- Cité par Yves Guillauma, La presse des Comités de libération : l’exemple de l’Allier, Les Cahiers bourbonnais, n°172 et 173 (2000).

32- Georges Rougeron,  extrait de Mémoires d’autres temps, ouvrage cité. 

33- Georges Rougeron et Marcel Légoutière étaient les derniers survivants du C.D.L de l’Allier. Ils sont décédés à quelques jours d’intervalle : Georges Rougeron, le 10 août 2003 et  Marcel Légoutière, le 25 août 2003. Ce dernier, né en 1915, avait évoqué la période de l’Occupation et de la Libération dans 1945 – Libération de l’Allier : histoire et enseignements et, plus généralement dans Un siècle de luttes sociales en Bourbonnais (éd. U.D. – C.G.T. de l’Allier, 1977)

34- Sur le détail des opérations et des combats liés à la libération de l’Allier, on peut se reporter à l’ouvrage d’André Touret, Montluçon, 1940-1944 : la mémoire retrouvée (éd. Créer, 2001) et à La libération du département de l’Allier, publié par le Conseil général de l’Allier (1994). Georges Rougeron donne par ailleurs de nombreuses informations dans Le département de l’Allier sous l’Etat français (1969). Enfin, dès 1945, avait été publié Montluçon sous la botte allemande (Montluçon, éd. Imprimerie du Centre), récit écrit « à chaud » par Armand Gourbeix et Louis Micheau.

35- André Touret, Montluçon (1940-1944), ouvrage cité.

36- Extrait d’une lettre de Jean Débordes, publiée dans les Cahiers bourbonnais (n°173), en réponse à un article d’Yves Guillauma.

37- Yves Guillauma, La presse des Comités de libération : l’exemple de l’Allier, article cité.

38- Marcel Légoutière,  Un siècle de luttes sociales en Bourbonnais (U.D C.G.T. de l’Allier, 1977).

39- Georges Rougeron, Les administrations départementales de l’Allier 1940-1945 (1960). Dans son dernier ouvrage, Montluçon après la tourmente (1944-1977) (éd. Créer), André Touret fait le point sur la question des Comités de gestion en relevant qu’il «  y avait là, incontestablement un aspect lutte des classes ». Pour sa part, dans un article publié en octobre 1982 par l’hebdomadaire de la fédération de l’Allier du parti communiste, Bourbonnais Hebdo, Jean Bidault parlait d’un « exemple magnifique, exemple d’avant garde  sans doute, mais qui n’aura pas été inutile ». Selon lui, « les comités de gestion montluçonnais ont été les précurseurs très avancés des Comités d’entreprises avec leurs rôles et leurs attributions de 1982, mais aussi de la loi récente sur les droits nouveaux des travailleurs. Ils ont eu le mérite d’avoir matérialisé le principe posé avec de plus en plus de force de  la nécessaire démocratisation de l’entreprise et du rôle essentiel que doivent tenir les travailleurs dans son fonctionnement et sa direction ».

40- Pour une vue d’ensemble de l’Épuration en région montluçonnaise, sur les actions du CDL et sur les controverses qui ont pu naître, on pourra consulter l’article l’Épuration en région montluçonnaise, publié sur ce site. Voir également : Nicole Gauthier-Turotoski (J’étais à Tronçais et Un été 44, auto-édition), Philippe Bourdrel (L’épuration sauvage – 1940-1944, éd. Perrin) ou  Jean Débordes (L’Allier dans la guerre – 1939-1945, éd. de Borée, 2000)

41- Lettre adressée à Nicole Gauthier-Turotoski, le 5 décembre 1984, en réponse à son livre « Un été 44 », publiée dans « Enquête sur un dossier psychiatrique » (auto-édition N. Gauthier Turotoski, 1994). Voir également la synthèse complète et objective que dresse André Touret dans Montluçon après la tourmente (1944-1977) (ouvrage cité), tout en prenant soin, ce que ne font pas nombre d’auteurs, de replacer les événements dans le contexte politique et psychologique  de l’époque.

42- Dans Les administrations départementales 1940-1945 (ouvrage cité) Georges Rougeron écrit à propos du C.D.L. : « Il avait, depuis le 10 septembre 1944, tenu 69 réunions de bureau et 48 séances plénières, soit un total de 117, (Il avait) transmis 1.406 délibérations et publié 15 numéros de son Bulletin Officiel ».

III – UN DEMI-SIÈCLE SUR LE DEVANT

DE LA SCÈNE POLITIQUE (1945-1995)

• QUARANTE-TROIS ANNÉES AU CONSEIL GÉNÉRAL DE L’ALLIER

(1945-1988)

DONT VINGT-HUIT ANNÉES DE PRÉSIDENCE

(1945-1970 et 1976-1979)

1945 marque  le début de la carrière d’élu de Georges Rougeron. À 34 ans, s’il a déjà derrière lui une longue expérience politique, il ne dispose jusqu’alors d’aucune assise électorale. Les élections au conseil général vont être la marche d’accès à l’une des plus longues carrières politiques du département. Dès 1944, le parti socialiste S.F.I.O., dont il avait été un des refondateurs sous l’occupation, l’a choisi comme secrétaire de sa fédération départementale de l’Allier, une fonction qu’il occupera jusqu’en 1955. Il est ainsi responsable de la publication de l’hebdomadaire le Réveil Socialiste de l’Allier, successeur du Combat Social d’avant guerre. En outre, René Ribière, devenu directeur du journal Le Centre républicain, lui confie en 1946 et 1947 le poste de rédacteur politique, soulignant ainsi l’engagement du journal : un quotidien d’information générale, mais qui n’hésitera pas, par ses éditoriaux, à défendre les positions socialistes. En voyant s’éloigner le problème de la pénurie de papier, le journal va très vite s’imposer sur le bassin montluçonnais, avec des tirages qui passeront de 14.000 exemplaires en juillet 1945 à  plus de 21.000 au début des années 1960, malgré la concurrence du quotidien clermontois la Montagne qui vient chasser sur ses terres.

 • En devenant président du conseil général et maire de Commentry, Georges Rougeron s’en éloignera, tout en gardant pendant quelque temps une regard sur l’orientation du quotidien montluçonnais, dans lequel il publiera des tribunes et des articles historiques. De même, le quotidien montluçonnais  ouvrira largement ses colonnes aux comptes-rendus des sessions du conseil général et aux interventions du “président Rougeron”. Cette fidélité à son camp politique avec 75 ans  d’adhésion, que Georges Rougeron aimait à rappeler, finira par faire de lui le doyen du Parti, « Petit Frère », « le sage » que l’on venait encore consulter, longtemps après qu’il eut abandonné tous ses mandats, et qui participait encore au printemps 2003, aux élections internes du P.S. Dans un article publié par Le Monde, le 11 novembre 1982, Alain Rollat parlera même du «  dernier des Marianneux » pour mieux souligner sa filiation politique en même temps que sa singularité.

  • Lors des premières élections municipales dans la France libérée, les 29 avril et 13 mai 1945, Georges Rougeron choisit de ne pas faire acte de candidature. En tant que secrétaire du Comité départemental de libération, il avait signé le 1er octobre 1944 le décret installant les 11 membres de  la nouvelle municipalité commentryenne, dans l’attente des futures élections. Dirigé par Victor Hisslen, représentant des M.U.R., lui même épaulé par  3 adjoints  issus des M.U.R (Henri Joly), de la S.F.I.O. (Henri Renard) et du Front National, proche du Parti communiste (Armand Saulnier). 

Le Centre républicain (1-2 novembre 1945)

• Faute de leader et d’union dans les rangs socialistes,  le Parti Communiste peut ainsi ravir la municipalité aux Socialistes. C’est Henri Cluzel, conseiller municipal dans la municipalité provisoire qui occupera les fonctions de maire pendant deux ans. Cet échec, la fédération socialiste de l’Allier va en tirer les conséquences pour l’échéance suivante, les élections au conseil général. Suspendu en octobre 1940, le conseil général avait été remplacé à cette date, d’abord par une Commission administrative départementale puis, en août 1942, par un Conseil départemental, dont les membres étaient désignés par l’Etat Français et n’avaient finalement qu’un rôle consultatif. Après l’intermède d’un Comité départemental provisoire, qui ne siégea en fait  jamais, une ordonnance du 17 août 1945 stipulait le renouvellement intégral des assemblées départementales, par voie d’élection.

La réélection de Georges Rougeron en 1951 (Le Centre Républicain

• Dans le canton de Commentry, où la disparition d’Isidore Thivrier, mort en déportation, laissait le camp socialiste orphelin, la S.F.I.O. décide de faire appel à un militant «  de l’extérieur » en la personne de Georges Rougeron, qui continue à publier des articles politiques dans le journal Le Centre républicain. Avec 12 autres candidats socialistes, le 23 septembre 1945, il est élu dès le 1er tour,  avec 2.536 voix contre 2.340 pour  son principal adversaire, le communiste Raymond Moreau. Lors de la première session du conseil général, qui compte alors  20 élus S.F.I.O. sur 29, Georges Rougeron est  élu président, par 25 voix sur 29. Il devient ainsi à 34 ans, le plus jeune président de conseil général de France (43).

 • Dans les décennies qui suivent, les électeurs du canton de Commentry lui renouvelleront leur confiance, à chacune de ses candidatures : il sera ainsi réélu en 1951, en 1958, en 1964, en 1970, en 1976 et en 1982, assurant  43 ans de mandat, sans discontinuité, entre 1945 et 1988, année de son retrait de la vie politique départementale. Le changement de régime politique, avec le retour du général de  Gaulle au pouvoir en 1958 ne semble guère avoir eu de prise sur la composition du conseil général, même si la nouvelle constitution pouvait laisser  présager un pouvoir accru des préfets « gaullistes », au détriment de l’assemblée départementale et de son président. Georges Rougeron entendait bien rester, selon la formule d’André Touret, « le représentant des populations du département », face aux représentants de l’Etat et du gouvernement. C’est ce qui  fera écrire à Georges Rougeron, au moment du passage de la IVè à la Vè république, qu’il y a « vraiment continuité d’accord entre nos concitoyens et notre assemblée » (44).   

• La présidence du conseil général, Georges Rougeron  va l’assumer   pendant 28 ans, d’abord sans interruption entre 1945 et 1970, puis à nouveau entre 1976 et  1979, après l’intermède de la présidence de Jean Cluzel. Ce sera son seul échec « présidentiel ». A ce propos, Jean-Luc Albert écrit: « Mathématiquement, M. Rougeron aurait pu à nouveau être élu (…). Mais trois conseillers généraux  socialistes, Jean Nègre, Pierre Boulois, André Godard constituaient un groupe « Démocratie, socialisme et République » qui s’alliait à l’opposition dont le leader était le centriste M. Jean Cluzel, bénéficiaire du soutien de l’U.D.R.. M. Cluzel annonçait sa candidature pour la présidence du conseil général contre M. Rougeron. Il était élu par 16 voix contre 13 » (45). Le même spécialiste de la vie politique bourbonnaise ajoute que « cette petite révolution ne fut sans aucun doute pas appréciée par M. Rougeron, en dépit des discours rituels de félicitations de la nouvelle majorité au bureau sortant et à son président pour  sa gestion » (46). Les circonstances de cette alternance présidentielle semblent d’ailleurs  avoir été assez mal vécues par Georges Rougeron : dans une lettre adressée à l’ensemble des maires du département, il parlera de « tromperie évidente »  voire de « trahison ». Ce qui lui vaudra une riposte de Jean Nègre, développant des thèses diamétralement opposées. Les deux hommes auront l’occasion, l’année suivante, d’en découdre à nouveau, sur le terrain sénatorial cette fois-ci. 

• Six ans plus tard, Georges Rougeron se réinstallera dans le fauteuil présidentiel, grâce aux quatre sièges supplémentaires remportés au renouvellement de 1976 par le P.S. et avec l’appui des conseillers généraux communistes. C’est ce qui lui fera écrire dans le Bulletin du département de l’Allier : « Ainsi le Conseil général de l’Allier retrouve-t-il une image de lui-même conforme au mouvement des idées qui ont été traditionnellement les siennes » (47). Lorsqu’il cédera la place au communiste Henri Guichon, le 28 mars 1979, en ne se représentant pas, il sera nommé « Président honoraire du conseil général », au cours d’une séance que La Montagne n’hésitera pas à qualifier « d’historique ».

Georges Rougeron, en famille, avec son épouse, Gabrielle, et son fils, Claude (1955)

• Dans un hommage  publié dans le même quotidien,  Gérard Dériot, qui avait siégé à ses côtés de 1985 à 1988 et qui fut ensuite président du conseil général, parlera de  « son extrême courtoisie » et  de « sa personnalité (qui) a marqué le département et la pensée départementale. Président (…) d’avant la décentralisation, il est resté fidèle à ses convictions politiques. Son empreinte a été forte sur sa ville de Commentry, dont il a su ménager les intérêts économiques » (48). Le même, après avoir l’avoir replacé « dans la lignée des Thivrier, des Dormoy » devait souligner, le jour des obsèques à Commentry, « sa volonté farouche qui imposait une grande admiration à tous ceux qui l’approchaient ». Pierre Goldberg, qui avait été son premier vice-président communiste entre 1976 et 1979, parlait de « sa pondération qui l’avait profondément marqué » (49). Quant à ses pairs des conseils généraux, ils avaient fait de lui, depuis longtemps, le secrétaire général de l’assemblée des présidents de conseils généraux de France, dont il avait été longtemps  le benjamin.

• GEORGES ROUGERON ET LES PRÉFETS DE L’ALLIER

DES RELATIONS TRÈS FLUCTUANTES

 • Durant son quart de siècle de présidence de l’assemblée départementale, les relations avec les représentants de l’Etat, auront été fluctuantes. Il est vrai qu’avant les lois de décentralisation de 1982, le préfet détenait de par la loi fondamentale de sa fonction, l’exécutif départemental. La constitution de 1946 avait bien inscrit le transfert de cette prérogative au président du conseil général, mais les textes législatifs n’avaient jamais été votés et la Constitution de 1958 s’était bien gardé de reprendre ce projet. C’est en rappelant  cet état de fait que Georges Rougeron écrivait dès 1970 : «  Il ne serait pas anormal (…) que le représentant élu, devenant Président du département, reçoive en ce domaine des attributions comparables à celle du maire dans la commune. Ainsi, irait-on vers la décentralisation par plus d’autonomie départementale, le préfet exerçant au titre de Commissaire d’Etat, le contrôle de la légalité et de la constitutionnalité . Pour l’heure, (…) il s’agit seulement, concluait-il, de faire cohabiter le pouvoir délégué et le pouvoir élu à l’intérieur du département » (50).

•  C’est dans cet esprit d’avant la décentralisation que, pendant un quart de siècle, le conseil général et son président auront  accompagné  chacun des préfets sur la voie des grandes réalisations. Ainsi,  sous Robert Fleury(1903-1978), en poste de 1944 à 1949, l’Allier voit la reconstruction de ses principaux ouvrages d’art détruits par la guerre et par les inondations. C’est aussi le début des grands travaux d’assainissement et de remembrement  en Limagne bourbonnaise, l’aménagement des locaux du château de Bellevue en une Maison de l’éducation nationale ou la reprise des travaux routiers, sans oublier l’élaboration d’un plan d’adduction d’eau rurale. Après son départ, c’est Henry Castaing (1895-1961) qui lui succédera. Politiquement proche de Georges Rougeron, il est un sympathisant de la S.F.I.O., parti pour lequel il se fera mettre en disponibilité en novembre 1958, six ans après avoir quitté l’Allier, afin de se présenter aux élections législatives, dans la 4è circonscription qu’il ne parviendra pas à décrocher. De 1949  à 1952, période de son séjour bourbonnais, les ponts de Saint-Yorre et de Lavault-Sainte-Anne seront reconstruits, tandis que les voies ferrées d’intérêt local seront définitivement supprimées. Le développement de l’adduction d’eau potable, via les différents S.I.A.E.P. du département  et la modernisation des réseaux d’électricité en milieu rural seront deux autres grands chantiers. Enfin, c’est dans cet intervalle que l’école départementale d’infirmières ouvre ses portes.

4 mai 1952: inauguration du foyer rural de Colombier

•  Son mandat de conseiller général, qui plus est de président, permet aussi à Georges Rougeron d’élargir le champ de ses responsabilités: il devient président de la Société d’équipement du Bourbonnais, bras économique du département destiné à  favoriser l’implantation de nouvelles activités. Il préside aussi l’office départemental du tourisme et du thermalisme, un mandat qui sied  à celui qui est aussi  historien du Bourbonnais.  Il est par ailleurs secrétaire général de l’assemblée des présidents de conseils généraux, ce qui le conduit à représenter cette association  à la Conférence européenne des pouvoirs locaux.

 • Après l’intermède préfectoral de Jean Ghisolfi (1901-1971), entre novembre 1952 et  juillet 1955, la Préfecture hébergea, de juillet 1955 à août 1956, pendant seulement treize  mois, Robert Vignon (1910-1989). Lors des événements d’Algérie, le 13 mai 1958, alors qu’il était préfet de Tizi-Ouzou, il avait dû affronter le Comité de Salut Public et une partie de l’armée en rébellion, ce qui lui  avait valu d’être appréhendé et interné en Algérie. Le Conseil général de l’Allier n’hésita alors pas à lui voter « une motion de félicitations pour sa conduite en ces circonstances ». Georges Rougeron et Robert Vignon  devaient se retrouver, quelques années plus tard sous les lambris du sénat. Robert Vignon avait été élu le 23 septembre 1962, sous l’étiquette S.F.I.O., sénateur de la Guyane, territoire qui venait d’être élevé au rang de département… juste avant qu’il ne s’apparente au groupe U.D.R., le parti gaulliste de l’époque. Comme Georges Rougeron, il quittera le sénat en 1971. Avec  Edouard Dauzet (né en 1898), son successeur de septembre 1956 à août 1959, les relations entre le préfet et le conseil général vont connaître  une nette dégradation. Dans sa monographie  sur Les préfets de l’Allier  (1944-1969), Georges Rougeron  se montre particulièrement critique à son égard en expliquant  qu’il «  se mêla d’intrigues subalternes et (que) sa gestion apparut si critiquable que, pour la première et unique fois depuis l’institution préfectorale, le Conseil général refusa d’approuver le compte administratif de l’exercice 1959, pour la partie le concernant »(51).

 • Après son départ, c’est au tour de Raymond Chevrier (1909-1976), premier préfet nommé sous la Vè république, de rejoindre Moulins : « Le nouveau régime, écrit Georges Rougeron, s’est plus ou moins accommodé des fonctionnaires en poste sous le précédent, écartant de temps à autre ceux qu’il estimait ne point rendre de services politiques suffisamment efficaces, soit par trop de réserve, soit par excès de zèle inopportun »(52). Comme Robert Vignon, Raymond Chevrier s’était opposé  au coup de force du 13 mai 1958, alors qu’il était en poste en Algérie,  à Orléansville et, lui aussi s’était  retrouvé interné par les militaires. L’économie et le logement sont deux préoccupations qu’il partage avec l’assemblée départementale : après avoir redynamisé le Comité d’expansion économique de l’Allier, il soutient la création de la Société d’équipement du Bourbonnais, tandis que, pour faire face à la crise du logement, les grands ensembles commencent à sortir de terre à Moulins, à Montluçon ou à Vichy. L’office départemental d’H.L.M. constitué au début des années 1950 joue son rôle à plein, bientôt relayé par des offices  locaux. L’adduction d’eau progresse encore en milieu rural : « Ainsi, écrira Georges Rougeron, se nouèrent entre le représentant de l’Etat et ceux du département des rapports de confiance et de sympathie qui permirent l’une des périodes les plus fécondes de la vie administrative départementale ».C’est sans doute parce que les candidats soutenus par le gouvernement avaient échoué dans l’Allier, lors des élections législatives de 1962, que Raymond Chevrier se retrouva placé en position « hors cadre » en avril 1963, c’est à dire mis sur la touche. Fait exceptionnel, Georges Rougeron et les élus de la majorité départementale ne manquèrent pas de témoigner leur sympathie à celui qui « s’était révélé comme un grand préfet », face à ce que les élus interprétèrent comme une sanction ou une brimade : « Soixante dix-neuf préfets se sont succédé à Moulins depuis l’an VIII, devait déclarer Georges Rougeron lors de la cérémonie marquant son départ, et Raymond Chevrier est au nombre de ceux dont l’empreinte et le souvenir s’inscriront durablement parmi le patrimoine bourbonnais, parce qu’il y a fait du bon travail ».

 • Son successeur, Marcel Segaud (1908-1973) ne restera guère plus d’un an, laissant le champ libre à Jacques Bruneau (1913-1993). Nommé à Moulins le 16 septembre 1964, il était le fils d’un universitaire, ami d’Emile Guillaumin et de Daniel Halévy. Il y avait certes de quoi susciter un a priori favorable de la part de l’historien du Bourbonnais qu’était Georges Rougeron, qui ajoute toutefois à son propos : « Jacques Bruneau (…) avait jadis travaillé à l’Etat-major du R.P.F. et la gauche se demandait s’il ne s’agissait pas d’une prise en mains politique du département (…) ». Mais Jacques Bruneau est un homme habile : « Le nouveau préfet débuta en faisant observer  une minute de recueillement à la mémoire des Présidents (du conseil général) Marx Dormoy et Isidore Thivrier, morts pour la France, puis évoqua ses services dans la Résistance, ses liens spirituels avec Emile Guillaumin et conclut en assurant « vouloir mettre toute son énergie et toute sa foi (…) pour faire progresser l’Allier » (53). A propos du « style » de Jacques Bruneau, Georges Rougeron note dans sa monographie consacrée aux préfets qu’il « participa à de nombreuses cérémonies consacrées au souvenir de la Résistance et innova en utilisant l’hélicoptère pour ses visites dans les communes puis (en) instituant les Commissions itinérantes de retrait immédiat du permis de conduire, en bordure des grandes routes »(54). Dans ses mémoires, Les tribulations d’un Gaulliste en Gaule, Jacques Bruneau consacrera quelques lignes à Georges Rougeron: “On me l’avait décrit comme un personnage sectaire, écrit-il,  menant la vie dure aux préfets, même aux préfets d’obédience socialiste. Rougeron était un républicain attaché aux principes de la IVè République. Son attitude parfaitement honnête, ajoute-t-il, légitime selon son point de vue, me rappelait la sourde opposition de Gaston Monnerville à de Gaulle”.

• C’est certainement avec son remplaçant, Alfred Diefenbacher (1915-2015), que l’incompréhension entre le représentant de l’Etat et les élus du département, devait atteindre son paroxysme.  Lors de son arrivée en Bourbonnais, Georges Rougeron n’avait pourtant pas manqué de lui rappeler la frontière et les rapports   entre les différents pouvoirs, dans le département : « Ils reposent sur la distinction de personnalité entre les représentants de l’Etat dans le département et la représentation du département. Aux premiers appartiennent les fonctions d’exécutif définies par la Loi. A la seconde, (appartient) la représentation de la collectivité qui, par la voie du suffrage, lui en a confié les devoirs. C’est dans le réciproque respect de ces vocations que peut s’établir le dialogue entre des autorités provenant de sources différentes, mais partageant la charge de l’intérêt général dans le département. Ce dialogue, concluait-il, nous ne nous y sommes jamais refusé »(55). Le modus vivendi ainsi défini ne fonctionnera pourtant jamais. C’est d’abord l’interventionnisme du représentant de l’Etat qui pose problème :  « Préfet de l’Allier le 12 juillet 1967,  (Alfred Diefenbacher ) crut bon d’adapter en Bourbonnais certaines des méthodes de l’administration d’outre-mer, écrit Georges Rougeron, ressuscitant lors des élections législatives de juin 1968 la candidature officielle avec démarches auprès des maires, pressions sur les fonctionnaires, intervention dans la campagne électorale de manière pseudo-clandestine qu’il imagina habile, alors que cela n’échappait à personne ! De ce fait, conclut-il, sa position dans le département devint difficile » (56)… Suffisamment pour que l’Etat, inquiet des conséquences négatives  d’un tel excès de zèle, soit obligé de le remplacer en août 1968 par un préfet plus consensuel. Il s’agissait de  Francis Laborde(né en 1914), dont « la venue (fut) accueillie avec satisfaction » et  qui devait rester en poste jusqu’en octobre 1971, un an après que Georges Rougeron eut perdu son fauteuil de président de l’assemblée départementale. Selon lui, Francis Laborde «  s’est particulièrement attaché aux tâches administratives et à rétablir de bons rapports avec les élus départementaux et législatifs, sans discrimination ». Dans son premier discours devant les élus du département, il avait pris soin de résumer son rôle de préfet  par la formule : « Proposer à vos délibérations et exécuter vos décisions (…) en maintenant les meilleures relations et dans un climat de confiance et de compréhension qui ne peut qu’être profitable aux administrés »(57).

• C’est dans cette période que devait intervenir la démission du général de Gaulle de la présidence de la république, à la suite de l’échec du référendum d’avril 1969. Face aux élus de sa majorité qui ne cachaient pas leur joie devant les 79% de « Non » enregistrés dans l’Allier, Georges Rougeron n’hésita pas à mettre un bémol en faisant part d’un « sentiment intérieur en lequel se mêlent la satisfaction du résultat acquis et quelque affliction de la condition qui en découle pour un destin final que l‘on eût souhaité différent. Pour ma part, ajoutait-il, ce sentiment je le ressens sans hypocrisie. Je fus aux côtés de Marx Dormoy de ceux qui entendirent l’appel du 18 juin et contractèrent, ce jour-là, engagement. Le brevet de la médaille de la résistance qui m’a été décerné porte la signature du général de Gaulle et je fus de ceux qui, au  lendemain de la libération, crurent possible de grandes perspectives, par l’accord d’un nouveau pouvoir et des masses populaires de notre pays. Je suis aussi de ceux qui répondirent « Non » au 13 mai (…). Et pourtant, je médite sur ce qui vient d’arriver à l’homme du 18 juin. Cette destinée, poursuivait-il, il l’a précipitée en s’engageant dans une aventure qu’il pouvait éviter. A trop vouloir forcer les peuples, un jour vient où les peuples ne peuvent plus accepter » (58). Un bel hommage du résistant Rougeron au résistant De Gaulle… qui ne l’empêchait cependant pas, dans la suite de son discours de président du conseil général, de partager la joie de «  ceux qui, sans beaucoup de moyens matériels, ont inlassablement mené la campagne du « non » (et qui) ont conscience d’avoir servi leur pays en lui évitant les risques dangereux qui sont le propre des situations de pouvoir personnel. Ceux qui ont voté « non » peuvent, eux aussi garder bonne conscience ». Il est vrai que, dès le 16 décembre 1968, à la tribune du sénat, il s’était lui même livré à une attaque en règle, contre le « caractère inconstitutionnel du projet de référendum ». En prononçant ces paroles devant les conseillers généraux, Georges Rougeron ne se doutait sans doute pas que, comme le général de Gaulle, une certaine usure du pouvoir lui ferait perdre, à lui aussi, le fauteuil présidentiel, en mars 1970, pour ne le reconquérir, provisoirement, qu’entre 1976 et 1979. En revanche, la fidélité de ses électeurs commentryens ne devait jamais lui faire défaut, au point de lui assurer un mandat de maire  exceptionnellement long : quarante-deux ans sans discontinuité…

•  GEORGES ROUGERON, SUCCESSEUR DES THIVRIER

À COMMENTRY (1947-1989)

Valmy, quotidien communiste,  dresse le bilan de la municipalité Cluzel (1945-1947)

 • Lorsque se profile, le 19 octobre 1947, le renouvellement des conseils municipaux, avec un scrutin à la proportionnelle, les tensions entre Communistes et socialistes sont loin de s’être apaisées. Henri Cluzel, le maire communiste sortant, compte bien conserver son fauteuil, avec sa liste d’Union républicaine et résistante. En face, la S.F.I.O. espère renouveler   son succès aux cantonales de 1945 et elle a désigné Georges Rougeron pour conduire la Liste d’action républicaine et socialiste. Ce dernier vient de faire un bref passage  au sein du Comité directeur de la SFIO (1945-1947), dans le sillage de Léon Blum et de Daniel Mayer et c’est leur mise en minorité, face à Guy Mollet, qui  est à l’origine du départ de Georges Rougeron de ces instances nationales. Très rapidement, à Commentry, le combat  se focalise entre communistes et socialistes: les deux camps vont se heurter dans un climat qui est loin de la sérénité. Le jour des obsèques de Georges Rougeron, un “vieux militant” du P.C.F confiera à la presse : « En 1945, on s’est un peu frictionné, lui et moi. J’étais alors premier secrétaire du P.C.F.. Mais, ajoutera-t-il, c’était un homme de dialogue, tempéré (…) qui respectait tous ses interlocuteurs (…). Il savait écouter les autres. Il fut un excellent administrateur et un maire qui a bien tenu sa place ». Et de conclure : « Par la suite, lui et moi sommes devenus très amis ». (59). 

Valmy – 17 octobre 1947

En fait de « frictions », il s’agit de véritables attaques en règle, y compris personnelles. Dans les colonnes du journal  communiste Valmy, publié depuis Moulins, Henri Védrines (1911-1995), député communiste de l’Allier, multiplie les assauts contre Georges Rougeron. Deux lettres que ce dernier avait adressées en 1941 et en 1943  à Isidore Thivrier et que le P.C.F. juge « compromettantes » sont publiées dans le numéro du 16 octobre, sous le titre « Quand le « résistant » Rougeron implorait les bonnes grâces de Vichy ». La veille, le même quotidien, toujours  sous la plume d’Henri Védrines, avait consacré un article à  « Georges Rougeron, gaulliste et saboteur de l’unité ouvrière ». Dans l’article intitulé “Anti-communiste avant tout”, Il se voyait, cette fois-ci, accusé «  de se faire le tremplin du R.P.F. après avoir fait pendant trois ans la courte échelle au M.R.P. »…

• Pour conquérir la mairie de Commentry, Georges Rougeron va appliquer une recette empruntée à celui qui fut son « patron », Marx Dormoy, qui avait dû à plusieurs reprises batailler contre le parti communiste, lors des municipales de 1929 et de 1935. Le principe: constituer un bloc comprenant  un noyau de militants socialistes ouvriers, solidement acquis à sa cause, en y ajoutant des artisans et des commerçants, sans doute peu enclins à voter pour une liste communiste, et qui pouvaient constituer de solides relais auprès de leurs publics respectifs lors des élections. Autour de lui, au sein des municipalités d’avant 1977, Fabien Conord mentionne “son premier adjoint, Louis Chavenon,  Marien Nény, Camille Tourret, Fernand Lafanechère”. 

• En revenant sur les péripéties de cette première élection,  Georges Rougeron écrira quarante ans plus tard: « Le Parti communiste crut devoir durcir la campagne par des attaques auxquelles il fut répliqué de la même manière : une réunion publique houleuse clôturait la confrontation, l’avant-veille du scrutin » (60). Le 19 octobre, sa liste l’emportait, avec plus de 500 voix d’avance, raflant au passage 13 sièges sur 23. Quelques jours plus tard, il était élu maire par 13 voix contre 10 à Henri Cluzel. Quelques jours plus tard, après l’élection de Georges Rougeron au poste de maire et avant que l’on ne passe à celle des adjoints, Henri Cluzel ne mâche pas ses mots: “Le climat de confiance et de fraternité qui régnait dans l’ancien conseil municipal, explique-t-il, ne peut plus exister”. Et d’annoncer que “la minorité ne prendra pas part  au vote des adjoints”. 

• Lors des élections municipales de 1953, 1959, 1965, 1971, 1977 et 1983, Georges Rougeron  sera constamment reconduit dans ses fonctions, avant de transmettre le flambeau à Guy Formet, en 1989. Le temps ayant cicatrisé les vieilles plaies, la municipalité de Commentry s’était pliée à la discipline de  l’union de la gauche  depuis les années 70, communistes et socialistes faisant liste commune pour la première fois en 1977. Une  liste d’union de la gauche qui  se retrouvera même seule face aux  électeurs …  Au moment de son retrait de la vie politique, en 1989, lorsqu’il était devenu maire honoraire de l’ancienne cité minière, Georges Rougeron n’avait pas caché  que sa « préférence allait incontestablement vers le mandat de maire, par ce qu’il permet de réaliser ».

Le Centre Républicain (28 octobre 1947)

 • Dans la biographie qu’il lui a  consacrée dans le Maitron, dictionnaire biographique du mouvement ouvrier, l’historien Fabien Conord, après avoir noté que “le dernier mandat de Georges Rougeron fut quelque peu assombri par la maladie”, souligne son attachement à la  mémoire socialiste et ouvrière: “ À Commentry, dont il fut fait maire honoraire, le drapeau rouge a flotté durant tous ses mandats au balcon de l’Hôtel de ville le 18 mars et le 1er mai, tradition à laquelle Georges Rougeron fut toujours très attaché. Le 1er mai, il ne manquait d’ailleurs jamais de recevoir à la mairie les délégations syndicales et les représentants du PSOE (Parti Socialiste Ouvrier Espagnol) en exil, jusqu’à la fin du régime franquiste tout au moins”.  C’est pour défendre et porter la voix des maires, au delà de sa commune et de son département  que ses pairs l’avaient porté à la présidence de la Fédération départementale des élus socialistes et républicains  et qu’il avait accédé à la présidence nationale de la fédération des élus républicains entre 1972 et 1977.

•  S’il est un point sur lequel la plupart des observateurs s’accordent, c’est pour souligner que Georges Rougeron n’avait assurément  pas le physique de l’emploi pour assumer une telle longévité politique. Dans un article publié par La Montagne, le 8 août 2023,  Patrick Debowski qui l’a bien connu  le décrit ainsi: “ Immuablement chapeauté,  et vêtu d’un étroit manteau sombre, le maire de Commentry, silhouette longiligne, faisait partie du décor commentryen. Si son physique pouvait être taxé de chétif, il en allait tout autrement de son esprit alerte (…). Le regard de Georges Rougeron était pétillant, avec un fond de malice. Ce qui allait de pair avec sa personnalité, toujours sur le qui-vive et prête à décocher quelque trait d’esprit ou s’engager sur des considérations plus terre à terre”. Comme l’avait déjà fait en novembre 1982 Alain Rollat, un journaliste du Monde, il souligne  “le charisme dégagé par Georges Rougeron » qu’il définit comme “une autorité naturelle doublée d’un sens de la répartie et de la politique dont ses adversaires faisaient souvent les frais. Mais, la bienveillance et une politesse presque surannée,  faisaient aussi partie du personnage.

  • On a parfois reproché à Georges Rougeron d’avoir peu délégué  en dirigeant sa commune. Un point de vue que conteste Guy Formet qui fut son adjoint avant de lui succéder au fauteuil de maire entre 1989 et 2001. Selon lui, au contraire, ses responsabilités départementales et ses mandats de sénateurs  rendaient indispensable cette délégation : “C’était l’une de ses principales qualités, faire fonctionner un groupe hétérogène, explique-t-il dans les colonnes de La semaine de l’Allier (27 juillet 2023). J’ai le souvenir d’un esprit libre, mais qui ne dérogeait pas à ce qui avait été établi nationalement par le parti socialiste. Sur plusieurs sujets, il a su  prendre en compte les évolutions de la société, chose que peu d’élus  qui restent longtemps en en poste ont su faire”. Et de conclure qu’il “avait un très bon sens du compromis”. Autre hommage, dans le  même hebdomadaire, celui d’Alain Giron, ancien élu communiste : “Nous avons beaucoup appris sur le rôle d’un élu communal, auprès de lui. Comme il le disait, ajoute-t-il, la politique, c’est faire ce qui convient à tout le monde. Son influence se fait encore  ressentir  aujourd’hui et ce n’est pas mentir que de dire qu’il est une légende de Commentry.

•  Finalement, sa principale erreur, aux yeux de certains, aura peut-être été de n’avoir pas  su vraiment anticiper  sa succession. Cette question de l’après Rougeron, Alain Rollat l’avait déjà posée dans les colonnes du Monde, en 1982: “Mais qui prendra le flambeau après lui?”, s’interrogeait-il.  Roger Durin, qui était alors son premier adjoint, ne cachait pas  que cela “risquait  de poser un problème ”. Et d’argumenter: “ Ici, être socialiste, c’est naturel: on dit couramment qu’on a le sang rouge et le cœur à gauche,  mais je ne vois personne à Commentry qui  ait la dimension de Georges Rougeron, ni la capacité, ni la motivation pour administrer la ville”. Si le journaliste en  concluait que la relève n’était pas prête, Georges Rougeron lui même tempérait les propos de son adjoint: “L’essentiel, c’est qu’il n’y ait pas  rupture avec ma méthode, mais continuité”. On pourrait y ajouter que l’on ne reste pas maire d’une commune pendant 42 ans, ni conseiller général pendant 43 ans, sans que finissent par se manifester les conséquences d’une certaine usure du pouvoir.

 • Sa  carrière d’élu municipal connaîtra toutefois un ultime épisode: sollicité en 1989 par des habitants de Bézenet, la commune où il résidait et où son épouse avait dirigé le collège, il acceptera d’y être candidat aux élections municipales, l’année même de son retrait commentryen. C’est ce qui lui vaudra de redevenir, pour six ans, simple conseiller municipal d’une commune de 900 habitants, lui qui avait dirigé un département de  près de 400 000 habitant et la commune de Commentry qui, a ses plus belles heures, avait tutoyé le seuil des 10 000 habitants. 

• « COMMENTRY N’EST PLUS LA CITÉ SOMBRE ET TRISTE 

QU’A DÉCRITE   ÉMILE MÂLE»

Le demi-siècle de mandat municipal de Georges Rougeron, c’est aussi la période où la ville de Commentry, tout en affichant sa fierté d’avoir été la première municipalité socialiste au monde en élisant dès 1882 Christophe Thivrier,  se métamorphose : la mine disparaît tandis que  des entreprises anciennes s’essoufflent. Il faut attirer des activités nouvelles, aménager des logements pour faire face aux besoins croissants, créer ou développer des équipements pour répondre aux besoins d’une population, elle même en pleine mutation : « Avec la fin des restrictions (..), avec la volonté de faire du gros village qu’était encore Commentry, une petite ville, allait prendre définitivement cours une pratique municipale de développement continu : construction du barrage de Bazergues, adoption d’un nouveau plan d’urbanisme, restauration des bains-douches, du dispensaire (…), du marché couvert, restauration des groupes scolaires (…), avec construction d’un immeuble neuf, reconstitution d’un office communal d’H.B.M. et mise en train de la construction, rue du Bois, d’une première tranche de soixante appartements »…

 • Tel était le bilan de ses premières années  passées à l’hôtel de ville que dressait Georges Rougeron dans son « Histoire de Commentry et des Commentryens » (61). Ce qu’il résumait parfois par la formule : « Faire de cet ancien petit village du Bourbonnais une ville résolue à revendiquer sa place dans les temps nouveaux »,  en ajoutant aussitôt: « J’ai toujours essayé de faire des réalisations utiles à la cité, d’en défendre les intérêts, d’être à l’écoute de la population » (62). En cinq décennies, la cité minière aura bien changé, tout comme son tissu économique, au point qu’elle ne sera plus «  la cité sombre et triste, frappée de l’anathème du travail qu’a décrite Emile Mâle en l’une des pages les plus émouvantes, à la fin du siècle dernier. Rénovée, urbanisée, elle se révèle claire et accueillante » (63).

•  LOGEMENT,  ÉCOLES ET LOISIRS

• Un des  éléments marquants des mandats municipaux de Georges Rougeron, c’est de ne pas avoir oublié l’aspect social que suppose la fonction de maire. Il avait pu en donner la preuve dès  1947, lors des grèves  qui éclatèrent dans les mines commentryennes. À peine élu, il avait fat le choix d’instaurer la gratuité des cantines scolaires pour tous les enfants des mineurs grévistes fréquentant les écoles de Commentry. Une mesure qu’il aura l’occasion de mettre à nouveau en œuvre en 1948 et en 1950, lors du conflit de Commentry-Oissel en 1950. 

•  Le social, c’est aussi permettre aux populations les moins aisées d’accéder à des logements salubres en même temps que décents, ce qui était bien loin d’être le cas pour nombre d’ouvriers et de mineurs au sortir de la  guerre.  D’où les importants efforts consentis en faveur du logement et de son amélioration,  qui ont été une constante dans ses préoccupations de maire. L’office communal d’habitations à bon marché, créé en 1924, supprimé en 1945, fut rétabli en 1950, sous l’appellation  d’office communal d’habitations à loyer modéré. Le premier programme de construction, avec 60 logements, débutait aussitôt. Tout au long de ses mandats, ce sont plus de 800 logements H.L.M. qui vont être bâtis parmi lesquels ceux de la rue du Bois (100 logements entre 1954 et 1960),  de la rue Aujame (284 logements entre 1964 et 1973) ou de la rue du Stade (111 logements entre 1976 et 1977). Au début des années 1980, plus d’un Commentryen sur cinq habitait un logement H.L.M. Il faudrait y ajouter les grands programmes de lotissements privés du Bois de Forges, de la Brande ou des Remorêts, qui ont également transformé la cité.

• Autre préoccupation de Georges Rougeron, les écoles. Le vieux Cours complémentaire de garçons et de filles, héritier de l’école primaire supérieure de 1879, avait vu ses effectifs croître, au point que le problème des locaux, vétustes et inadaptés, devait très vite se poser. Le C.C. des garçons était passé de 35 élèves et 2 classes en 1926, à 188 élèves et 7 classes en 1958. Chez les filles, la tendance était encore plus prononcée : 53 élèves dans 2 classes en 1926 mais 239 dans 9 classes en 1958. Au moment de  la disparition des cours complémentaires devenus collèges d’enseignement général en 1960, la construction d’un nouvel ensemble s’avérait indispensable.  C’est en 1977, au terme de son 6è mandat, que Georges Rougeron put inaugurer le nouveau collège Emile-Mâle, construit dans la propriété de Saint-Front que la commune avait acquise. Au vieux-Bourg, à Pourcheroux, les écoles primaires ont été rénovées. Une seconde école maternelle a été construite, rue du Bois, en 1982, afin de soulager celle de la rue du Bourbonnais, entièrement rénovée. Quant aux  cantines, devenues restaurants scolaires, les plus anciennes avaient été modernisées  dès les années 1950, tandis que deux autres ont été créées, en centre-ville et à Pourcheroux. C’est enfin au cours du second mandat de Georges Rougeron que fut inauguré ce qui allait devenir le collège d’enseignement technique puis le lycée d’enseignement professionnel Geneviève-Vincent en 1985.

• La culture,  les loisirs et les sports n’ont pas été oubliés. La vieille bibliothèque municipale, réorganisée en 1950, affichaient alors fièrement ses 141 abonnés et ses 1.241 livres en prêt… Devenue bibliothèque municipale de lecture publique, elle devait rejoindre en 1976 le Centre Civique, rue Lavoisier. On en était en 1985 à  plus de 1.600 lecteurs pour 15.000 ouvrages, quelques années avant que ne sorte de terre La Pléiade. Afin de faire face à l’essor de la pratique sportive, rendant insuffisants l’ensemble sportif Christophe-Thivrier et le stade de la Brande, un vaste programme de construction avait été lancé à partir des années 1960 : le gymnase I (1966-67),  le stade nautique (1970-72), le stade annexe (1972-73), les courts de tennis du stade Thivrier (1977-79) et le gymnase II en 1977.

• 1947-1989 : L’ÉCONOMIE

AU PREMIER PLAN

•  Des deux piliers de l’essor commentryen, la Mine et la Forge, la première a définitivement fermé, tandis que la seconde, après bien des péripéties, a survécu en s’orientant vers des productions d’aciers spéciaux. Elle revient pourtant de loin : « La fermeture de la Forge, écrit le géographe Pierre Couderc (64), était programmée pour 1955. En réalité, grâce à la qualité de son personnel et à la lucidité de ses dirigeants, elle a survécu en s’orientant vers des aciers de haute qualité », le tout au prix d’une diminution de la moitié de ses effectifs entre 1950 et la fin des années 1980. Dès les premiers mois de son mandat de maire, Georges Rougeron avait pu prendre la mesure des mutations en cours et des difficultés économiques et sociales qui en découleraient : « À Commentry-Oissel, à la mine du Bourbonnais, aux Ferrières, la mise en faillite des décolletages requerraient  l’intervention du maire, démarchant les commandes ou recherchant des repreneurs » (65). En 1947, il avait hérité d’une cité où l’on comptait encore, avec les alentours, près de 3.000 mineurs. Ils ne seront plus que 800 en 1954, au début de son second mandat. Il en restera  seulement 250 à la fin de 1955…Six ans plus tard, les derniers mineurs cesseront leur activité, précédant de peu, la fermeture de l’usine Commentry-Oissel en 1964.

  • Face à cette cascade de disparitions, Georges Rougeron n’est pas resté sans réagir, mais sans forcément suivre le schéma attendu d’un élu socialiste… Sa méthode, érigée en « savoir faire » avait suscité l’étonnement du journaliste Alain Rollat qui constatait que « le moins paradoxal (n’était) pas que le successeur de Christou (fût) devenu un élu fort apprécié des patrons locaux ». A ceux qui lui reprochaient de se poser en héritier des grandes figures du socialisme « de lutte », en oubliant les méthodes d’actions qui avaient été les leurs, au cours des luttes passées, Georges Rougeron dévoilait sa ligne de conduite : « Pour qu’une situation économique soit bonne, confiait-il,  il faut qu’existe un climat de confiance entre les entreprises et la mairie. Si j’allais faire le piquet de grève à la porte des usines, les patrons iraient investir ailleurs et cela ne serait pas bon pour les travailleurs d’ici » (66). Cette stratégie, plus proche de celle d’un Marx Dormoy que d’un Christophe Thivrier, n’aura pas toujours été bien comprise, par les  syndicats et parfois même dans les rangs de son propre parti.

 • Quel que soit le jugement que l’on porte sur la méthode, on ne peut nier que Georges Rougeron se soit investi dans la recherche de repreneurs ou d’entreprises nouvelles. En quarante ans, rien que sur le site de l’ex-usine Commentry-Oissel, une dizaine  de sociétés allaient se succéder, avec des fortunes diverses, depuis  Clowez en 1962 et Manubat-Pingon en 1974, jusqu’à Potain, disparu au milieu des années 1980. Sous ses mandats, la boulonnerie Perrot parviendra à surnager, mais il lui faudra accepter la fermeture des établissements de construction métallique Besse, tandis que Thermi-Centre et Soluna, élisaient domicile à Commentry. Un autre pilier économique, le textile devait être source de problèmes pour le maire de Commentry : Sogève Akylon, un des fleurons de l’économie, après s’être hissé vers les sommets, avec 700 emplois en 1975, faillit disparaître victime de la crise, trois ans plus tard. De restructurations en reprises, ses effectifs allaient fondre brutalement. Au cours du dernier mandat de Georges Rougeron, en 1986, on n’y comptait plus que 90 emplois.

• Face à la trilogie Mines – Métaux – Textiles en déclin, « l’élément nouveau des cinq dernières décennies a été l’implantation de la biochimie aujourd’hui représentée par la Société de chimie organique et biologique, A.E.C., filiale de Rhône-Poulenc, producteur mondial de méthionine (…) qui est aussi en tête de la production des acides aminés, venant avec un investissement considérable de construire le plus moderne atelier mondial de vitamines A de synthèse (…). Cet ensemble en fait le second exportateur de la région Auvergne » (67).Pierre Couderc résume par les chiffres ce qu’il qualifie «  d’essor prodigieux » en écrivant  que l’usine «  produisait 195 tonnes en 1957 et devenait premier producteur mondial en 1967 avec 6.795 tonnes » (68).

 • Il n’en restait pas moins que le paysage économique s’était sérieusement obscurci : le 9 mars 1987, en accueillant le nouveau sous-préfet de Montluçon, Georges Rougeron ne pouvait que souligner les chiffres : 557 demandeurs d’emplois dont 217 de moins de 25 ans : « C’est l’aspect le plus désolant qui montre combien le chômage des jeunes, avant que ceux ci n’aient jamais travaillé, puisse être débilitant. Pour eux, pour leurs familles, plaidait-il devant le représentant de l’Etat, c’est une préoccupation majeure avec tous les risques de démoralisations que cela comporte »… Conséquence de ces difficultés économiques, la commune qui pouvait s’enorgueillir d’avoir franchi la barre des 10 000 habitants en 1968, allait enter dans une longue phase de déclin démographique: lors du départ de Georges Rougeron, ils n’étaient déjà plus que 8 000, la baisse se poursuivant encore dans les années suivantes. 

• DES HÔTES DE MARQUE

EN PÉLERINAGE AUX SOURCES DU SOCIALISME

4 Juin 1972: François Mitterrand et Georges Rougeron

Au cours des différents mandats de Georges Rougeron, Commentry qui revendique non sans raison  le titre de « Première municipalité socialiste du monde », est parvenue à attirer l’attention des médias, en accueillant nombre de personnalités socialistes. C’est d’abord, le 4 juin 1972, François Mitterrand, premier  secrétaire du Parti socialiste, venu fêter  un an après le congrès d’Épinay,   les 90 ans de l’élection de la municipalité de Christophe Thivrier. Georges Rougeron et François Mitterrand avaient déjà pu se rencontrer au Sénat, en novembre 1959, alors que le futur président de la République se débattait avec l’affaire de l’Observatoire qui faillit mettre un terme à sa carrière politique: “ Lorsqu’après être descendu de la tribune, il regagna sa place dans l’hémicycle,  ce fut au milieu du silence gêné de ses collègues du Centre Gauche qui affectèrent de l’ignorer. Je m’en trouvai scandalisé et, par une impulsion soudaine, je me levai pour aller lui serrer la main, écrira en 1996  Georges Rougeron dans Les Cahiers Bourbonnais (n° 155) . Je fus seul ce soir-là et il me semble  qu’il s’en soit souvenu”.

Roger Southon, François Mitterrand et Georges Rougeron (4 juin 1972)

• Dans le même article, il décrit cette journée de juin 1972 en ces termes: “ À son arrivée en fin de matinée, l’air de l’Internationale  retentit puis il dévoila dans le hall de l’hôtel-de-ville une plaque commémorative et je lui présentai le registre du conseil municipal  à la date du 4 juin 1882. Un déjeuner réunissant des militants socialistes devait suivre”. Les deux hommes auront l’occasion de se retrouver, ‘ notamment lors du voyage officiel de François Mitterrand en Auvergne, en juillet 1984: “J’eus l’occasion  de l’intéresser à un important projet commentryen, celui de l’ensemble polyvalent qui deviendrait l’Agora, se remémorait Georges Rougeron, douze ans plus tard.  J’avais un peu préparé les choses. Dans le tour de table qui réunit les élus, j’exposai brièvement mon sujet. Il fit un regard rapide de connivence et répondit: “Commentry mérite considération”. Le résultat était acquis: une importante subvention d’état viendrait conforter l’opération”.

•  En juin  1982, à l’occasion du centenaire de l’élection de Christophe Thivrier, François Mitterrand, qui a été  élu président de la république un an plus tôt, a bien été invité par la municipalité commentryenne. Faute de temps, il a dû déléguer la mission de le représenter à  son premier ministre, Pierre Mauroy,  accompagné de Roger Quilliot, maire de Clermont-Ferrand et ministre du logement. Ce sera pour lui l’occasion de saluer  en Georges Rougeron le  “ dernier des Marianneux ” et de lui remettre les insignes de chevalier de la légion d’honneur. Quatre ans plus tard, ce sera au tour de   Laurent Fabius, nouveau premier ministre, flanqué de Danielle Mitterrand, d’Alain Calmat, ministre de la jeunesse et des sports,  et d’Huguette Bouchardeau, ministre de l’environnement, de faire  étape à Commentry. 

Mai 1989: Georges Rougeron et son successeur, Guy Formet, lors de l’installation du buste d’Isidore Thivrier à la mairie

•  Chacune de ces visites est l’occasion, pour les médias, pas uniquement régionaux, de consacrer des articles à l’ancienne cité minière et à son inamovible et atypique maire. Le 11 novembre 1982, Alain Rollat, journaliste au Monde, avait ainsi pris prétexte de la venue de Pierre Mauroy pour se pencher sur le cas de Georges Rougeron, qualifié de « marginal » : « Cent ans après, écrivait-il, le dépositaire de cet héritage, c’est M. Georges Rougeron (…). Etonnant personnage que cet autodidacte, ancien peintre en bâtiment (…)  qui détient tous les records du département en matière de durée de mandat municipal et cantonal, alors qu’il passe plus de temps dans les bibliothèques à faire des recherches historiques, qu’au contact de ses amis  politiques ou de ses électeurs. Tranquille, discret, cet homme (…) revendique comme « un honneur » d’avoir conservé la mairie de Commentry aux socialistes. Son aura personnelle, qui déborde largement les clivages politiques traditionnels, tient à la complexité de sa personnalité. Ici, poursuit Alain Rollat, on lui sait gré de n’avoir jamais recherché les honneurs, d’avoir une conception romaine du civisme, de penser que la gauche au pouvoir serait mieux soutenue, si elle possédait mieux le sens de l’ordre » (69).

La Montagne (6 février 1989)

• Dans le portrait qu’il brossait de lui, le journaliste prenait soin de  faire la part de ce qui relève de la tradition avec « cet historien qui se pique d’être le dernier lien militant entre l’époque actuelle et les hommes de l’autre époque »,  faisant accrocher le drapeau rouge au balcon de la mairie, chaque 18 mars, afin de commémorer  l’anniversaire de l’insurrection de la Commune de Paris, comme chaque 1er mai… Derrière cette façade, il distinguait aussi « une gestion essentiellement consacrée  à moderniser et à équiper une ville qui compte 9.000 habitants », menée par « un marxiste pragmatique (sic), qui apparaît en fait comme un marginal (et qui est) spirituellement, le dernier des Marianneux ». Climat de confiance entre les entreprises et la mairie, discipline au sein du parti, mais aussi un certain goût du pouvoir solitaire :  « Je ne sais pas travailler en équipe », confiait alors Georges Rougeron au journaliste du Monde, reconnaissant explicitement ce que d’aucuns, dans son propre camp avaient pu lui reprocher, avant de préciser que «  la démocratie ne consiste pas à étaler tous les problèmes sur la place publique. Je suis l’Exécutif, j’assume mes responsabilités ».

 • DEUX ÉCHECS AUX LÉGISLATIVES  (1951 ET 1956)

DEUX SUCCÉS AUX SÉNATORIALES (1959 et 1962)

Solidement ancré dans sa commune de Commentry et calé dans son fauteuil de président du conseil général de l’Allier, Georges Rougeron à songé très tôt à prolonger son engagement politique au plan national. S’il avait ambitionné de se présenter aux élections du conseil de la république, le fait qu’il ait été devancé par le Montluçonnais André Southon lors du congrès fédéral de Varennes-sur-Allier, en juin 1948, l’avait amené à renoncer à l’investiture de son parti. Ce n’est que partie remise et l’occasion se présente à nouveau  en 1951. Toujours secrétaire de la fédération socialiste SFIO de l’Allier, il se porte candidat aux élections législatives du 17 juin. Il n’a toutefois pas obtenu la tête de liste du parti socialiste qu’il briguait. Les militants lui ont préféré Gilles Gozard. Ce dernier sera le seul élu et, pour Georges Rougeron, qui figurait  en deuxième position sur la liste de la SFIO, c’est  un nouvel échec. Autre déconvenue, en janvier 1956, malgré le nombre important de voix qui se portent sur son nom, il échoue à nouveau aux élections législatives.  C’est  en partie ce qui explique que, en 1958, sollicité par son parti pour une troisième tentative, il déclinera la proposition.

• Finalement, c’est vers la Haute assemblée, qu’il va se tourner, en 1959, un an après la fondation de la Vè République. Sur cette période qu’il qualifie de “cruciale” pour Georges Rougeron, l’historien Fabien Conord écrit:  “Les circonstances du retour au pouvoir de Charles de Gaulle ont provoqué la colère et l’indignation de Georges Rougeron qui s’est révélé avec Fernand Auberger l’un des plus farouches opposants à la mise en place des nouvelles institutions. Ils appelèrent à voter « non » au référendum du mois de septembre (1958), suivis par la majeure partie des conseillers généraux socialistes du département”. Cette opposition pourra même prendre des allures symboliques au sein du conseil général, alors sous tutelle préfectorale: “Georges Rougeron continua à clamer son opposition au régime gaulliste, rappelle Fabien Conord,  notamment grâce aux vœux politiques qu’il émettait au conseil général, dans un bras de fer permanent avec les préfets successifs : sous sa présidence, l’Allier fut le seul département à refuser des frais de représentation au corps préfectoral !”. Face à des préfets aux personnalités fortes et soucieux d’asseoir leur autorité sur l’assemblée départementale, on comprend que les conflits n’aient pas été rares, comme on a pu le voir précédemment, en évoquant les présidences de Georges Rougeron à la tête du conseil général. 

• Pour Georges Rougeron, cette nouvelle constitution présente toutefois un avantage: elle a préservé l’existence d’une seconde chambre,  le Conseil de la république s’étant  mué en un Sénat dans lequel Georges Rougeron voyait « une incontestable chambre de réflexion, utile à la vie démocratique » .  Si la désignation d’André Southon (1906-1959), sénateur sortant et maire de Montluçon, comme candidat de la S.F.I.O. n’a guère soulevé de problèmes, celle de Georges Rougeron a entraîné un conflit avec l’autre sénateur sortant, Fernand Auberger (1900-1962). Maire de Bellerive, il siège  au conseil de la république, depuis 1948 : « Le conflit était inévitable, Fernand Auberger ne pouvant accepter de perdre le mandat (qu’il avait exercé) durant près de onze ans » , écrit Jean-Luc Albert (70). Par ailleurs, le choix des deux candidats issus de l’arrondissement de Montluçon, laissant seulement des postes de suppléants à ceux de Moulins et de  Vichy, n’avait sans doute pas été apprécié par nombre  de maires ruraux des territoires concernés.

• Dans un climat de désunion et de  « luttes intestines », (71) Fernand Auberger décide de  maintient sa candidature, sous l’étiquette Socialiste, mais sans l’investiture de son parti.  A l’issue du second tour, Georges Rougeron se retrouve élu sénateur de l’Allier, avec 448 voix sur 981 suffrages exprimés. Une victoire certes sans éclat, qu’il a pu acquérir grâce aux soutiens des grands électeurs communistes, au second tour. En revanche, son colistier, André Southon, est battu face à Fernand Auberger qui voit ainsi son mandat de sénateur renouvelé, avec 529 voix. Le 6 mars 1962, au retour d’un voyage d’études en Guyane et à la Martinique, il  décédera brutalement et c’est  son suppléant, François Minard,  qui fera son entrée au Palais du Luxembourg, pour quelques mois seulement, tandis que son épouse, Alice Auberger, sera élue conseillère générale du canton d’Escurolles.

• En septembre 1962, l’Allier faisant partie des départements qui ont été tirés au sort pour le premier  renouvellement du tiers des sénateurs, Georges Rougeron est à nouveau candidat et,  au second tour, il est réélu, avec 638 voix sur 951 suffrages exprimés. Deux tiers des grands électeurs se sont portés sur son nom. Quant à son colistier, Roger Besson, il est également élu, avec 560 voix. Au palais du Luxembourg, où il a  siégé pendant douze ans, Georges Rougeron sera membre de la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (6 mai 1959) puis de la Commission des affaires culturelles (8 octobre 1959). 

• Son passage par le palais du Luxembourg s’achèvera par sa défaite lors du renouvellement de septembre 1971. Entre temps, il se sera montré comme un parlementaire particulièrement actif au sein de la haute assemblée: il est ainsi,  dans cette période, l’auteur de 520 questions écrites adressées au gouvernement, soit près d’une cinquantaine par an ! Des questions auxquelles il faut ajouter  des propositions de résolutions et des interventions : les 9 novembre 1961 et 7 novembre 1963, lors de la discussion du projet de loi relatif à la protection des animaux, un thème qui lui tenait particulièrement à cœur ; le 9 janvier 1963, dans la discussion du projet de loi instituant la Cour de sûreté de l’Etat ; le 17 décembre 1964, à propos de la proposition de loi constatant l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité. Le 16 mai 1968, enfin, il dépose une proposition de résolution tendant à créer une commission d’enquête parlementaire  sur « les événements survenus à Paris du 3 au 11 mai 1968 » . En 1963, en 1964 et en 1967, il était aussi intervenu à la tribune du sénat, lors de la discussion du budget de l’éducation nationale.

• Pour celui qui était un autodidacte et dont le  cursus scolaire s’était limité à la fréquentation de l’école primaire publique, on comprend l’intérêt qu’il pouvait porter que les questions de l’éducation et de la jeunesse, quitte à se retrouver parfois en décalage avec les aspirations de cette Jeunesse. Ainsi, en 1964, il s’inquiétait de ce que pouvaient être les préoccupations des élèves et de ce que seraient leurs engagements futurs : « Nombreux sont, de nos jours, les adolescents à ne plus ignorer la date de naissance, ni les étapes de la déconcertante carrière de Johnny Halliday, faisait-il remarquer. Combien savent qu’un garçon de leur âge, qui s’appelait Guy Mocquet, est tombé, voici vingt ans, dans la carrière de Chateaubriand, en criant vive la France ! »

• Dans le même but de promouvoir l’école, il intervint souvent sur la question de la fermeture des écoles rurales «  que ne compense pas le ramassage scolaire », tout en déplorant, en 1967, « l’absence d’instituteurs en raison du rôle qu’ils jouaient ». La protection de l’enfance est un autre de ses centres d’intérêt  On retrouve ainsi la trace de plusieurs questions écrites, en 1965 et en 1967, concernant la réglementation des « jouets sadiques », tels une « guillotine en plastique » qui semble alors avoir remporté un succès commercial. En 1968, au moment des « événements de mai », il n’hésitera pas  à se rendre à l’Odéon, occupé par les étudiants. La chronique des Cahiers bourbonnais rapporte que « Georges Rougeron intervient devant un millier d’étudiants et d’autres auditeurs. Il précise le sens politique qui doit s’attacher dans la conjoncture actuelle au mouvement des masses. Son intervention qui avait suscité un vif intérêt ne donna lieu à aucune contradiction », conclut l’auteur de l’article. Il n’empêche, comme le rappelle Fabien Conord, que « Georges Rougeron resta pour le moins sceptique à l’égard de certaines évolutions, et particulièrement au mouvement de mai 1968, qu’il critiqua vertement au Sénat le 19 mai 1971 (dénonçant) “une agitation pseudo-gauchiste” dont “le débraillé”  et les “ injures aux professeurs” avaient affaibli selon lui l’école nationale”. C’est sans doute ce qui fera écrire en 2004  à Patrice Rötig, dans la revue Interval, qu’il “avait aussi des raideurs intellectuelles”, ajoutant que “d’aucuns diraient des penchants réactionnaires”. Dans la même publication, Jean Gravier  qui fut brièvement député de l’Allier, préfère parler d’un “homme honnête, scrupuleux, froidement déterminé, endurci par les coups qu’il avait reçus, méfiant et assez misanthrope. Mais, il y avait des côtés attachants”. Et de conclure en voyant en lui “une sorte de curé laïque”.

• Le non-respect des  droits de l’homme ne pouvait évidemment pas laisser insensible l’ancien résistant. En pleine guerre d’Algérie, il interpelle le ministre des armées à propos de brutalités qu’aurait subies un jeune soldat du 14è RI de Toulouse au cours d’une marche. Ces faits, qui avaient été révélés par la presse, débouchèrent sur des sanctions. Un autre thème récurrent de ses interventions est la protestation « contre les entraves mises à l’exercice du droit syndical pour les travailleurs ». Georges Rougeron n’oublie cependant pas qu’il est aussi historien. C’est ce qui lui vaut  d’interroger en 1962 le ministre des affaires étrangères sur « l’existence d’un dossier « Descendance Louis XVII » qui n’aurait jamais été communiqué » et sur « l’existence d’une éventuel dossier aux Archives du Vatican ». En 1968, il s’inquiète également auprès des Affaires culturelles de la reprise des fouilles de Glozel. Au fil des questions écrites, il se révèle un ardent défenseur des animaux et un grand pourfendeur de la chasse à courre, à une époque où le thème est peu porteur dans l’opinion publique. Dans une question adressée au ministre de l’agriculture en 1960, il s’en prend vivement à cette activité « au caractère particulièrement écœurant (…) survivance d’un autre âge, qui consiste à traquer sauvagement un animal gracieux et sensible, pour ensuite s’en partager les dépouilles . Cette chasse, ajoute-t-il, présente un aspect de sadisme à l’usage d’oisifs décadents (sic), indignes d’une société civilisée »…On imagine aisément qu’il ne se soit pas fait que des amis du côté de Tronçais et sans doute aussi parmi ses collègues sénateurs.

• Georges Rougeron perdra son fauteuil de sénateur en septembre 1971, un an après celui de président du conseil général et pour des raisons similaires. Le tandem qu’il avait alors constitué, pour la S.F.I.O. avec Pierre Gonard, le suppléant de Roger Besson en 1962, devait affronter celui constitué par Jean Nègre et Jean Cluzel. Le premier, maire de Montluçon depuis 1959, ancien de la S.F.I.O. dont il avait été exclu, foncièrement hostile à tout rapprochement avec le parti communiste, se revendiquait désormais de la social-démocratie. Il  était devenu vice-président du conseil général en 1970. Avec son collègue Pierre Boulois, animé par les mêmes motivations, il avait  provoqué le basculement du conseil général à droite et au centre-droit, mettant fin à 25 ans de présidence Rougeron. Le second, centriste issu de la démocratie chrétienne,   était alors conseiller général de Moulins Ouest et président de  l’assemblée départementale depuis 1970.

•  Face à la liste Rougeron – Gonard, baptisée sobrement Socialiste,  Jean Nègre et Jean Cluzel avaient  opté pour l’appellation Liste d’union républicaine et socialiste. Habituellement feutrée, la campagne des sénatoriales de 1971 connut divers soubresauts, via une série de tracts à la tonalité parfois « musclée » que les principaux candidats échangèrent. Dès le premier tour Jean Cluzel, avec 539 voix, et Jean Nègre, avec  540 voix l’emportèrent. Seuls 247 grands électeurs avaient  opté pour Georges Rougeron et 278 pour Pierre Gonnard, tandis que les candidats de la liste communiste, Henri Guichon et  Roger Berthon, obtenaient respectivement 196 et 191 voix. En analysant les résultats, Jean-Luc Albert écrit :  « L’année 1971 marque l’aboutissement provisoire d’un déclin de la gauche bourbonnaise et surtout du P.S. Le renouvellement faisait immédiatement suite au changement de majorité qui s’était produit au conseil général (1970), événement majeur, s’il en fut, par la nouvelle approche politique qui en avait résulté, par la majorité constituée mais aussi par la concrétisation des divergences stratégiques ayant opposé certains notables de la S.F.I.O. aux tenant de nouvelles orientations du parti socialiste. Aspect généralement passé sous silence, cet épisode avait aussi montré les difficiles relations que M. Rougeron avait pu entretenir avec d’autres notables socialistes départementaux ». (72).  Sur cette défaite, Fabien Conord considère que c’est « sa fidélité inébranlable à son parti (qui) lui valut de perdre son mandat de sénateur face à Jean Nègre le 26 septembre 1971, défaite qui l’affecta fortement, ainsi qu’en témoigne sa correspondance ».   Quant à André Touret, il souligne que “Georges Rougeron  se trouvait pratiquement évincé de la vie politique bourbonnaise (…). Pour la première fois  depuis 1946, il n’y avait plus de socialistes (issus de l’Allier) au sénat, ni depuis 1968 à l’assemblée nationale”. Tout en conservant ses fauteuils de maire de Commentry et de conseiller général, Georges Rougeron fera  toutefois  une ultime incursion hors des terres bourbonnaises, en siégeant au conseil régional de l’Auvergne, de 1982 à 1985. 

•  S’il ne nous appartient pas de juger de  l’action politique du maire, du conseiller général et du sénateur, il n’est pas interdit de laisser la parole aux témoignages des militants commentryens sur son implantation. Roger Durin, qui fut son premier adjoint dans les années 1980, en évoquant son rôle dans le renaissance de la S.F.I.O. et son essor, déclarait ainsi en novembre 2002 (73) : « J’étais jeune, j’avais 17 – 18 ans, dans une réunion Rougeron parlait…Et j’ai été ébloui, j’ai été estomaqué. Il a l’art de la formule…Il sait envelopper les mots…Le Socialisme à Commentry, moi j’avais l’impression qu’il était porté par Rougeron…Il a fallu, et là ça a été une bonne opération, que les circonstances fassent que Rougeron ne trouve pas sa place à Montluçon, qu’on le bombarde à Commentry et il a remobilisé les gens…Et à cause de son charisme, de son aura, de ses connaissances, de sa faconde, de sa facilité plutôt à parler, à exposer les choses, et puis aussi le fait qu’il a su être un administrateur, à cause de tout ça, il a fait renaître le parti à Commentry »…

NOTES ET RÉFÉRENCES  DE LA TROISIÈME PARTIE (43 à 73)

43-  Sur l’histoire des administrations départementales sous l’Occupation, voir Georges Rougeron Les administrations départementales de l’Allier (1940-1945). Pour la période 1945-1958 et 1958-1970, on se reportera aux ouvrages du même auteur : Le conseil général :Tome III (1945-1958) et Tome IV (1958-1970).

44– Bulletin départemental de l’Allier, 1958, pp. 164-165.

45- Jean-Luc Albert, La vie politique dans l’Allier sous la Vè république (Revue d’Auvergne, Société des Amis des universités de Clermont-Ferrand, 1984).

46- À l’usure du pouvoir et au recul des socialistes en nombre de sièges au conseil général, il faut ajouter un autre élément : avec la création en 1969  du nouveau P.S.,  deux ans avant le congrès refondateur d’Epinay, on s’oriente au plan national vers un rapprochement avec le P.C.F.. Dans l’Allier, si cette orientation a été approuvée à la majorité, à Commentry, en juillet 1969, lors de la réunion de la fédération départementale, elle n’en a pas moins « désorienté » des élus et notables locaux de l’ancienne Fédération de la Gauche démocrate socialiste (F.G.D.S). Jean Nègre (1907-1972), conseiller général et successeur d’André Southon à la mairie de Montluçon en 1959, incarne ce courant. S’il avait accepté de se retirer au second tour des législatives de 1968, après avoir été distancé par le candidat communiste, Henri Védrines, il s’était bien gardé de se désister et d’appeler à voter pour lui.

47– Bulletin du département de l’Allier, n°1, mars 1976.

48– Nécrologie : Georges Rougeron, publiée dans La Montagne (12 août 2003).

49– Commentry salue la mémoire de son ancien maire, publié dans  La Montagne (14 août 2003).

50- Georges Rougeron, Les préfets de l’Allier (1944-1969) (Imp. Typocentre, 1970). Dans ces quelques lignes prémonitoires écrites en 1970, on retrouve ce qui sera la philosophie de la décentralisation entreprise à partir de 1982, sous l’égide du Ministre de l’Intérieur de l’époque, Gaston Defferre.

51- Georges Rougeron, Les préfets de l’Allier (1944-1969). 

52- Georges Rougeron, Les préfets de l’Allier (1944-1969) .

53- Georges Rougeron, Le conseil général de l’Allier : tome IV : 1958-1970 (Imp. Typocentre, 1978).

54- Georges Rougeron Les préfets de l’Allier (ouvrage cité).

55- Georges Rougeron, Le conseil général de l’Allier, ouvrage cité.

56- Georges Rougeron, Les préfets de l’Allier (ouvrage cité).

57- Georges Rougeron, le conseil général de l’Allier (ouvrage cité).

58-Georges Rougeron, le conseil général de l’Allier (ouvrage cité).

59– La Montagne (14 août 2003), article cité.

60- Georges Rougeron, Histoire de Commentry et des Commentryens (éd. des Cahiers bourbonnais, 1986).

61- Georges Rougeron, Histoire de Commentry et des Commentryens

62– Georges Rougeron va quitter sa mairie de Commentry (article de Pierre Gironde dans La Montagne, 6 février 1989).

63- André Legai (sous la direction de), Histoire des communes de l’Allier : arrondissement de Montluçon, canton de Commentry (éd. Horvath, 1986).

64- Pierre Couderc, Evolution économique de la région urbaine de Montluçon Commentry (1945-1995), publié dans  Cent cinquante ans d’activités culturelles en Bourbonnais (Bulletin de la Société d’émulation du Bourbonnais, Tome 68, 2è trimestre 1996).

65- Georges Rougeron, Histoire de Commentry…(ouvrage cité)

66- Interview de Georges Rougeron par Alain Rollat, article publié dans Le Monde, 11 novembre 1982.

67– Histoire des communes de l’Allier…(ouvrage cité). Le signataire de ces lignes n’est autre que Georges Rougeron, qui avait été chargé de traiter du canton de Commentry. Depuis 1986, date de parution de l’ouvrage, l’entreprise  a changé de propriétaires et a quitté le giron de Rhône-Poulenc, tout en conservant ses principales productions.

68- Pierre Couderc, article cité.

69- Alain Rollat, Le Monde, 11 novembre 1982, article cité.

70-Jean-Luc Albert, La vie politique dans l’Allier sous la Vè République, ouvrage cité.

71- En 1955, Georges Rougeron avait donné sa démission de secrétaire fédéral de la S.F.I.O. Face à la politique que prônaient Guy Mollet ou François Mitterrand, sur la question algérienne, à propos de laquelle  il ne cachait pas son désaccord.

72-Jean-Luc Albert, ouvrage cité.

73- Fabien Conord, Espaces et réseaux socialistes dans l’Allier 1944-1969  (Mémoire de maîtrise, Université Blaise-Pascal, p.221).

IV – UN INFATIGABLE EXPLORATEUR

DE LA MÉMOIRE POLITIQUE BOURBONNAISE

• L’attrait de Georges Rougeron pour l’histoire et la recherche historique remonte, on l’a vu, aux années d’avant guerre. Il ne s’agissait pas alors, pour lui, d’assouvir simplement une passion, en se livrant à une recherche purement « gratuite » et «  en chambre », mais de « relier les anciens aux nouvelles générations, de faire œuvre de pédagogie, afin de permettre (..) la construction d’un avenir meilleur, à partir d’un héritage de luttes et de conquête » (74). Ces « anciens » et la longue histoire de leurs luttes, il ira d‘abord les dénicher dans sa terre d’élection, le Bourbonnais, suivant en cela les recommandations d’un Joseph Viple, avec une prédilection pour la période postérieure à la Révolution : les hommes, les institutions, les luttes…

• AVEC LA SOCIÉTÉ D’ÉMULATION DU BOURBONNAIS

Pour trouver des relais efficaces, Georges Rougeron avait  suggéré aux sociétés savantes d’aller  davantage vers le grand public par des initiatives à la fois simples et concrètes. En 1945, la guerre à peine achevée, il s’en ouvre à la vieille Société d’Emulation du Bourbonnais, qui a survécu à la Seconde guerre mondiale, tout comme elle avait traversé la Première ou la guerre de 1870. L’Emulation, qui est née sous le règne de Louis-Philippe, en 1845, s’apprêtait alors à fêter son centenaire et elle  venait de porter à sa présidence Marcel Génermont (1891-1983), architecte de formation et historien du Bourbonnais dans l’âme. Les deux hommes se connaissent pour s’être déjà rencontrés, notamment à l’époque où le compagnon plâtrier-peintre travaillait avec son père sur des chantiers dirigés par l‘architecte des Bâtiments de France. Lors de l’ouverture de la séance du 1er mai 1945, qui doit se pencher sur le programme du centenaire, Marcel Génermont donne lecture d’une lettre de Georges Rougeron, qui n’entrera au conseil général de l’Allier qu’en septembre suivant : « Ne serait-il pas possible d’envisager, par accord entre la Société d’émulation et les pouvoirs publics, l’apposition de plaques à travers le département qui rappelleraient un lieu, un événement historique ? ». De quoi rendre l’histoire palpable par tous, en lui donnant du relief. Après avoir avancé quelques exemples, il concluait sa missive en écrivant:  « Ainsi, nos compatriotes, qui malheureusement ignorent trop du passé de leur petite patrie, comme nos visiteurs, effeuilleraient au hasard des promenades un livre d’histoire, là où elle a été vécue. J’ai cru bon, ajoutait-il avec force modestie, de vous livrer cette idée pour ce qu’elle vaut, laissant à de plus qualifiés que moi le soin d’en tirer ce qui peut être recueilli ».

       Cette suggestion ne semble pas avoir laissé les membres de la docte assemblée insensibles puisque, dans le compte-rendu du Bulletin, on lit qu’elle «  est très favorablement accueillie par l’Assemblée qui charge le Bureau d’entrer en rapport avec M. Rougeron, pour sa mise au point et son exécution ». (75). Deux mois plus tard, le 3 juillet 1945, Georges Rougeron faisait son entrée à la société d’Emulation, sous le parrainage de Marcel Génermont. Il en restera membre jusqu’à la fin de ses jours. Entre les deux hommes, par delà les divergences de vue politiques ou religieuses, va naître une longue amitié : « Ce qui m’avait frappé, en M. Marcel Génermont, écrira Georges Rougeron, c’était, accompagnant son érudition, le mélange humain de distinction et de modestie qui rayonnait en sa personnalité, au service de la foi bourbonnaise (…).Personnellement, je n’eus qu’à me louer de nos rapports, à mesure que les circonstances amenèrent à les développer. Nous échangions des consultations, des informations, toujours avec bienveillance de sa part et respect de la mienne ». (76).

• PROMOUVOIR LE BOURBONNAIS

PAR SON HISTOIRE

• Son accession à la présidence du conseil général de l’Allier, en septembre 1945, lui permet d’utiliser les liens entre ce qui fut le territoire des Bourbon et ce qui est devenu le département de l’Allier, pour promouvoir ou soutenir des initiatives dont l’histoire est toujours à la base. Au cours de l’année 1953, sur sa proposition, le conseil général lance, le premier, l’initiative de célébrer en 1955 le millénaire du Bourbonnais. Les deux sénateurs de l’Allier, André Southon et Fernand Auberger, séduits par l’idée iront encore plus loin, en déposant devant le Parlement une proposition de loi tendant à faire de cette commémoration une manifestation nationale, avec participation du Président de la République. Célébrer les sires de Bourbon…L’idée fait son chemin, mais elle suscite dans les rangs du Conseil général quelques interrogations, voire des critiques.

• Le 22 mai 1955, Marcel Génermont expliquera, devant les membres de la société d’Emulation, le sens de la célébration : « Comme l’a fait remarquer M. le Président Rougeron, dans son discours inaugural de la dernière session du conseil général, ce n’est pas aux seuls ducs temporels que devra aller notre hommage, mais aussi aux ducs spirituels, et nous honorerons les écrivains, qui de Villon à Charles-Louis Philippe ont chanté la terre natale, et les modestes maîtres d’œuvre et artisans qui l’enrichirent de ces merveilles architecturales, des peintures, sculptures et vitraux, attraits pour nos touristes. (Notre hommage) va encore aux humbles dont le labeur ingrat a fait de la province ce qu’elle est aujourd’hui, aussi bien les moines qui en défrichèrent la glèbe inculte et les forêts profondes, que les manants et les serfs qui firent fructifier la terre de leurs aïeux (77) ». Sans avoir le faste prévu, les hautes autorités de l‘Etat s’étant abstenues, le millénaire  suscitera de nombreux articles dans la presse nationale et la radio, régionale et nationale, s’en fera largement l’écho. L’objectif était atteint. En 1970, pour la commémoration du 7è centenaire de la mort de Saint-Louis, on retrouvera le même souci de Georges Rougeron d’y associer le département et il devra faire face aux mêmes réserves de la part de certains de ses collègues.

• Les fréquents séjours à la Préfecture, avant, pendant ou après les sessions du conseil général, vont apporter à Georges Rougeron  une autre opportunité : la fréquentation régulière des archives départementales, au cours de ses nombreux séjours moulinois, qui va nourrir et amplifier ses recherches. En fin de journée ou entre deux réunions, il en devient un des « clients » les plus assidus, dans la solitude de la petite pièce  sombre qu’on finira par lui réserver presque exclusivement. Sa signature apparaît dans le Bulletin de l’Emulation dès le volume de 1946-1947, avec un sujet étonnant, « Un prêtre socialiste bourbonnais sous la IIè République »…Ce texte marque le début d’une collaboration qui va durer quarante ans pour s’achever avec les ultimes contributions publiées dans le volume 1986-1987 (78). 1946, c’est aussi l‘année où il publie son tout premier livre sur Le mouvement socialiste en Allier. Deux ans plus tard, il apportera une large contribution à la rédaction du volume commémorant le centenaire  de la Révolution de 1848. 

•DE  « NOTRE BOURBONNAIS » JUSQU’À

« ÉTUDES BOURBONNAISES »

À la même époque, il se rapproche d’une autre société savante, la Société bourbonnaise des études locales, qui publie le bulletin Notre Bourbonnais. Fondée en 1912, elle n’était alors que la Section départementale de la Société des Etudes locales de l’enseignement public. Elle s’adressait essentiellement à un public d’instituteurs et d’institutrices, formés par les deux écoles normales de Moulins, soucieux d’alimenter leurs cours par des faits et des documents  tirés de l’histoire locale, tout en les encourageant à s’investir dans la recherche historique locale. Jusque dans les années 1970, la couverture verte  de son bulletin s’ornera même d’une citation d’Augustin Thierry affirmant que « L’histoire de la contrée, de la province, de la ville natale est la seule où notre âme s’attache par un intérêt patriotique ». En 1920, la Société a repris ses activités et c’est Joseph Viple, futur auteur du Manuel des Etudes Bourbonnaises qui en assumera la présidence, jusqu’à sa mort en 1947. Le flambeau passera alors, pour un quart de siècle, à Ovide Delaunay. Le  public de la S.B.E.L étant différent et complémentaire de celui de  l’Emulation, Georges Rougeron en devient dès 1949 un des collaborateurs les plus assidus. On trouvera sa signature au bas de dizaines d’articles, dont les derniers paraîtront en 1996. En même temps, l’appui matériel du Conseil général à la S.B.E.L ne se démentira jamais, y compris lorsqu’elle s’engagera dans opérations financièrement plus lourdes, telles que l’édition des recueils de textes d’histoire bourbonnaise. On comprend que la S.B.E.L. ait fait de Georges Rougeron un de ses présidents d’honneur.

• « S’INTÉRESSE À L’HISTOIRE BOURBONNAISE… »

On ne peut évidemment passer sous silence sa longue collaboration avec les Cahiers bourbonnais, dont il avait encouragé la création en 1957 par Marcel Génermont. Lecteur de la première heure, soutien indéfectible, il était sans doute le doyen des abonnés. Entre le n° 15 (1960) et le n°158 (1996), on relève plus d’une quarantaine d’articles et d’études. Sous ses présidences, l’austère Bulletin officiel du département de l’Allier, lui aussi, va s’ouvrir à l’histoire, en y incluant désormais des études historiques sur les hommes politiques et les institutions départementales. Quant aux journaux, magazines, revues et publications de toutes sortes, auxquels il apportera sa contribution, plus ou moins régulièrement, la liste en est longue et la bibliographie qui clôt cet article est loin d’être exhaustive.

  • De cette abondance de travaux, auxquels il faut ajouter les livres et brochures publiés, Georges Rougeron ne cherchait à tirer aucune gloire. À cet égard, la lecture de sa biographie dans le Who’s who est révélatrice (79). Si, à la rubrique « Etudes », comme on l’a vu précédemment, il ne cherchait pas à dissimuler la modestie de son bagage initial,  à la rubrique « Œuvres », il se contentait d’indiquer succinctement « Divers travaux d’historiographie bourbonnaise ». Un peu plus loin, maniant l’euphémisme, il notait : « S’intéresse à l’histoire bourbonnaise »…C’était faire preuve de beaucoup de modestie au vu de la réalité. Dans le journal La Montagne, lorsque Pierre Gironde l’avait interrogé sur ses goûts (80), il avait répondu n’avoir « qu’une seule passion en dehors de la politique : l’histoire. Autrement, ajoutait-il avec malice, je ne chasse pas, je ne pêche pas, je ne vais pas au cinéma, je ne joue pas aux cartes, je ne fais pas de concours »…  Pour la seule période 1934-1984, il avait lui-même établi une bibliographie de ses travaux et les quatre fascicules dactylographiés peuvent être consultés aux archives départementales. Sous réserve d’oublis, on estime  qu’il a publié en un demi siècle pas moins de 63 livres, brochures ou plaquettes, 252 articles de journaux et, au minimum, 610 études et communications. Entre la recherche, le dépouillement des documents et la rédaction des textes, on imagine la part importante de sa vie qu’il y a consacrée.

• L’HISTORIEN DU DÉPARTEMENT DE L’ALLIER

ET DE SES ADMINISTRATIONS

• La bibliographie, que l’on pourra lire à la suite, donne un panorama de ses travaux, dont la plus grande partie couvre la période de 1789 jusqu’à la seconde moitié du XXè siècle, même si Georges Rougeron s’est aventuré sur le terrain de l’Ancien Régime, via des études telles que celles portant  sur les intendants et la province de « Bourbonnois ». À travers une multitude de titres, on peut dégager quelques grands thèmes majeurs. Incontestablement, l’histoire du département, de ses administrations et de ses acteurs politiques en est un. Dans ses études réunies sous le titre collectif « Les administrations départementales de l’Allier », dont la publication s’est étalée sur une trentaine d’années,  on peut suivre pas à pas l’histoire du conseil général de l’an VIII à 1870 (1958), de 1871 à 1940 (1960), de 1945 à 1958 (1967) et de 1958 à 1970 (1978). Dans ces deux derniers  volumes, il parvient à narrer avec honnêteté, sinon avec objectivité, une histoire, dont il était  en même temps acteur, en tant que conseiller général et président de  l’institution. S’il n’est pas allé au delà de 1970, hésitant sans doute à s’aventurer sur le sol mouvant de l’histoire immédiate, il a prolongé ses recherches par une étude sur les administrations de l’Allier, de la naissance du département jusqu’à la création du conseil général, en l’an VIII (1957), tout comme il a consacré un volume aux hommes, les Administrateurs et les assemblées départementales de l’Allier (1870-1945) (1956). La césure de l’Etat Français, de l’Occupation  et de la Libération, depuis la disparition des conseils généraux jusqu’à la naissance du Comité départemental de Libération, n’a pas été pas été passée sous silence, puisqu’elle est le thème des Administrations départementales de l’Allier (1940-1945) (1960) Enfin, la création de ce même département de l’Allier, a fait l’objet d’une autre étude, La formation du département de l’Allier (1961).

• Dans le prolongement de ces monographies, on trouve aussi une synthèse intéressante sur Les familles politiques au conseil général de l’Allier (1871-1940) (1977), et sur Le département et les services publics en Allier (XVIIIè-XXè siècles) (1987), ainsi que sur les réseaux de  communication dont le département avait la charge. Cela donne « La vicinalité départementale de l’Allier » (1957), « Les chemins de fer départementaux de l’Allier » (1957) ou, plus globalement Les voies de communication en Allier (XVIIIè-XXè siècles) (1979). Avec les préfets de l’Allier (1944-1969), il a poursuivi et complété le volume sur les administrateurs, ce qui lui permettait de faire le point sur des personnalités, dont les relations furent plus ou moins bonnes avec l’assemblée départementale d’avant la décentralisation. Il est vrai, et Georges Rougeron le rappelait, que « dans la carrière (préfectorale) l’Allier garde obstinément la réputation d’un département difficile », selon les confidences que lui avait faites un ministre de l’intérieur…

• Parce qu’il avait conscience que tout n’avait pas commencé en 1789, Georges Rougeron avait également exploré les administrations sous l’Ancien Régime, soulignant ici les ruptures et, là, les continuités : aux volumes sur les administrateurs et sur les préfets, répondirent ceux consacrés aux Intendants en Bourbonnais, en la généralité de Moulins, des origines à 1790 (1980) et Les Gouverneurs du Pays et duché de Bourbonnois, des origines à 1790 (1983), le tout complété par des recherches sur  Les administrations provinciales en Bourbonnais (1780-1790) (1985).On mesurera encore mieux la somme de recherches mises à la disposition du public, lorsqu’on aura rappelé que la plupart des personnages cités faisaient en général l’objet d’une notice biographique, aussi précise que concise.

• Périodiquement, Georges Rougeron remettait l’ouvrage sur le métier et glissait, de volume en volume compléments, précisions, errata et addenda… Que de temps passé  dans les fonds d’archives, parfois loin du Bourbonnais, pour découvrir la date manquante ! Travail d’autant plus ingrat que les thèmes développés étaient loin de ce qu’il est convenu d’appeler « l’histoire grand public ». La présentation des livres, sous couverture vert-sombre ou jaune, sans la moindre illustration, avec pour unique ornement le sceau de la république française, ne faisait qu’en accroître l’austérité. Une seule fois, il aura dérogé à la sacro-sainte couleur uniforme : en traitant du Personnel épiscopal bourbonnais (1789-1969) (1970), il avait opté pour la couleur pourpre qui seyait mieux aux autorités ecclésiastiques. Si le grand public a ignoré le plus souvent ses travaux, il serait intéressant de savoir combien de chercheurs, d’historiens, ou d’étudiants ont, un jour ou l’autre, puisé dans les Rougeron”. Dans un article qu’il lui a consacré en 2004, le journaliste et éditeur Patrice Rötig, selon lequel Georges Rougeron “écrivait l’histoire d’une manière souvent sentencieuse”, reconnaît que “son abondante production n’en reste pas moins  précieuse pour les générations futures”. Et de terminer sur un “un bon souvenir: celui de Georges Rougeron, toujours accueillant aux jeunes qui se piquaient d’histoire ou de politique”.

• DOCTEUR EN HISTOIRE… À 71 ANS

En élargissant le champ de ses recherches, il avait aussi élaboré de brillantes synthèses sur Le département de l’Allier sous la IIIè République (1870-1940) (1965), sur Le département de l’Allier sous l’Etat Français (1940-1944) (1969) ou sur La Résistance dans le département de l’Allier (1940-1944) (1965).  Le premier de ces ouvrages, partiellement remanié, allait devenir la base d’une thèse de doctorat d’histoire qu’il soutint en octobre 1982, devant l’université Blaise-Pascal. Qu’on imagine ce septuagénaire, titulaire du seul  certificat d’études primaires, face à un  jury  composé de Jean-Jacques Becker (rapporteur), de Jacques Droz et de René Rémond (président). Ils finiront par être séduits par ce travail en  accordant à son auteur non seulement le titre de docteur en histoire, mais aussi en lui décernant la mention Très bien. Georges Rougeron se retrouvera ainsi docteur en histoire, à un âge où beaucoup d’autres penseraient à couler une retraite paisible.

La Montagne – 12 octobre 1987

 • Le second ouvrage, Le département de l’Allier sous l’Etat français, récit d’une époque qu’il avait vécue en première ligne, et dont il avait déjà évoqué certains aspects (Les administrations, la résistance) constituait un véritable défi : traiter de l’histoire d’un département, l’Allier, dont l’une des principales villes, Vichy, avait été capitale de l’Etat Français, entre 1940 et 1944. Qui plus est, lorsque l’auteur avait été lui-même un acteur et qu’il affirmait faire œuvre d’historien. En 1969, les monographies d’histoire locale, portant sur une période aussi fraîche que controversée, n’étaient pas monnaie courante. Nul doute que cette synthèse a suscité bien des recherches ultérieures et, si sur certains points elle a pu « vieillir », si quelques problématiques peuvent être rediscutées, tout comme certaines interprétations ou oublis, le travail reste solide. C’est peut être avec son Histoire de Commentry et des Commentryens  la seule œuvre de Georges Rougeron qui ait atteint un public plus large puisqu’elle a fait l’objet de deux rééditions sous le titre plus « commercial » de Quand Vichy était capitale.

 • Sur la même période, deux autres contributions de Georges Rougeron apportent des éclairages intéressants : L’épuration en Allier (1943-1946) (1982) se veut une étude sobre, étayée par des chiffres vérifiables, loin de tout sensationnalisme et de tout esprit polémique. Ce livre répondait à une « commande » de l’Institut d’histoire du temps présent, une antenne du C.N.R.S. Marcel Baudot, son président, en prenant connaissance de l’ébauche de cette enquête lui avait écrit : « C’est un modèle de rigueur et d’esprit critique qui éclaire excellemment les aspects de la répression dans les conditions très particulières  offertes par le département, tant à Vichy qu’à Moulins (…) Je pense que vous avez atteint le plus haut degré d’approximation de la vérité, tant dans les chiffres des statistiques que dans l’interprétation des comportements, malgré les lacunes des sources judiciaires » (81). Sans doute parce qu’il était lassé des interprétations auxquelles cette période troublée avait donné lieu, Georges Rougeron avait également publié des Mémoires d’autres temps en Allier (1940-1944) (1984). Outre des mises au point sur plusieurs controverses, on y trouvait le récit de quelques épisodes de sa vie sous l’occupation.

• Les grands acteurs de l’histoire bourbonnaise, que Georges Rougeron avait parfois côtoyés, ont aussi donné lieu, dans les années 1950,  à des biographies souvent concises : Marx Dormoy, Isidore Thivrier, Paul Constans ou le sénateur Fernand Auberger, tout comme le très influent Marcel Régnier. En remontant le cours du temps, Georges Rougeron s’est aussi intéressé à des personnalités aussi diverses que  le fondateur de l’enseignement agricole, Charles-Gilbert Tourret, le philosophe Destutt de Tracy ou le général de Courtais. De même les relations entre le célèbre marquis de La Fayette et les Bourbonnais  l’ont inspiré. Au hasard de ses recherches, Georges Rougeron avait constaté que certains de ses concitoyens avaient pu mener, hors du Bourbonnais, des carrières politiques ou administratives brillantes, au sein des « hauts-conseils et des hauts corps de l’Etat ». Là encore, il avait patiemment amassé une documentation éparse pour démontrer que, à défaut de diriger l’Etat, les Bourbonnais avaient pu tenir des leviers importants. Dans Les Bourbonnais à l’Institut de France (An IV – 1965), il avait esquissé quelques itinéraires remarquables, de l’Allier jusqu’à L’Académie. Souvent moins connus que le Commentryen Emile Mâle, ils ont gagné une parcelle d’éternité.

• C’est la même démarche qui l’avait conduit à sortir de l’oubli les Bourbonnais qui avaient siégé à l’Académie de médecine. Lui-même, enfin, dans les colonnes des Cahiers bourbonnais, avait fait le récit de quelques-unes des grandes rencontres que ses fonctions politiques, à la tête du département notamment, lui avaient permis de faire :Bao Daï, Léon Blum, Charles de Gaulle, François Mitterrand ou Jacques Chevalier, pour ne citer que ceux-là. Dans une série d’articles publiés dans la même revue, il s’était adonné à un travail original : recenser toutes les personnalités, locales ou non, inhumées dans les cimetières bourbonnais et relever toutes les particularités de ces nécropoles, autant pour l’architecture que pour les épitaphes surprenantes qu’il avait découvertes (82).

• L’HISTORIEN DES « ÉLITES OBSCURES »

• Georges Rougeron était intimement convaincu que, au delà des grands acteurs, l’histoire est aussi faite de millions d’individualités, dont une « minorité agissante » qui la fait progresser.. C’est à ces obscurs, à ces sans-grade qu’il avait consacré des centaines d’articles. Les grandes et les petites figures du socialisme, victimes de la répression qui suivit le coup d’état du 2 décembre 1851, les déportés de la Loi de sûreté générale de 1858 ou de la Commune, tout cela n’avait guère de secrets pour lui. Dans diverses publications, dont le Centre républicain à Montluçon ou Journal du Centre à Nevers, il se plaisait à saisir l’occasion d’un anniversaire, pour rappeler ces grands moments : Il y a cent ansIl y a deux  cents ans… C’est pour leur rendre hommages, qu’il avait publié en 1981, Le mouvement ouvrier en Allier (1880-1905) quelques mois après avoir traité de la presse de ce même mouvement ouvrier, sur une période plus large, de 1885 à 1940. 

 • Dès  1961, Jean Simon avait déjà tenté de dresser un inventaire de « L’œuvre historique de Georges Rougeron » (83) qui n’en était alors même pas au milieu du gué : « Une statistique (nécessairement provisoire en 1961 !), écrivait-il, peut établir que Georges Rougeron, historien du Bourbonnais et des Bourbonnais, a donné des notices biographiques sur 89 parlementaires, 479 conseillers généraux, 205 représentants politiques se rattachant par divers liens au département (…).Notre province peut également être étudiée à l’étranger. Des bibliothèques universitaires du Danemark, des Etats-Unis, de Grande Bretagne se renseignent dans les travaux de notre compatriote ».

• Une telle somme ne pouvait pas laisser insensible l’historien du mouvement ouvrier, Jean Maitron, qui avait lancé en 1964 la publication du monumental Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français. Parmi les 110.000 biographies publiées de ces « élites obscures », dans la période 1789-1940, des dizaines d’entre elles concernant l’Allier ont été fournies par Georges Rougeron. En tant qu’acteur, on trouve même la sienne dans la série couvrant la période 1914-1939 (84). Ses adversaires politiques les plus résolus ne pouvaient s’empêcher de  reconnaître la pertinence et l’honnêteté de ses travaux. Dans la préface de son Dictionnaire de la politique française (tome IV), Henry Coston, qui avait été un collaborateur notoire pendant l’Occupation et  dont toute la carrière politique s’est déroulée à l’extrême droite, écrivait : « Un grand merci (…) à tous ceux qui au cours de ces quinze dernières années m’ont apporté leur collaboration (…)…à ce parlementaire socialiste, aujourd’hui honoraire, chercheur infatigable et ennemi de tout sectarisme qui a complété ma documentation sur des groupes, des journaux et surtout  des militants politiques de son bord ou de sa région » (85). Derrière ce « parlementaire honoraire » anonyme, on aura reconnu Georges Rougeron.

La Montagne – (13 octobre 2001)

• LA FIN D’UN LONG PARCOURS

Nécrologie de Georges Rougeron (La Montagne – 12 août 2003)

• En achevant de parcourir la liste de ses travaux, on ne peut que souscrire à l’affirmation du bibliographe Maurice Sarazin, qui considère que « Georges Rougeron apparaît ainsi comme un historien bourbonnais inégalé au point de vue politique, administratif et biographique, pour les XIXè et XXè siècles et, pour partie, des XVIIè et XVIIIè siècle ». Pour faciliter le travail de futurs chercheurs, il avait décidé en 1984 de faire don aux archives départementales de l’Allier  d’un très important fonds de documents sur son activité depuis 1945, en tant que président du conseil général, le tout accompagné d’une volumineuse documentation sur le Bourbonnais (fonds 16 J). Le tout représente « cinquante et un mètres linéaires  de rayonnages». La ville de Commentry n’a pas été oubliée puisque Georges Rougeron lui a légué sa très riche bibliothèque (87). Elle est conservée dans les locaux de la médiathèque à l’espace culturel La Pléiade.

• Pudique, avare de confessions intimes, l’homme public avait cependant livré quelques bribes d’histoire de sa famille dans une Chronique des Rougeron (88): « Onze générations identifiées se sont succédé. En traçant cette chronique d’une famille « sans histoire », notait-il, toute simple semblable à des milliers d’autres, en notre Montagne et partout en terre bourbonnaise, j’ai pensé à tous les autres, à cette foule innombrable d’ancêtres ignorés auxquels nous devons ce que nous sommes ». Lui qui avait eu la douleur de perdre, des suites d’un accident de la route, un fils unique en 1966 (89), à l’âge de 30 ans, n’avait qu’un regret : « La lignée  masculine des Rougeron de mon origine s’éteindra donc avec moi ». Aussi avait-il écrit en exergue : « En mémoire de mes anciens, avec qui tout a commencé. En souvenir de notre grand fils, avec qui tout s’est terminé ».

•  Le 14 août 2003, quatre jours après son décès, il a été inhumé dans le caveau familial du cimetière de Bézenet. Comme la plupart des dirigeants socialistes de sa génération, fidèle à la Libre Pensée dont il avait été membre, il avait choisi d’avoir des obsèques civiles, sur la place du 14 juillet, face à cet hôtel de ville dont il avait tant de fois gravi les marches. Il repose désormais aux côtés de son fils Claude et de son  épouse, Gabrielle Rougeron, décédée le 29 mars 1998, à l’âge de 83 ans, après avoir  longtemps dirigé le cours complémentaire de Bézenet devenu ensuite le collège Ferdinand-Dubreuil. Une tombe sur laquelle  il avait demandé que l’on grave seulement l’inscription “militant socialiste” et  qui aurait eu  toute sa place au côté de celles que Georges Rougeron avait patiemment recensées dans sa série d’articles intitulés  « En parcourant les cimetières bourbonnais ».(9)

• LE TEMPS DES HOMMAGES

ET DE LA MÉMOIRE

• Le 16 octobre 2004, après une cérémonie commémorative, avec un dépôt de gerbes sur sa tombe, à Bézenet,  et sur celle de Christophe Thivrier, à Commentry,  était organisé un premier hommage, à l’Agora. À la suite des allocutions et des témoignages de personnalités (Roger Durin, Claude Gramont, Pascal Saint-Amans). André Touret et Jean-Paul Perrin devaient  intervenir, le premier pour évoquer Georges Rougeron,  du secrétaire de Marx Dormoy au président du conseil général, et le second sur  Georges Rougeron, l’homme politique et l’historien.

La Montagne -22 octobre 2004
La Montagne – 4 octobre 2004
La stèle et le buste de Georges Rougeron inaugurés en 2015

•  Il faudra ensuite attendre  onze ans pour que la commune, à laquelle il avait consacré quarante-deux ans de sa vie, inscrive sa mémoire dans le paysage commentryen, au delà d’un ensemble de HLM qui avait été baptisé Georges-Rougeron en octobre 2004. Le 23 septembre 2015, à l’initiative de Roger Durin, son premier adjoint durant quatre mandats, et avec l’agrément du maire de l’époque, Claude Riboulet, le nom de Georges Rougeron a été attribué à une allée piétonne, entre la rue du Bourbonnais et la rue Henri-Barbusse : “Il ne fait guère de doute que Georges Rougeron, si peu porté sur les honneurs qu’il eût été de son vivant, aurait apprécié l’hommage qui lui a été fait, tant par le lieu de verdure et de passage qui lui a été accordé que par la concorde qui a entouré un projet très commentryen de par sa réalisation ”, avait-alors souligné Patrick Debowski, dans les colonne de La Montagne (91).

• Dans le même temps, pour le parti auquel il aura été fidèle toute sa vie, il avait  semblé nécessaire d’inscrire “physiquement” le personnage de Georges Rougeron dans le paysage, par l’intermédiaire d’un buste. Sa réalisation a été confiée à une artiste nîmoise, la sculptrice Véronique Percy. Le buste a été ensuite fondu dans les ateliers commentryens de l’entreprise Lux’Art. Quant au socle métallique, rappelant l’activité industrielle de la ville, il  a été réalisé par les agents du centre technique municipal. Tout un symbole…En dehors de Commentry, en revanche, il semble bien que seules deux villes, Saint-Germain-des-Fossés, sa commune natale, et Yzeure  lui aient rendu hommage en donnant son nom à une rue.

12 août 2023: L’hommage de l’association des Amis de Georges Rougeron (photo page FB de l’association des Amis de Georges Rougeron)

•  Enfin, en 2015, une association des Amis de Georges Rougeron a été constituée afin de porter et de transmettre la mémoire de l’homme politique et de l’historien. Un but qui passe, mais non exclusivement, par la création d’une page Facebook et l’organisation d’événements mémoriels, parmi lesquels la commémoration, le 12 août 2023,  du 20ème anniversaire de sa disparition, par deux cérémonies: l’une  à Bézenet, devant sa tombe,  et l’autre  à Commentry, devant son buste.  Au delà, l’association entend bien favoriser les travaux et recherches autour des imposants fonds archivistiques et documentaires légués par Georges Rougeron, aux archives départementales de l’Allier et à la ville de Commentry.

La Montagne -édition de Montluçon (17 août 2023)

NOTES ET RÉFRENCES DE LA QUATRIÈME  PARTIE (74 à 90)

74- Extrait du discours de Pascal Saint-Amans, prononcé lors des obsèques de Georges Rougeron.

75- Bulletin de la Société d’émulation du Bourbonnais, année 1945 (p.312).

76– Les Cahiers bourbonnais, n° spécial d’hommage à Marcel Génermont, 1983.

77- Millénaire du Bourbonnais 955-1955, publié par la Société d’émulation du Bourbonnais. L’ouvrage  donne le détail des très nombreuses initiatives qui marquèrent le millénaire et des échos suscités dans les médias de l’époque.

78- Pour le détail des articles publiés dans le Bulletin de l’Emulation, dans Notre Bourbonnais – Etudes Bourbonnaises et dans les Cahiers Bourbonnais, voir la bibliographie en fin de volume.

79- Who’s who France, Dictionnaire biographique (éditions Jacques Laffitte, 1987-1988, p.1377). Rappelons que les notices sont rédigées par les intéressés eux-mêmes, puis vérifiées par les responsables du dictionnaire…Des vérifications qui n’empêchent pas certaines des personnalités, a contrario de Georges Rougeron, d’en rajouter à la fois sur les études, les diplômes, les carrières ou les œuvres.

80- Pierre Gironde, Georges Rougeron va quitter sa mairie…(La Montagne, 6 février 1989).

81- Lettre de Marcel Baudot (10 juin 1981), reproduite dans  L’épuration en Allier (ouvrage cité).

82- Georges Rougeron, En parcourant les cimetières bourbonnais  ( série de 4 articles publiés dans Les Cahiers bourbonnais, n° 109, 113 , 117   et 121)

83-Jean Simon, L’œuvre historique de Georges Rougeron, dans Les Cahiers Bourbonnais (n°19, 3è trimestre 1961). On pourra également lire avec profit  L’encre, la pierre et la parole. Les socialistes de l’Allier et leur histoire, 1944-2001, une étude critique de Fabien Conord publiée dans la revue Le mouvement social (2003/4 – n° 205). Elle est librement accessible sur le site Cairn Info. Une part importante est consacrée à Georges Rougeron, historien et homme politique. 

84– Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean Maitron, puis de Claude Pennetier, éditions de l’Atelier (1964-2022). L’ensemble des notices est aujourd’hui librement  accessible  sur Internet.

85- Henry Coston, Dictionnaire de la politique française, Tome IV,  Publications Henry Coston, 1982.

86– Un ouvrage attendu…Histoire de Commentry et des Commentryens, article publié par La Montagne, 12 octobre 1987.

87- Renseignements extraits de : Maurice Malleret, Encyclopédie des auteurs du pays montluçonnais, éditions des Cahiers bourbonnais, 1994.

88- Georges Rougeron, Chronique des Rougeron, ouvrage cité.

89- Conseiller technique à la société d’aliments pour le bétail Orgex, à Saint-Martin-d’Estreaux, Claude Rougeron avait été infructueusement candidat dans le canton de Lapalisse, en 1964, sous l’étiquette S.F.I.O. Il n’avait recueilli, au premier tour, que 202 voix, loin derrière Lucien Colon, conseiller général sortant et maire de Lapalisse. Celui-ci,  qui se présentait sous l’étiquette « Indépendant », avait totalisé  1.247 suffrages. Ce devait être l’unique incursion en  politique de Claude Rougeron. Selon Les Cahiers Bourbonnais, ses obsèques, célébrées à Bézenet le 6 juin 1966, eurent lieu en présence de plus de trois mille personnes. Deux mois plus tôt, c’est sa propre épouse, née Adelina Prédari, qui était décédée tragiquement, en mettant fin à ses jours.

90– En parcourant les cimetières bourbonnais… publié dans les Cahiers Bourbonnais, articles cités. Le collège Ferdinand Dubreuil, qui était l’un des rares établissements avec son voisin de Doyet à avoir conservé  un statut municipal, a été désaffecté, il y a quelques années. 

91- Patrick Debowski, Une allée inaugurée, un buste et une plaque dévoilés en l’honneur de l’ancien élu (La Montagne, 28 septembre 2015)

ANNEXES

ANNEXE 1 

 

• GEORGES ROUGERON (1911-2003)

QUINZE DATES CLEFS DANS LA TRAVERSÉE D’UN SIÈCLE

• LE CITOYEN ET L’HOMME POLITIQUE

1911

Naissance à Saint-Germain-des-Fossés.

1924-1934

Certificat d’études primaire puis apprenti et compagnon plâtrier-peintre.

1928

Fondateur des Jeunesses socialistes de l’Allier.

1934-1940

*Secrétaire de Marx Dormoy (1888-1941),   conseiller général, député-maire de Montluçon, Ministre de l’intérieur (1936) puis Sénateur socialiste de l’Allier (1938).

*Secrétaire administratif de la fédération de l’Allier de la S.F.I.O.

*Responsable de l’hebdomadaire de la fédération SFIO de l’Allier Le Combat Social.

1940-1944

*Révocation de ses fonctions de rédacteur à l’hôtel de ville de Montluçon, par l’Etat français.

*Participation active à la recréation du Parti socialiste clandestin et à la Résistance (Mouvement Libération).

1942-1943

 *Arrestation et internement à Saint-Paul-d’Eyjeaux.

 puis assignation en résidence surveillée.

1944

 * Cofondateur et secrétaire du Comité départemental de Libération de l’Allier (C.D.L.).

1945 :

*1ère élection au conseil général de l’Allier (canton de Commentry), réélection en 1951, 1958, 1964, 1970, 1976 et 1982 (43 ans de mandats).

*Président du conseil général de l’Allier de 1945 à 1970 et de 1976 à 1979.

1947

 *1ère élection comme Maire de Commentry. Réélu en 1953,1959,1965, 1971, 1977, et 1983 (42 ans de mandats).

1959-1971

*Sénateur de l’Allier.

1972-1977

*Président de la Fédération de l’Allier des élus socialistes et républicains et président du Comité d’expansion économique de l’Allier en 1977.

1976-1979

*Président des Fédérations nationale et départementale des élus républicains

1982

 Conseiller régional d’Auvergne.

*Docteur en histoire de l’université Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand.

1989

Retrait de la vie politique commentryenne et départementale.

1989-1995 : Conseiller municipal de Bézenet .

 Il compte le plus long mandat de maire de Commentry (42 ans), le plus long mandat de conseiller général de l’Allier (44 ans) et de président de l’assemblée départementale (28 ans), depuis la création du conseil général de l’Allier.

2003

 Décès, le 10 août, à Commentry, à l’âge de 92 ans.

*Obsèques civiles, le 14 août, à Commentry et inhumation au cimetière de Bézenet

 

• LE CHERCHEUR ET L’HISTORIEN

Historien du Bourbonnais, il a rédigé 63 ouvrages publiés consacrés aux hommes et aux institutions politiques

et il a publié plus de 700 articles dans la presse et les revues spécialisées.

En octobre 1982, il a été reçu Docteur en histoire, avec mention « très bien », après avoir soutenu, à 71 ans,

sa thèse  consacrée au Département de l’Allier sous la IIIè République.

Distinctions : Chevalier de la Légion d’honneur, officier dans l’ordre national du Mérite et officier dans l’ordre national des Palmes académiques.

ANNEXE 2

 

• QUELQUES REGARDS SUR

GEORGES ROUGERON (1911-2003) :

LA MÉMOIRE POLITIQUE  DU BOURBONNAIS… 

L’HOMME

          « Avec mon père et à l’école, j’ai appris le civisme, l’engagement qui en découle, le sérieux du travail ; avec ma mère, la simplicité, la modestie. De l’un, je crois avoir reçu le goût de l’expression publique, de l’autre, celui d’une certaine solitude intime… »

Georges Rougeron

Extrait de La chronique des Rougeron (1978)

 

L’ÉLU DÉPARTEMENTAL

         « Le département de l’Allier a perdu un de ses plus fidèles serviteurs : un serviteur engagé et dévoué, un homme de convictions et surtout un homme d’action, qui a marqué de son sceau la vie politique du département(…). Sous un physique fragile et derrière une grande courtoisie, couvait une volonté farouche qui inspiraient une grande admiration à tous ceux qui l’approchaient (…). Georges Rougeron faisait partie de ces hommes que l’on respecte car il a su rester, durant toute sa vie, fidèle à ses idées et à sa famille politique… »

Gérard Dériot

Sénateur – Président du conseil général de l’Allier

(Extraits du discours prononcé le 14 août 2003).

 

L’ÉLU COMMUNAL

« Vous étiez une personnalité hors du commun(…), grand serviteur de la chose publique au service de laquelle vous avez déployé votre énergie, votre détermination et vos convictions(…). L’histoire locale est marquée par vos connaissances d’ordre historique, mais également, et surtout, par une qualité particulière : celle d’avoir aimé et servi notre commune tout au long de votre vie(…). L’être humain s’en est allé, mais votre mémoire restera gravée dans les entrailles de notre cité et dans le cœur de celles et ceux qui vous ont admiré ».

Jean-Louis Gaby

Maire de Commentry

(Extraits du discours prononcé le 14 août 2003)

 

LE MILITANT SOCIALISTE 

        « Georges Rougeron était d’abord un homme engagé, dès sa première jeunesse, dans la cause socialiste, au point que cet engagement a pu finir par se confondre avec sa vie (qui est) en effet comme un bréviaire du Socialisme. Celui que ses grands aînés appelaient affectueusement « Petit frère » sera resté fidèle jusqu’au bout à son engagement qu’il qualifiait lui-même « d’acte de foi pour un idéal de justice ».

Pascal Saint-Amans

Secrétaire de la section du Parti socialiste de Commentry

(Extraits du discours prononcé le 14 août 2003).

    « Si l’on devait résumer cette carrière d’autodidacte, ce serait par la fidélité au socialisme, par cet engagement qu’il qualifiait lui-même « d’acte de foi pour un idéal de justice ». Au-delà des contingences personnelles et des querelles politiques, Georges Rougeron a souscrit à l’engagement des militants qu’il a connu dans son enfance : il est resté fidèle et a gardé « la vieille maison ».

Fabien Conord

Historien

(extrait de la notice biographique de Georges Rougeron dans le dictionnaire Le Maitron)

 

L’HISTORIEN

        « Georges Rougeron estime justement que ses activités d’homme public doivent être éclairées par la connaissance de l’Histoire et que l’exercice du mandat départemental postule la connaissance du passé de la collectivité dont il a la charge. Cette histoire, non seulement il l’étudie, mais il multiplie les publications qui peuvent nous la faire connaître ».

Jean Simon

Critique littéraire

 (Extraits de : L’œuvre historique de Georges Rougeron, Les Cahiers Bourbonnais, 1961)

          « A notre sens, l’historien doit s’efforcer de restituer les faits, de se montrer objectif dans son récit, équitable lorsqu’il porte appréciation. Cela entend qu’il ne saurait ni inventer, ni dissimuler, ni solliciter les faits ou les comportements ; qu’il lui est bon d’éviter toute épithète passionnée, quelle qu’en soit la portée et que sa préférence a le devoir de s’exprimer avec mesure, ce qui n’exclut ni la ferveur, ni la fermeté. A plus forte raison lorsque les événements et les hommes demeurent tout proches »…

Georges Rougeron

(Extraits de : Les préfets de l’Allier, 1970).

ANNEXE 3

 

BIBLIOGRAPHIE DES LIVRES ET ARTICLES

PUBLIÉS PAR GEORGES ROUGERON

          Georges Rougeron est l’auteur de plusieurs centaines d’articles et de notices dans différents journaux et revues et d’une impressionnante production livresque. En 1989, au moment de son retrait de la vie politique,  il avait publié, toutes éditions confondues, 69 ouvrages historiques ou biographiques, auxquels s’ajoutaient 610  articles, communications et études parus dans diverses revues, ainsi que 252 articles insérés dans des quotidiens, dont en particulier  Centre-Matin (Montluçon) et le Journal du Centre (Nevers). Aux Archives départementales de l’Allier, on peut consulter la bibliographie que Georges Rougeron avait lui-même établie. Elle comporte 4 fascicules dactylographiés, couvrant la période 1934-1984.

          Dans cette bibliographie, n’ont été d’abord retenus, avec un classement  chronologique, que les ouvrages ayant fait l’objet d’une édition sous forme de livres, brochures ou plaquettes. La mention C.G Allier signifie que l’ouvrage a été publié par le Conseil général et/ou la Préfecture de  l’Allier (les Editions départementales). A petit tirage, le plus souvent hors commerce, ils portent pour la plupart   en couverture le sceau de la République.   

              Viennent ensuite les articles et communications insérés dans les Cahiers Bourbonnais, dans Notre BourbonnaisEtudes Bourbonnaises, dans le Bulletin des Amis de Montluçon et, enfin, dans le Bulletin de la Société d’Emulation du Bourbonnais. Quant à entreprendre la recension des articles de presse (Le Centre Républicain, Le Journal du Centre,…), la tâche relève de la gageure…Sont donc seulement cités les titres des journaux et magazines dans lesquels ont été régulièrement  insérés des articles de Georges Rougeron.

A – OUVRAGES PUBLIÉS (1)

1933

*Aperçu historique sur le mouvement socialiste dans l’Allier. Préface de Paul Faure, 48 p Nevers, éd. La Tribune du Centre.

1946

*Le Mouvement socialiste en Bourbonnais (1875-1944). Préface de Henri Ribière. 83 p, Moulins, éd. du Beffroi.

*Les administrateurs et les assemblées départementales de l’Allier (1790-1945). 36 p, Moulins, imp. Pottier, C.G. Allier.

1954

*Discours prononcé aux funérailles de M. Emile Mâle, de l’Académie française. Montluçon, imp. Grande Imprimerie Nouvelle, C.G. Allier.

*Isidore Thivrier (1874-1944). Montluçon, imp. Grande Imprimerie Nouvelle, C.G. Allier.

*Les Ecoles Normales du département de l’Allier. Montluçon, imp. Grande Imprimerie Nouvelle, C.G. Allier.

*Les propriétés départementales d’Yzeure. Montluçon, imp. Grande Imprimerie Nouvelle, C.G. Allier.

1955

*Discours prononcé à la distribution des prix du Lycée Banville, le 30 juin 1955. Montluçon, imp. Grande Imprimerie Nouvelle, C.G. Allier.

*La maison maternelle départementale de l’Allier. 8 p, Montluçon, imp. Grande Imprimerie Nouvelle, C.G. Allier.

*Les sanatoria départementaux de l’Allier. Montluçon, imp. Grande Imprimerie Nouvelle, C.G. Allier.

1956

*Discours prononcé à la distribution des prix du lycée de jeunes filles de Moulins, le 30 juin 1956. Montluçon, imp. Grande Imprimerie Nouvelle, C.G. Allier.

*Marx Dormoy (1888-1941). 16 p, Montluçon, imp. Grande Imprimerie Nouvelle, C.G. Allier.

*Paul Constans (1857-1931). ill., Montluçon, imp. Grande Imprimerie Nouvelle, C.G. Allier.

*Les administrateurs du département de l’Allier (An VIII – 1950. Montluçon, Imp. Grande Imprimerie Nouvelle, C.G. Allier.

*Les musées départementaux de l’Allier. Montluçon, imp. Grande Imprimerie Nouvelle, C.G. Allier.

*L’école d’infirmières départementale de l’Allier. Montluçon, imp. Grande Imprimerie Nouvelle, C.G. Allier.

*L’hôpital psychiatrique départemental de l’Allier. Montluçon, Imp. Grande Imprimerie Nouvelle, C.G. Allier.

*Un siècle d’enseignement agricole en Allier. Montluçon, imp. Grande Imprimerie Nouvelle, C .G. Allier.

1957

*La Fayette et le Bourbonnais. Montluçon, imp. Grande Imprimerie Nouvelle, C.G. Allier.

*La vicinalité départementale de l’Allier. Montluçon, imp. Grande Imprimerie Nouvelle, C.G. Allier.

*Les administrations départementales de l’Allier (1790 – An VIII). 117 p., Montluçon, imp. Grande Imprimerie Nouvelle, C.G. Allier

*Les chemins de  fer départementaux de l’Allier. 36 p, ill., carte, Montluçon, imp. Grande Imprimerie Nouvelle,  C.G. Allier

1958 

*Allocution prononcée à la réception départementale des délégations au XIIè Congrès national des combattants prisonniers de guerre. Moulins, C.G. Allier.

*André-Victor Cornil (1837-1908). Montluçon, imp. Grande Imprimerie Nouvelle, C.G. Allier.

*Charles-Gilbert Tourret (an IV – 1858). 12 p, ill.,  Montluçon, imp. Grande Imprimerie Nouvelle, C.G. Allier.

*Marcel-Claude Regnier (1867-1958). 12 p, ill., Montluçon, imp. Grande Imprimerie Nouvelle, C.G. Allier.

*Le conseil général de l’Allier : Tome I : An VIII – 1870. 180 p, Montluçon, imp. Grande Imprimerie Nouvelle, C.G. Allier.

1959

*Le socialisme en Allier (conférence faite à « Positions », publiée dans la revue éponyme)

1960

*Les administrations départementales de l’Allier : Le conseil général : Tome II : 1871-1940. 276 p, Montluçon, imp. Grande Imprimerie Nouvelle, C.G. Allier.

*Les administrations départementales de l’Allier (1940-1945). La commission administrative départementale, le conseil départemental, le Comité départemental de libération. 48 p, biblio, Montluçon, imp. Grande Imprimerie Nouvelle,  C.G. Allier.

*Le génie Rural en Allier (XVIè congrès national des Ingénieurs des travaux ruraux et adjoints techniques du Génie Rural, Vichy).

1961

*La formation du département de l’Allier. 40 p., Montluçon, imp. Grande Imprimerie Nouvelle, C.G. Allier.

1962

*Fernand Auberger (1900-1962). 48 p, ill., Montluçon, imp. Grande Imprimerie Nouvelle, C.G. Allier.

*Les Bourbonnais à l’Académie Nationale de Médecine. Montluçon, Grande imprimerie Nouvelle, C.G. Allier.

1963

*Croire au Socialisme – Intervention au 54è congrès national du Parti Socialiste (S.F.I.O).

*L’école pratique d’agriculture de l’Allier. 16 p, Montluçon, imp. Grande Imprimerie  Nouvelle, C.G. Allier.

*Pour une éducation Nationale (Intervention au Sénat)

1964

*Exigences de l’action municipale (conférence faite à « Positions »)

*Jules-Gabriel Gacon (1847-1914). Montluçon, imp. Typocentre, C.G. Allier.

*La Résistance dans le département de l’Allier (1940-1944). 40 p., Montluçon, Imp. Typocentre, C.G. Allier.

*Les consultations politiques dans le département de l’Allier – Le personnel politique bourbonnais (1789-1963). 294 p, biblio, Moulins, imp. Pottier, C.G. Allier.

*Pour l’Ecole Primaire (intervention au Sénat)

*Quatre présidents du conseil général de l’Allier. Moulins, C.G. Allier.

1965

*Le département de l’Allier sous la Troisième République (1870-1940)., 415 p, biblio, Montluçon, Imp. Typocentre,  C.G. Allier.

(le 15 octobre 1982, Georges Rougeron a  soutenu devant l’université de Clermont-Ferrand une thèse de doctorat en histoire, sur le thème de « L’évolution de la vie politique du département de l’Allier sous la IIIè République », reprenant l’essentiel de l’ouvrage publié en 1965).

*Le destin du Socialisme – Intervention au 55è congrès du Parti Socialiste (S.F.I.O.).

*Regards sur l’Allemagne.

1966

*Antoine-Louis-Claude Destutt de Tracy. 16 p, Montluçon, imp. Typocentre, C.G Allier.

*Les Bourbonnais à l’Institut de France (An IV – 1965). Montluçon, imp.  Typocentre, C.G. Allier.

1967

*Amable-Gaspard-Henri de Courtais. Montluçon, imp. Typocentre, C.G. Allier.

*Défendre notre école (Intervention au Sénat).

*Les administrations départementales de l’Allier : Le Conseil général : Tome III : 1945-1958. 154 p, annexes, biblio, Montluçon, imp. Typocentre, C.G. Allier

1968

*Le personnel bourbonnais dans les Hauts-Conseils et les Grands Corps de l’Etat (1791-1965). 175 p, biblio, index, Montluçon, imp. Typocentre,  C.G. Allier.

*Les soi-disant Réformes (Intervention au Sénat).

1969

*Le département de l’Allier sous l’Etat français. 498 p, Montluçon, Imp. Typocentre,  C.G. Allier.

*Le personnel politique bourbonnais (1789-1965). Supplément. Complète Les consultations politiques dans le département de l’Allier (1964). 80 p, Moulins, imp. Pottier,  C.G. Allier.

1970 

*Le personnel épiscopal bourbonnais (1789-1969). 68 p, Montluçon, imp. Typocentre,  C.G. Allier.

*Les préfets de l’Allier (1944-1969) . 32 p, Montluçon, imp. Typocentre, C.G. Allier.

1972

Commentry (1882-1972).20 p, ill., Commentry, imp. P. André..

1977

*Les familles politiques au conseil général de l’Allier (1871-1940). 58 p, biblio, Montluçon, imp. Typocentre, C.G. Allier.

1978

*Chronique des Rougeron. 22 p, Le Mayet-de-Montagne, éd. Courrier de la Montagne Bourbonnaise.

*Les Administrations départementales de l’Allier : Le Conseil général : Tome IV : 1958-1970. 174 p, annexes, compléments, biblio, Montluçon, imp. Typocentre, C.G. Allier.

1979

*Les voies de communication en Allier (XVIIIè-XXè siècles).  80 p, biblio, Montluçon, imp. Typocentre, C.G. Allier.

1980

*La presse bourbonnaise sous la IIIè République : Tome I : Mouvement ouvrier (1885-1940). 80 p, répertoire des titres, biblio, Moulins, imp. Pottier, C.G. Allier.

*Les intendants en Bourbonnois en la généralité de Moulins ( origines à 1790).  130 p, dépl., biblio, Moulins, Les Imprimeries Réunies, C.G. Allier.

1981

*Le mouvement ouvrier en Allier : tome I : 1880-1905.  98 p, biblio, Moulins, Imp. Pottier,  C.G. Allier.

1982

*Un centenaire :Commentry, première municipalité socialiste du monde (1882-1982). 44 p, ill. n-b, Commentry, imp. P. André.

*L’Epuration en Allier (1943-1946). La répression de la Collaboration suivi de Légendes et vérités.  65 p., biblio, Imp. Typocentre, Montluçon, C.G. Allier.

1983 

*Les gouverneurs du pays et du Duché de Bourbonnois (Origines à 1790). 88 p., biblio, Moulins, Les Imprimeries Réunies, C.G. Allier.

*Quand Vichy était capitale : la Révolution nationale, la Résistance, l’Occupation allemande, la Libération ( Réédition de : Le département de l’Allier sous l’Etat français). 498 p, ill. n-b, annexes, Roanne – Moulins, éd. Horvath – Foucher.

1984

*Mémoires d’autres temps en Allier (1940-1944). Recueil de 12 articles sur la période de la défaite de 1940, de l’Occupation et de la libération, dont 5 à caractère autobiographique. 106 p, Montluçon, Imp. Typocentre, C.G. Allier.

1985

*Les administrations provinciales en Bourbonnais (1780-1790). 124 p, biblio, annexes, Moulins, Imprimeries Réunies, C.G. Allier.

1987

*Le département et les services publics en Allier (XVIIIè-XXè siècles). Nouvelle édition refondue. 381 p, Montluçon, imp. Typocentre, C.G. Allier.

*Histoire de Commentry et des Commentryens.  286 p, annexes, Charroux, éd. des Cahiers Bourbonnais.

1991

*Quand Vichy était capitale…Réédition. 498 p, ill., biblio,  Le Coteau, éd. Horvath.

OUVRAGES COLLECTIFS

 (auxquels Gorges Rougeron a collaboré)

1950

*La Révolution de 1848, à Moulins et dans le département de l’Allier (chapitre : De la révolution de février au 2 décembre 1848). Ouvrage publié par le Comité départemental du centenaire de la Révolution de 1848. 298 p, pl. hors-texte,. Moulins, imp. Pottier, Préfecture de l’Allier.

Depuis 1964

*Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français. Publié sous la direction de Jean Maitron. Périodes 1789-1864 (tomes 1 à 3), 1864-1871 (Tomes 4 à 9), 1871-1914 (Tomes 10 à 15) et 1914-1939 (Tomes 16 à 43). Nombreuses notices sur les militants et hommes politiques bourbonnais  rédigées par Georges Rougeron. Le Dictionnaire comporte également la notice biographique de Georges Rougeron, rédigée par l’historien Fabien Conord (période 1914-1939). Paris, éd. de l’Atelier. En libre accès sur le site Internet du Maitron. 

1975

*Les Français dans la Résistance. Tome I.  Neuilly-sur-Seine, éd. de Saint-Clair.

1984

*Bourbonnais. Cadre naturel, histoire, art, littérature, langue, économie, traditions populaires. (Chapitre 1 : Archéologie et histoire,  en collaboration avec Jacques Corrocher).  399 p, ill. n-b, cartes, index, biblio, Le Puy-en-Velay – Paris, éd. Christine  Bonneton.

1985

*Nouvelle histoire du Bourbonnais, publiée sous la direction d’André Legai : Tome II. Chapitre VII : La période révolutionnaire et impérialeChapitre VIII : Le XIXè siècle, de la Restauration à la chute du Second Empire Chapitre IX : l’Allier sous la IIIè République Chapitre XI – 1ère partie : L’Allier sous la Révolution nationale. Le Coteau, éd. Horvath.

1986

*Histoire des communes de l’Allier : tome III : Arrondissement de Montluçon : Le canton de Commentry. Le Coteau, éd. Horvath.

B – ARTICLES PUBLIÉS DANS

LES CAHIERS BOURBONNAIS

La collaboration de Georges Rougeron avec les Cahiers bourbonnais débute avec le n°15 (3è trimestre 1960)

pour s’achever avec le n° 158 (4è trimestre 1996), soit plus de 40 articles en 36 ans.

*n°15 : Emile Mâle : Souvenirs d’enfance à Commentry, présentés par Georges Rougeron.

*n°21 : Un vieil instituteur se penche sur son passé (les souvenirs de Pierre Chervin, rédigés à l’âge de 95 ans et présentés par Georges Rougeron).

*n° 26 : Les parents de Valery Larbaud.

*n° 27 : Les affinités bourbonnaises d’une amie d’Eugène Delacroix.

*n°30 : L’éducation de la jeunesse (intervention au Sénat).

Un scandale préfectoral à Moulins, sous l’Empire (le préfet Guillemardet).

*n°37 : Nous avons pris Vichy (traduction d’un article publié dans le journal du parti nazi, le  Volksischer Beobachter, les 6 et 7 août 1940, présentée par Georges Rougeron).

*n°45 : Un Bourbonnais dans la Révolution russe : Lucien Deslinières (1857-1937)

*n°46 : Une Bourbonnaise dans la Révolution russe : Jeanne Labourbe.

*n°50 et n° 51 : Journal de guerre du 588è Etat-major principal de liaison allemand (…) concernant le département de l’Allier, dans les mois de juin à août 1940.

*n°53 : Hommage à Joseph Voisin (extraits de l’allocution de Georges Rougeron, président du Conseil général).

*n°54 : Les missions britanniques en Bourbonnais, avant la Libération.

*n°61 : André Borie (1889-1971).

*n°65 : Un bourbonnais président de l’Académie royale de médecine : Joseph- Auguste Lucas (1768-1833).

*n°67 :  Ma rencontre avec Bao-Daï (Vichy, 1950).

*n°69 :  Ma rencontre avec El Mockri (Abrest et Vichy, 1955).

*n°73 :  Une rencontre F.L.N. (avec un membre de la fédération de France du F.L.N., dans la forêt de Marcenat en 1961).

*n°78 : Un curieux destin bourbonnais : la baronne Vitta (1881-1948).

*n°81 : Rencontres à Berlin (à l’occasion d’un voyage en R.D.A. en 1965).

*n°83 : Mes rencontres avec Léon Blum.

*n°89 : Mes rencontres avec De Gaulle (à Moulins et à Paris en 1959).

*n°91 : « Secrets », légende et vérité autour de Tronçais ( mise au point à propos des événements qui s’y sont déroulés pendant les trois mois de l’été 1944).

*n°95 : Il y a quarante ans, avec un Bourbonnais de l’Inde française, Louis Bonvin (1886-1946).

*n°100 : Vingt-quatre heures dans la « Zone » (Moulins, août 1940).

*n°104 : L’occupation allemande à Moulins.

*n° spécial 1983 : In memoriam M. Genermont.

*n°107 : La présence allemande à Vichy.

*n° 109, n°113, n°117 et n°121: En parcourant les cimetières bourbonnais.

*n° 111 : Victor Hugo et le Bourbonnais.

*n°112 : Ils honorent le Bourbonnais : le procureur général Antonin Besson.

*n°115 : L’étrange destin du dernier abbé de l’ancien Sept-Fons, Bernard de Montfort (1747-1823).

*n°120 : Médecins en Bourbonnais : le docteur Jean Cornillon.

*n°126 : La « Préfectorale » d’autre temps dans l’Allier. Souvenirs de Louis Lépine, sous-préfet de Lapalisse en décembre 1877.

*n°128 : La vie et l’œuvre d’Abel Gance.

*n°145 : La noblesse d’Empire en Bourbonnais.

*n°155 : Mes rencontres avec François Mitterrand.

*n°158 : Ma rencontre avec Jacques Chevalier (1944).

C- ARTICLES PUBLIÉS DANS

D’AUTRES BULLETINS, REVUES ET JOURNAUX

*BULLETIN DES AMIS DE MONTLUCON

*n°23 – année 1972 : Une famille Montluçonnaise au Canada (les Girouard).

*n°30 – année 1979 : Un « Nihiliste » à Néris (Frédéric Stakelberg – 1852-1934).

*NOTRE BOURBONNAIS (période 1968-1987)

puis ÉTUDES BOURBONNAISES (période 1988-1996),

BULLETIN DE LA SOCIETE BOURBONNAISE DES ETUDES LOCALES

        La signature de Georges Rougeron, président honoraire de la S.B.E.L., apparaît dans Notre Bourbonnais dès 1949, avec une série consacrée aux Représentants politiques du département de l’Allier (publiée entre 1949 et 1957). Ne sont recensées ici que les études postérieures à 1968, soit plus de 30 articles. (2)

*n°180 (1972) : Episodes bourbonnais sous la révolution française : I- Des conspirateurs démasqués :  Pierre Molette (1759-1832)

*n°181 (1972) : Episodes bourbonnais…(Suite) : II- Un sergent-chef dénonce un général en chef (La  Fayette : bataillon de l’Allier, Sedan, août 1792).

*n°182 (1972): Les pierres de la Bastille.

*n°183 (1973) : Episodes bourbonnais…(suite) : III- Une erreur judiciaire réparée (Claude Fiacre et Jean Dupuy, du Bouchaud).

*n°184 (1973) : Episodes bourbonnais…(Suite) : IV- Quand la propriété artistique était en cause (Besché, sculpteur à Moulins, an II).

*n°185(1973) : Episodes bourbonnais…(Suite) : V- Les juges de l’Allier aux Tribunaux révolutionnaires (Liandon, Foucaud).

*n°188,189,190 (1974), n°191,192,193 (1975), n°195,196,197 (1976), n°201,202 (1977) et n°213 (1980) : le personnel départemental de l’Allier depuis 1789 (Révolution, Consulat, Ier Empire, Restauration, Monarchie de juillet, Seconde République, République présidentielle et Second  Empire).

*n°203 (1978) : Monsieur Antoine Brun (1881-1978).

*n°204 (1978): L’Allier à l’ordre du jour des Assemblées sous la Révolution française(1789 – An II).

*n°206 (1978) : Chronique des Rougeron— Le destin douloureux et passionné de Pierre Brizon(1878-1923).

*n°209 et 210 (1979) :Les débuts de la presse ouvrière en Allier (1885-1900).

*n°212 (1980): Les débuts du mouvement ouvrier en Allier.

*n°213 (1980) : Il y a 60 ans en Allier : 1920.

*n°234 (1985) : Il y a 50 ans…A l’approche du Front Populaire en Allier.

*n°236 (1986) : Il y a 50 ans…  La victoire du Front populaire en Allier.

*n°237 (1986) : Les administrations provinciales (1780-1790).

*n°268 et 269 (1994) : La franc-maçonnerie en Bourbonnais : Orient de Moulins.

*n°270 (1994) : La franc-maçonnerie (suite): Orient de  Cusset.

*n°272 (1995) : La franc-maçonnerie (suite) : Orient de Montluçon.

*n°273 (1995) et 275 (1996) : La franc-maçonnerie (fin) : Orient de Vichy.

*BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ

D’ÉMULATION DU BOURBONNAIS

         Entré à la Société d’Emulation du Bourbonnais, avec le parrainage de Marcel Genermont, le 3 juillet 1945, Georges Rougeron a publié dans le Bulletin de l’Emulation  une vingtaine d’articles qui s’échelonnent sur 40 années, entre 1946-47 et 1986-1987.(3)

*Volume 1946-1947 : Un prêtre socialiste en Bourbonnais, sous la IIè république : H. de Monlouis (pp. 285-290).

*Volume 1948-1949 : Une histoire secrète du Connétable de Bourbon (p.216).

*Volume 1954-1955 : Emile Mâle (1862-1954) (pp. 157-160).

*Volume 1957-1959 : La Fayette et le Bourbonnais – Destutt de Tracy – Bureaux de Puzy  (pp. 317-331) – Les noms bourbonnais des rues de Paris (pp. 478-486 et pp. 554-562).

*Volume 1964-1965 : Les Bourbonnais à l’Institut de France (conférence) (pp. 388-426).

*2è trimestre 1970 : Pour la participation du conseil général de l’Allier au 7è centenaire de la mort de Saint Louis.

*2è trimestre 1971 : Deux Bourbonnais à la Commune de Paris : Simon Dereure (1838-1900) et Jean-Baptiste Chardon (1839-1898).

*2è trimestre 1975 : Sur les ascendances bourbonnaises de M. Valéry Giscard-d’Estaing.

*1er trimestre 1976 : Sur la naissance du premier président du département de l’Allier (Jacques Grimaud, né en 1747).

*3è et 4è trimestres 1977, 1er, 2è et 3è-4è trimestres 1978, 2è trimestre 1979 : Les intendants du Bourbonnais de la généralité de Moulins (des origines à 1790).(7 articles)

*3è trimestre 1983 : Commentry au XIXè siècle (allocution prononcée à l’occasion de la réunion de la Société d’émulation à Commentry, 3 juillet 1982).

*Volume 1986-1987 : Qui a sauvé les tours de Bourbon-l’Archambault ? (pp.93-94) —  Les   évêques bourbonnais (pp. 307-308) – Bourbonnais, Bourbons et Capétiens (p.405-411).

D- AUTRES PUBLICATIONS AUXQUELLES

GEORGES ROUGERON A COLLABORÉ

         La signature de Georges Rougeron figure dans de nombreuses publications, bourbonnaises ou extra-bourbonnaises parmi lesquelles (4) :

*Le Bourbonnais Littéraire (1ère année, n°3, juillet 1934), publié par Marcel Contier, contient l’un des tout premiers articles de Georges Rougeron, alors âgé de 23 ans,  Pourquoi il faut aimer notre histoire ?.

*Le Combat Social, Organe officiel de la fédération socialiste S.F.I.O de l’Allier (période 1934-1940).Georges Rougeron, qui en était à la fois le responsable politique et le gérant, a rédigé de nombreux articles, à la une, résumant la position de la S.F.I.O. face à diverses questions politiques, économiques, sociales….

*La Revue socialiste de l’Allier (1946), Le Réveil socialiste de l’Allier (articles sur les Figures socialistes d’autrefois), L’Unité (1972).

*le Bulletin officiel du Comité départemental de Libération (1944-1945) (15 numéros parus).

*Le Centre Républicain (Montluçon- 1944-1954) puis Centre-Matin (Montluçon).

*Le Journal du Centre (Nevers – période 1956-1977). Le quotidien, fondé en 1944, rayonnait sur la Nièvre, la Saône-et-Loire, le Cher et une partie de l’Allier, avec une édition moulinoise. Articles commémoratifs sur les grandes figures  de l’histoire et de la vie politique bourbonnaise, le socialisme, les luttes sociales…

*Le Bulletin départemental de l’Allier (Moulins, 1945-1989, 370 numéros) publication officielle et mensuelle du département de l’Allier. Des dizaines articles historiques, notices biographiques sur la vie et les hommes politiques bourbonnais, l’administration,  depuis la Révolution. Une grande partie de ces études ont été ensuite rassemblées dans les différents volumes publiés par le Conseil général de l’Allier.

*Bulletin municipal de Commentry (45 numéros publiés sous les 7 mandats successifs de Georges Rougeron, à la tête de la municipalité commentryenne, de 1947 à 1989).

*Le Courrier de la Montagne bourbonnaise (Le Mayet-de-Montagne).

*Le Réveil Gannatois, Organe socialiste de l’arrondissement de Gannat  (notices sur Les représentants politiques gannatois)

*Le pays gannatois (Gannat, publication de la Société culturelle et de recherche du pays gannatois).

*L’Agriculture bourbonnaise (Moulins, bimensuel fondé en 1951 et publié par la direction des services agricoles de l’Allier : articles sur la condition paysanne, le métayage, l’évolution de l’agriculture en Bourbonnais).

*Allier-Magazine (Limoges, période 1968-1980).

*Le Populaire Dimanche  (Paris – période 1949-1956). Hebdomadaire national publié par la S.F.I.O. jusqu’en 1963. Principaux thèmes : Les grandes figures du socialisme, les luttes sociales…

*Le Miroir de l’histoire (Paris, revue mensuelle) ; Actualité de l’histoire (Paris,  revue trimestrielle de l’institut français d’histoire sociale, publiée par les éditions ouvrières, initiatrices de la publication du Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, le Maitron).

NOTES SUR LA BIBLIOGRAPHIE

1- L’article de Jean Simon, L’œuvre historique de Georges Rougeron (Cahiers bourbonnais, n°19, 1er trimestre 1961, p. 205-210) constitue une très intéressante approche sur les vingt premières années de recherches et de travaux menés par Georges Rougeron.

 2- Pour les articles publiés dans Notre Bourbonnais avant 1968, il existe une Table sommaire aux Archives départementales de l’Allier, avec deux entrées, dont une par auteur. Pour la période 1968-1999 (7è-15è séries, n°159 à 285) des Tables générales ont été publiées par la S.B.E.L. (n°286, 2000)

3- Voir les Tables générales du Bulletin de la Société d’Emulation du Bourbonnais : Période 1911-1975 (Joseph Fayet), période 1976-1985 (Paul Majeune) et période 1986-1995 (Raymond Lacroix).

4– Les 3 volumes rédigés par Maurice Sarazin, Essai de bibliographie bourbonnaise, ouvrages et articles relatifs au département de l’Allier, comportent de très nombreuses références Rougeron : Volume 1 : 1970-1974 (62 références), volume 2 : 1975-1979 (75 références) et volume 3 : 1980-1984 (24 références). Voir également les 4 fascicules déposés aux Archives départementales de l’Allier par Georges Rougeron et établis par lui, dressant l’inventaire bibliographique des ses travaux (période 1934-1984) et le fonds Rougeron.

ANNEXE 4

 

DISCOURS PRONONCÉS LORS DES OBSÈQUES CIVILES

DE GEORGES ROUGERON

(14  AOÛT  2003)

 

DISCOURS DE M. PASCAL SAINT-AMANS,

 Secrétaire de la section  de Commentry

 du Parti Socialiste

“Nous sommes réunis ce matin autour de la dépouille de Georges Rougeron pour lui rendre, dans le recueillement, un dernier hommage au cœur de cette ville dont il fut si longtemps le premier serviteur.  Il me revient, au nom des Socialistes ici rassemblés comme il l’avait souhaité avant de nous quitter, de prononcer quelques mots pour honorer la mémoire de celui qui fut, et restera, le premier des nôtres. Elus socialistes du conseil général de l’Allier, du conseil municipal de Commentry, d’hier et d’aujourd’hui, simples militants ou sympathisants, c’est ainsi un peu votre famille qui vous accompagne aujourd’hui pour ce dernier voyage.

 Car, profondément respectueux de la diversité des opinions, Georges Rougeron était d’abord un homme engagé, dès sa première jeunesse, dans la cause socialiste, au point que cet engagement a pu finir par se confondre avec sa vie. La vie de Georges Rougeron est en effet comme un bréviaire du socialisme. Fondateur à 17 ans des jeunesses socialistes de l’Allier, celui que ses grands aînés appelaient affectueusement « Petit frère » sera resté fidèle jusqu’au bout à son engagement qu’il qualifiait lui même « d’acte de foi pour un idéal de justice ». Secrétaire de Marx Dormoy, résistant, interné dans un camp d’octobre 1942 à novembre 1943, Georges Rougeron a ensuite prolongé son engagement dans les fonctions électives qu’il exerce dès 1945 en devenant le plus jeune Président de Conseil général, après avoir été membre du Comité départemental de Libération, puis en devenant maire de Commentry et bientôt sénateur.

 D’autres que moi, qui exercent aujourd’hui les fonctions que vous avez si fortement marquées de votre empreinte, diront combien notre département et notre ville de Commentry doivent à votre action et votre persévérance. Je veux ici, pour ma part, saluer le militant infatigable, qu’il fût Secrétaire fédéral, secrétaire de la section de Commentry, ou redevenu simple militant, en réalité le plus ancien avec plus de 68 ans d’appartenance à la famille socialiste. Une fidélité qui s’ancrait dans un respect profond pour un héritage, familial comme intellectuel : un père engagé dans le combat social et dans la libre pensée, votre ami Marx Dormoy, assassiné par les ennemis de la Liberté, et cette tradition commentryenne du socialisme de lutte dont vous étiez si fier d’être l’héritier. Les plus jeunes d’entre nous, tout empreints du respect pour la figure que vous représentiez se souviendront avec émotion de votre volonté de poursuivre votre engagement en proposant, il y a moins de deux ans seulement, de nous aider en célébrant publiquement votre anniversaire, aux côtés de Lucien Flageolet dont je salue ici la mémoire. Il y a quelques mois encore, vous aviez tenu à participer aux débats du Parti socialiste en venant voter dans notre local où vous disiez vous sentir « un peu à la maison ».

Par une jolie formule, tirée de la Chronique des Rougeron écrite en 1978, Georges Rougeron se définissait assez justement : « De mon père, je crois avoir reçu le goût de l’expression publique, de ma mère, celui d’une certaine solitude intime ». Homme public et pourtant d’une très grande pudeur, réservé, mais plein d’humour, parfois cinglant d’ailleurs, Georges Rougeron a prolongé son engagement par une seconde passion, l’histoire. Une histoire locale dont il devint un des meilleurs chroniqueurs, à travers de multiples ouvrages, études et articles. Soucieux de l’exactitude, avec la rigueur des plus grands historiens, l’apprenti plâtrier qui avait quitté l’école à 13 ans devint ainsi, après des années de recherches assidues, un docteur en histoire prolifique, dont l’œuvre pourra servir encore de source pendant de longues années. Là encore, le travail accompli a bien pour objet de relier les Anciens aux nouvelles générations, de faire œuvre de pédagogie afin de permettre, en un mot, la construction d’un avenir meilleur à partir d’un héritage de luttes et de conquêtes. Dans la rigueur du travail d’historien impartial, Georges Rougeron prolongeait en fait, avec la plus grande honnêteté, son engagement socialiste.

Parlant de Commentry, il manifestait ainsi toujours son souci de « faire de cet ancien petit village du Bourbonnais une ville résolue à revendiquer sa place dans les temps nouveaux » souhaitant, pour le nouveau siècle « un développement économique accompagné de plus de justice sociale ». En 1955, faisant face au déclin de la mine, il exigeait déjà qu’il n’y eût pas de fermeture sans industrie de remplacement. Rénovant l’ancienne cité, la dotant d’un parc remarquable de HLM et des grandes infrastructures, comme le barrage de Bazergue ou l’accès au gaz, alors de Lacq, Georges Rougeron a œuvré pendant quarante-deux ans comme maire de notre ville. Mais avant que ses réalisations publiques soient évoquées par les officiels, un dernier mot personnel, respectueux de la pudeur de Georges Rougeron.  En exergue à sa chronique familiale, il écrivait :

« En mémoire de mes Anciens avec qui tout a commencé, En souvenir de notre grand fils, avec qui tout s’est terminé ».    Il est hélas temps aujourd’hui, cher camarade, de rejoindre votre fils disparu douloureusement. Sachez que nous tous ici réunis, nous saurons conserver et animer la mémoire de ce grand ancien que vous êtes, avec qui tout a commencé.”

DISCOURS DE M. GÉRARD DÉRIOT

Président du conseil général de l’Allier

Dimanche dernier, Georges Rougeron s’est éteint, laissant ses proches et tous les Bourbonnais dans la douleur et la tristesse. Ce jour-là, le département de l’Allier a perdu l’un de ses plus fidèles serviteurs : un serviteur engagé et dévoué, un homme de convictions et surtout un homme d’action, qui a marqué de son sceau la vie politique de notre département.

Né en 1911 à Saint-Germain-des-Fossés, Georges Rougeron  était un Bourbonnais d’âme et de cœur, qui consacra sa vie au service de son département. Issu d’une famille modeste, il fut d’abord plâtrier-peintre, comme son père, avant de s’impliquer dans la vie politique du département, qu’il animera pendant plus d’un demi-siècle, d’abord en tant que simple militant puis en tant que membre actif. Entré en politique à la fin des années 20, Georges Rougeron était l’un des derniers hommes politiques issus de la IIIème République. Il côtoya d’ailleurs certains des personnages les plus marquants de l’époque, tel Marx Dormoy, qu’il seconda jusqu’à son arrestation en 1940. Son engagement dans la résistance et sa participation au Comité Départemental de la libération, en firent l’un des hommes clés de l’après-guerre. En effet, sous un physique fragile, et derrière une grande courtoisie, couvait une volonté farouche, qui inspirait une grande admiration à tous ceux qui l’approchaient.

Cette volonté politique, et la légitimité qu’il avait acquise lors des heures sombres de notre histoire, lui permirent d’être Maire de Commentry pendant plus de 40 ans, marquant ainsi de son empreinte la vie de sa commune, comme l’a rappelé Monsieur le Maire. Élu conseiller général en 1945, il présida l’Assemblée Départementale pendant près de 28 ans, de 1945 à 1970 tout d’abord, puis de 1976 à 1979 : c’est-à-dire peu de temps avant que celle-ci ne prenne l’ampleur qu’on lui connaît aujourd’hui grâce aux lois de décentralisation. Il reste ainsi celui d’entre nous à avoir eu le plus long mandat de Président du Conseil Général de l’Allier. Son engagement et sa détermination furent longtemps récompensés par les électeurs qui l’ont régulièrement reconduit à la tête du canton de Commentry jusqu’à son départ en 1988.  On aurait alors pu penser qu’il allait cesser toute activité politique, mais ses amis le persuadèrent de se présenter sur la liste des municipales à Bézenet, ce qu’il accepta finalement, sa vie étant indéniablement liée à la politique de notre département.

Ainsi, même si nous n’étions pas dans le même camp, Georges Rougeron faisait partie de ces hommes que l’on respecte, car il a su rester durant toute sa vie fidèle à ses idées et à sa famille politique, même si parfois il en critiquait les dissensions. Particulièrement conscient des problèmes qui se posent dans la société, Georges Rougeron a toujours défendu les idées qui lui semblaient justes. Les thèmes qui lui étaient chers demeurent malheureusement toujours d’actualité. Je me souviens notamment, qu’il intervenait au cours de chaque session budgétaire sur un drame qui frappe encore de nombreuses familles : l’enfance maltraitée. Thème qui lui tenait particulièrement à cœur.  Tout comme l’Education, dont il avait compris tout l’enjeu dès les années 70. Il avait d’ailleurs poussé un cri d’alarme en 1979 au sein de notre Assemblée, pour exprimer ses craintes de voir le niveau d’éducation péricliter dans notre pays.

Outre ses mandats de Maire, de Conseiller général, et de Conseiller régional, Georges Rougeron fut également Sénateur de 1959 à 1971.  Il se fit d’ailleurs remarquer au sein de la Haute Assemblée, par le nombre de questions écrites qu’il adressa au Gouvernement : plus de 520 en 12 ans.

Homme politique de tout premier plan, Georges Rougeron était également un écrivain et un historien particulièrement talentueux, qui maniait parfaitement la langue française, et utilisait l’imparfait du subjonctif comme nul autre. Sa connaissance du Bourbonnais et de son histoire lui permirent d’écrire de nombreux ouvrages qui servent encore de référence aujourd’hui.  C’est d’ailleurs sous sa présidence que fut construit le nouveau bâtiment des archives départementales, preuve de son intérêt pour les belles lettres. À ce propos, je me rappelle que lorsque j’ai voulu instaurer le centre de gestion à la place des archives, on m’a indiqué une toute petite pièce avec juste une table et une chaise, qui était réservée à Georges Rougeron pour qu’il puisse effectuer ses recherches.

Voilà, je m’arrêterai là, car il n’est pas possible de revenir de façon exhaustive sur le parcours d’un homme qui entreprit tant de choses, et qui eut une vie aussi riche. Je saluerai juste une dernière fois, au nom de toute l’Assemblée Départementale, des membres du personnel, mais aussi  du Sénat, et en mon nom personnel, cet illustre personnage qui se trouve dans la lignée des Thivrier et Dormoy et qui consacra sa vie au service de la France et des Bourbonnais.

 

DISCOURS DE M. JEAN-LOUIS GABY

Maire de Commentry

Monsieur Rougeron, Combien de fois les commentryens se sont-ils retrouvés autour de vous au cours des 42 années durant lesquelles vous avez été le premier magistrat de notre commune ? Sans nul doute, plusieurs centaines de fois… Mais aucune n’aura été marquée par l’émotion très forte de ce matin. Aussi, c’est au nom de tous ceux qui ont souhaité vous rendre un dernier hommage : les commentryens, les élus locaux, votre successeur : Monsieur Guy Formet, les personnels communaux, et toutes les personnes présentes aujourd’hui, que je tiens à saluer ce qu’a été votre vie, à en faire mémoire et à vous témoigner tout le respect que nous éprouvons pour vous.

Vous étiez une personnalité hors du commun : autodidacte au parcours brillant, doté d’un charisme très fort que chacun s’accordait à reconnaître. Vous étiez en outre, grand serviteur de la chose publique au service de laquelle vous avez déployé votre énergie, votre détermination et vos convictions. L’histoire locale est marquée par vos connaissances d’ordre historique, mais également, et surtout, par une qualité particulière : celle d’avoir aimé et servi notre commune tout au long de votre vie.

J’évoquerais simplement les grands projets qui ont jalonné ce demi-siècle de mandature. Ce sont autant d’infrastructures et de services, qui aujourd’hui, nous sont familiers et dont le bien-fondé apparaît comme évident, mais qui montrent qu’au lendemain de la guerre, dans une France à reconstruire, votre action politique était visionnaire.

Dans le domaine de l’éducation, vous avez initié la construction de la maternelle du Bois, d’un groupe scolaire rue de la République, du lycée d’enseignement technique, et du collège Emile Mâle, donnant aux enfants et aux jeunes de la commune de suivre leurs études dans des conditions optimales. Afin que les commentryens bénéficient de services publics techniquement adaptés et accueillants, vous avez construit un centre de secours doté d’une caserne modèle, fait reconstruire par le Conseil Général la caserne de Gendarmerie et accompagné la réalisation de la nouvelle poste. Une ville agréable est une ville où ses habitants peuvent accéder aux sports, à la culture et aux loisirs. Dans ce but, c’est sous votre mandature qu’ont été réalisés le stade annexe, la piscine municipale, les courts de tennis, l’Agora, et que l’école municipale de musique a été créée. La gestion d’une commune se doit d’assurer la solidarité à l’égard des plus défavorisés. Vous avez créé, Monsieur Rougeron, un service d’aide ménagère et vous avez instauré un dispositif d’aides financières pour permettre aux enfants de familles nécessiteuses de se rendre en colonie de vacances.

Notre commune est née de l’industrie. Si elle continue d’en vivre aujourd’hui, c’est aussi parce que vous avez porté avec détermination la construction du barrage de Bazergues pour résoudre le problème de l’eau industrielle, et que vous avez œuvré à la reconversion du site Potain dans les années 80. Je conclus cette énumération qui n’est certes pas exhaustive par ce qui me semble avoir été le chantier majeur de votre action municipale : la mise en œuvre d’une politique de logement avant-gardiste soucieuse de la mixité sociale, des loyers « bons marchés » et du confort moderne.

Il est bien difficile de résumer en quelques mots 42 années de réalisations au service de Commentry et des Commentryens. Aussi, je ne prolongerai pas ces paroles, qui sont des paroles d’estime et de respect. Pourtant, je me dois d’évoquer cette estime et ce respect. Une estime que j’ai vécue personnellement avec vous, Monsieur Rougeron, dans des relations humaines toutes simples à l’occasion de courtes visites à la Maison Saint-Louis.

Un respect de la fonction politique dont tous ceux qui vous ont côtoyé se souviennent. Nous n’avons jamais parlé de politique ensemble, sauf une fois, juste après les élections de mars 2001 où vous m’avez tout simplement rappelé l’importance de la charge qui devenait la mienne, ici, à Commentry. Aujourd’hui, Monsieur Rougeron, l’être humain s’en est allé, mais votre mémoire restera gravée dans les entrailles de notre cité et dans le cœur de celles et ceux qui vous ont admiré. Votre vie, Monsieur Rougeron: 92 années de courage, de volonté, de simplicité, et de combat au service des autres. Que cela soit un réconfort pour ceux qui vous pleurent aujourd’hui, et un modèle pour ceux qui souhaitent marcher dans vos pas.”

DISCOURS DE M. DANIEL BARNIER,

Secrétaire général de la préfecture de l’Allier

“Après les paroles émouvantes prononcées par ses camarades et les propos pleins de reconnaissance de ses collègues élus, je voudrais, au nom du Préfet de l’Allier, rendre un hommage solennel à la mémoire de Monsieur Georges Rougeron, le militant fidèle et convaincu d’une cause dont il n’a jamais varié, le serviteur dévoué d’un Ministre entré tragiquement dans l’histoire, le résistant interné politique pendant les années noires, l’élu de la Nation pendant de très longues années, l’élu local maire de la ville de Commentry et qui a occupé le fauteuil de président du Conseil Général.

S’il est des chemins de vie qui appellent le respect, le parcours de Georges Rougeron suscite l’admiration. Comment ne pas insister sur l’énergie dont a sans doute dû faire preuve le jeune écolier qui a quitté, à l’âge de 13 ans, les bancs de l’école de la République pour mener une vie toute entière faite d’engagements, de combats, d’efforts, de curiosité et de volonté, jusqu’à décrocher à l’âge de 70 ans, un doctorat d’Etat en histoire, après une vie de labeur débutée en qualité d’apprenti plâtrier-peintre en bâtiment.

Il en faut de la passion, de l’intelligence et du talent pour parvenir, quand on est simple militant, à se faire remarquer par Marx Dormoy, député-maire de Montluçon, futur Ministre de l’Intérieur du Front Populaire, et en devenir l’ami en même temps que le secrétaire particulier.

 Il en faut du courage, physique et moral, pour diriger un parti politique clandestin, au plus fort des années noires, avec le prix du risque, qu’il paiera comptant, interné politique d’octobre 1942 à novembre 1943. Libéré et placé en résidence surveillée, cela ne l’a pas dissuadé de reprendre aussitôt des activités clandestines au service de la France et de sa liberté.

Il en fallait encore du goût pour la connaissance et pour le savoir, pour se lancer comme il a pris plaisir à le faire, tout au long de sa vie, dans la recherche historique et écrire plusieurs dizaines d’ouvrages, témoins de son érudition et de son attachement à l’histoire locale. Il a étudié, avec le même, les voies de communication en Bourbonnais du XVIIIème au XXème siècles, et la vie politique dans le département de l’Allier, sous la IIIème République ou sous l’Etat Français, « Quand Vichy était capitale », pour reprendre le titre d’un de ses célèbres ouvrages.

Alors, bien sûr, l’homme politique Georges Rougeron a accompli un parcours exceptionnel. On n’est pas maire d’une ville comme Commentry pendant 42 ans, Conseiller  Général pendant 43 ans, Président du Conseil Général pendant 27 ans, Sénateur de la République pendant 12 ans, si on ne peut pas compter sur la confiance maintes fois renouvelée de ses électeurs, sur l’attachement de ses amis et en même temps sur l’estime de ses adversaires politiques.

D’autres avant moi se sont employés à rappeler ses actions et ses réalisations, cet héritage qui lui survivra. Mais les Femmes et les Hommes de ce département, comme toutes celles et tous ceux qui l’ont connu, retiendront surtout de cette forte personnalité, sa vive intelligence et sa grande lucidité qu’il s’est toujours employé à mettre au service des autres. Il aura consacré la majeure partie de sa vie à agir pour ses concitoyens et pour ses administrés. Bel exemple !  Ceux qui l’ont connu garderont toujours mémoire l’Homme chaleureux et fraternel qui, faisant le choix de se retirer définitivement de la scène politique départementale, partait avec – et je le cite – « le sentiment d’avoir essayé d’être une pierre à l’édifice pour faire évoluer les choses dans le bon sens ». Nous sommes tous là pour témoigner aujourd’hui de l’œuvre accomplie et pour accompagner, avec une grande émotion, son auteur vers sa dernière demeure”.

ANNEXE 5

 

DISCOURS PRONONCÉS LORS DU XXè ANNIVERSAIRE

DE LA DISPARITION DE GEORGES ROUGERON

(12 AOÛT 2023)

 

Les photos sont extraites de la page FB de l’ Association des Amis de Georges Rougeron

DISCOURS DE M. SYLVAIN BOURDIER

Maire de Commentry

“Il est de ces grands hommes, comme le fut Georges Rougeron, que les circonstances, autant que le caractère et les prédispositions personnelles, mirent en situation d’avoir un rôle majeur dans leur époque et dans l’Histoire. Mais il en est aussi qui, dans ces mêmes circonstances, tout aussi précieusement, mais plus discrètement, par leur engagement, assumèrent, sans être devant, leur rôle et la tâche qu’ils considéraient juste. C’est pourquoi je voudrais avoir une pensée appuyée et sincère, ce matin, pour Jacqueline Michel, ancienne conseillère municipale de Commentry. Le hasard de la vie a fait que ses obsèques ont eu lieu le jour du 20e anniversaire de la disparition de Georges Rougeron, il y a deux jours, jeudi 10 août. Elle fut de nos combats et de nos causes, et elle mérite d’être gardée dans nos mémoires, avec Jean Schab, Marcel Orgeur, René Poutignat, Jean Landron, et toutes celles et tous ceux qui restent dans nos cœurs.

Mesdames, Messieurs en vos différentes qualités, Chères Commentryennes, Chers Commentryens, Chers Amis et surtout Chers Camarades, Je vous transmets les excuses de Guy Formet, Maire honoraire, ainsi que d’Aline Jeudi, première secrétaire fédérale du Parti socialiste et d’Alain Passat, secrétaire de section du Parti Communiste Français. Roger et Marie-France Southon, également excusés, vous transmettent l’assurance de leurs sentiments fidèlement socialistes. Un regard sur la biographie de Georges Rougeron et nous voilà emporté dans un siècle d’histoire de Commentry, d’histoire du Bourbonnais, d’histoire du Pays, et, aussi, surtout peut-être, d’histoire de la Gauche. De celle qui, des moments les plus obscurs de l’époque contemporaine, jusqu’aux plus optimistes, façonna la perspective républicaine toujours inachevée, de changer la vie. Georges Rougeron ne disait-il pas, au congrès national de la SFIO de 1963, comme une mise en garde et comme un espoir – mise en garde et espoir du militant socialiste, de l’ancien secrétaire de Marx Dormoy, du résistant-interné (dont le pseudonyme était, très justement, « Dauphin »), du Maire de la première Municipalité socialiste du Monde, du Parlementaire et du Président de Conseil général – : « Quant à moi (…) je crois de toute mon âme au socialisme. Il se rencontre des Camarades qui me rétorquent : ‘mais comment, tu as 50 et quelques années, tu es parlementaire et tu crois encore à cela !´ Mais oui, Camarades, je crois à cela, je crois plus que jamais ! ».

Cette foi inébranlable, cette foi motrice, a donné sa force à Georges Rougeron, sa vie durant, de la fondation des Jeunesses socialistes de l’Allier en 1928, à seulement 17 ans, à ce plus long mandat de maire, 42 années, de conseiller général, 43 années, de Président de Conseil général, 28 années (plus jeune Président de France à l’époque, plus jeune de l’histoire de l’Allier)…

Cette loyauté, cette fidélité, ce dévouement à l’idéal légué par les Anciens sont incontestables et constituent le cœur battant, vivant, de l’héritage qu’il nous a laissé. Car il s’est voulu fidèle, à celui qui fut le premier, son glorieux prédécesseur Christophe Thivrier. Il fut par-là fidèle à ceux pour qui il a travaillé, et qui sont tombés pour la République : Marx Dormoy, Isidore Thivrier. Il fut fidèle, aussi, aux enseignements de son père (et de sa mère), qui l’élevèrent dans le travail, dans l’attachement à l’instruction, à la laïcité et à la justice sociale. Il fut loyal, au combat des Anciens pour l’émancipation et l’élévation humaine, avec l’intime espérance de voir un jour advenir la République sociale et de se mettre tout entier à son service, sans y réclamer une quelconque position, comme il se mit au service des femmes et des hommes d’ici. Il fut dévoué, à ses concitoyens, sans lesquels rien n’aurait été possible et dans l’intérêt desquels seuls, son action et sa droiture prenaient sens.

C’est à cet homme, parmi la cohorte de celles et de ceux qui furent courageux comme lui, que nous devons la liberté qui est la nôtre. C’est à cet homme, à ce militant, que nous devons cet exemple, de ne pas trahir, et de ne pas renoncer. C’est à cet élu que nous devons la ferme et permanente dénonciation de l’autoritarisme de la Ve République qui n’imposait pas de rupture avec les régimes passés, la défense de l’école de tous, de l’école publique, l’exigence de la fraternité entre les peuples, de celle dont Jaurès disait « un peu d’internationalisme éloigne de la patrie, beaucoup d’internationalisme y ramène » ; c’est à lui que nous devons l’édification des Habitations à Bon Marché qui ont permis de loger les ouvriers Commentryens comme des bourgeois selon ses propres termes, ou encore du collège Emile Mâle, et les nombreuses mesures sociales et investissements qui ont fait de Commentry une ville moderne et digne.

Qui oserait tenir rigueur, à un tel homme, de se satisfaire d’avoir pris sa juste part à la cause, et de s’autoriser à écrire pour son propre éloge funèbre ce que fut réellement son incroyable parcours : « Docteur en Histoire, Ancien Sénateur, Président honoraire du Conseil général de l’Allier, Maire honoraire de Commentry, Ancien Conseiller régional d’Auvergne, Secrétaire général honoraire de l’Assemblée des Présidents des Conseils Généraux de France, Ancien Secrétaire de Marx Dormoy, Ancien responsable clandestin du Parti socialiste, Ancien Chef Adjoint de la Libération pour le Sud de l’Allier, Ancien Interné politique, Ancien membre du Comité Départemental de Libération de l’Allier, Chevalier de la Légion d’honneur, Officier de l’Ordre National du Mérite, Médaille de la Résistance, Médaille d’or régionale, départementale et communale. »

Je n’ai rencontré Georges Rougeron qu’une seule fois, il venait alors voter, sortant de la maison Saint-Louis, sans doute un peu affaibli mais impeccablement mis, dans son indissociable manteau sombre. Il avait de l’allure. Les camarades socialistes qui l’accompagnaient nous ont présentés et nous nous sommes serrés la main. Je me souviens encore de cet instant et je garde en mémoire la silhouette de celui dont, au premier coup d’œil, on devinait l’épaisseur du personnage. J’ai en revanche croisé nombre de celles et de ceux qui sont restés marqués par l’homme qui, tel le roseau, parfois plie mais jamais ne rompt. Beaucoup semblent étonnés par sa personnalité insaisissable, ses mystères, ses silences, ses secrets, son sens de l’ordre et de la discipline autant que son anticonformisme discret. Désormais, les Commentryennes et les Commentryens gardent pieusement – si j’ose dire – et avec un sourire complice, le souvenir des nombreuses anecdotes, que je ne raconterais évidemment pas, mais que l’on se transmet dans les repas amicaux, en parlant de ces personnalités incontournables avec une proximité affectueuse. Je n’oublie pas, enfin, que c’est un homme ayant laissé les bancs de l’école à 13 ans, et qui fut d’abord plâtrier-peintre, que nous honorons aujourd’hui. C’est un fils du peuple travailleur, dont nous nous souvenons. Merci, à celui qui a permis, selon les mots d’André Leguay, de changer « la cité sombre et triste, frappée de l’anathème du travail qu’a décrite Emile Mâle (…) en une ville rénovée, urbanisée, claire et accueillante ». Monsieur Georges Rougeron, le bâton de Marianneux a regagné le bureau du Maire l’année passée, et porte toujours l’étiquette que vous lui avez apposée, flanquée de votre fine et rigoureuse écriture. Si je ne crois pas vraiment aux forces de l’esprit, « au nom de l’idéal, qui vous faisait combattre, et qui nous pousse encore à nous battre aujourd’hui » nous pensons, avec vous, que « la chaîne des temps n’est point brisée », c’est pourquoi aux côtés de ceux qui sont passés avant vous, dont nous sommes les dépositaires, vous restez, Grand Frère, vivant parmi nous, car nous vous faisons le serment solennel, de poursuivre le combat, pour la démocratie réelle, pour la République véritable, pour la justice sociale et pour le bonheur humain”.

DISCOURS DE M. JEAN SIMONIN

Au nom de l’Association des Amis de Georges Rougeron

“Je veux commencer cette intervention en remerciant chacune et chacun d’entre-vous de ne pas laisser tomber dans l’oubli celui qui fut véritablement ce qu’il convient de nommer un homme du siècle, traversant le tumulte de son époque au cœur de l’Histoire, avec un grand H, et au cœur de l’action, dans la besogne quotidienne qui fut la sienne, aux côtés de son père d’abord pour devenir plâtrier-peintre puis dans le combat politique. Avec Marx Dormoy à un tournant dramatique de la vie du Pays, puis, dans la guerre, agent de la Mairie commentryenne d’Isidore Thivrier, la Résistance, la continuité clandestine du mouvement socialiste, l’internement, puis le Comité départemental de la Libération ; avant que ne tombe enfin le nazisme et l’Etat français. Président du Conseil général, Maire, Sénateur, et à plus de 70 ans, docteur en Histoire : quel parcours exceptionnel que fut celui de Georges Rougeron. Ceux qui l’ont connu, de près, ses collègues élus, ses collaborateurs, ou de plus loin, comme leur Maire, ont tous, sans exception, été marqués par cette sorte de paradoxe : personnage pittoresque au physique malingre enveloppé d’un élégant classicisme, et en contraste, l’exceptionnel intellect , le grand talent, le charisme flegmatique. Car derrière ces atours si frêles se dissimulait la réalité d’un homme instruit et éclairé, d’un grand dirigeant politique, d’un élu apprécié, admiré et l’âme d’un simple militant d’une cause à laquelle il n’a jamais renoncé et qu’il n’a jamais trahi. Les réalisations de Georges Rougeron comme Maire et comme Président de Conseil général, ses prises de positions parlementaires au service de la démocratie et du territoire, sa loyauté, aux luttes des anciens, de son père, de Dormoy, des Thivrier, étaient synonymes de fidélité au peuple du travail, à une certaine idée de la République. Pour moi, il était le Maire, il était aussi le client que je croisais à la banque, dont on reconnaissait la prestance de la silhouette lorsqu’il arrivait. Georges Rougeron était ce socialiste, dont l’Histoire et les circonstances de l’heure exigeraient qu’il y en ait eu davantage. Il était de ceux qui savaient ce qu’ils voulaient.

Désormais, après 20 années, nous avons la mémoire à conserver autant que le présent et l’avenir à écrire. Georges Rougeron a produit non seulement plusieurs ouvrages, mais un nombre considérable de brochures, historiques et politiques, qui méritent d’être connues par le plus grand nombre. Cela pourra être une tâche de notre association dans les mois et les années qui viennent. Cette association, Les Amis de Georges Rougeron, sera ce que vous en ferez. Aussi je me permets dès maintenant de vous inviter à participer à l’assemblée générale que nous tiendrons au CCAI – Espace Jean Landron à la rentrée, le vendredi 8 septembre à 18h. Alors que les dangers et les espoirs n’ont jamais été aussi grands pour l’humanité et pour la République, nous avons la solidarité et la démocratie à défendre et à promouvoir. Pour cela, l’œuvre et l’action de Georges Rougeron sont des socles précieux qu’il nous revient de perpétuer, c’est l’hommage que nous voulons lui rendre. Je vous remercie”